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Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

Publié le mardi 8 juin 2010 à 10h39min

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Tertius Zongo à l’Assemblée nationale le 25 mars 2010

Le discours sur la situation de la Nation est un exercice annuel obligatoire pour le Premier ministre burkinabè. Il est inscrit dans la Constitution de la IVème République (promulguée le 11 juin 1991). Le 4 octobre 2007, alors qu’il n’avait encore que quelques mois d’exercice à la Primature, Tertius Zongo avait mis quatre-vingt dix minutes pour exposer ses orientations et dresser un bilan qui était, pour une part, celui de son… prédécesseur. Cette fois, le jeudi 25 mars 2010, il lui a fallu cent trente cinq minutes : mais la longueur du discours n’a pas émoussé sa détermination.

En 2007, il avait déclaré, déjà, qu’il fallait « rompre avec la dictature des mauvaises habitudes » compte tenu du « poids des enjeux, [du] choc des urgences et [de] la violence des contraintes ». Il n’a rien dit d’autre trois ans plus tard : « moment crucial », « gravité de l’instant présent », « sens de l’urgence », « bourrasque ». C’est dans la tempête (qui résulte pour une part significative de la crise économique mondiale : les transferts des travailleurs migrants ont baissé d’un demi-point du PIB tandis que les cours des matières premières ont flanché) que Zongo tient la barre. « En 2009, notre pays a enregistré un taux de croissance de 3,2 % [très légèrement supérieur à la moyenne des pays de l’UEMOA « à peine égale à 3 % »] contre 5,3 % en 2008. Une performance certes respectable, mais en deçà de nos ambitions ». C’est dire que les tensions économiques sont fortes, accroissant du même coup la pression sociale sur le gouvernement.

De la conjoncture internationale et régionale, Zongo ne dira que le minimum. Il ne dira pas grand-chose, non plus, de la conjoncture politique alors que le Burkina Faso est en « année présidentielle ». La politique politicienne et partisane, ce n’est pas son job. Tout au plus souligne-t-il que « le débat démocratique […] est en réalité un dialogue sur nous-mêmes », qu’il ne faut pas « se contenter de recopier des schémas politiques prêt-à-porter » et qu’il convient « en permanence [de] nous assurer que les institutions que nous bâtissons correspondent véritablement aux besoins de notre pays et de notre peuple ». Appelant tout naturellement à un « Burkina émergent », il soulignera que « le goût de l’effort et l’engagement vers l’excellence […] sont les marques les plus évidentes de l’identité burkinabè ».

Au niveau des avancées « politiques », il notera que le code électoral, le code des personnes et de la famille et la Constitution « ont été traduits en français facile, afin de rendre ces documents accessibles au plus grand nombre de citoyens », soulignera que « le gouvernement a entamé, avec les parlementaires, la réflexion sur la problématique de l’abolition de la peine de mort » et se réjouira que la communalisation intégrale mise en place en 2006 dans le prolongement du processus de décentralisation institué en 1995 fait que « chaque citoyen burkinabé est aussi citoyen d’un région et d’une commune ». Il s’agit, précisera-t-il, de « renforcer le sentiment d’appartenance des Burkinabè à leur région respective » (c’est dans ce cadre que les fêtes nationales sont désormais « tournantes » : à Ouahigouya, dans le Nord-Ouest en 2009, à Bobo-Dioulasso, dans le Sud-Ouest en 2011...).

Au-delà de ces considérations générales sur la philosophie politique du Burkina Faso, versus Zongo, le Premier ministre s’est attardé sur la préoccupation majeure de la population : sa sécurité et sa défense. Secours d’urgence et protection civile (mis à rude épreuve lors des inondations du 1er septembre 2009), lutte contre la criminalité et le grand banditisme, le trafic de drogue, la vente illicite des médicaments de la rue…, justice, amélioration de l’environnement des affaires… ont été les thèmes développés. Zongo, malgré la « gravité de l’instant présent » et le « sens de l’urgence » qui caractérisaient son discours, a insisté sur le souci qui est celui du gouvernement : ne pas perdre de vue les objectifs de long terme (2025).

Dans cette perspective, il a mis en place une « cellule nationale de veille prospective dont les missions sont entre autres de proposer toute mesure susceptible de favoriser l’avènement du scénario économique le plus favorable, ou à défaut de prévenir toute dérive pouvant conduire vers un scénario redouté ». Il a souhaité également que l’étude « Burkina 2025 », achevée en 2006 (avant son arrivée à la Primature) prenne en compte deux aspects qui lui tiennent à cœur (à juste titre d’ailleurs) : l’aménagement du territoire et la double question « population-démographie ». Cette incursion dans la « prospective » a été l’occasion pour le chef du gouvernement de remarquer que son « pays dispose d’une expertise excellente dans tous les domaines de la politique publique et [que] nous devrions abandonner le mauvais réflexe qui consiste à aller toujours chercher la lumière à l’autre bout du monde, alors qu’elle se trouve ici même à nos portes ! Nous n’avons pas à sous-estimer la valeur de nos cadres ! ». Juste et bel hommage.

A ce sujet, ou plus exactement, au sujet de la population burkinabè, dans le numéro 1 de Côte d’Ivoire Economie, un mensuel publié à Abidjan par Marion Ezzedine (directrice générale de la publication) et Jean-Pierre Pont (un vieux routier de la presse panafricaine), qui consacre son dossier « pays » au Burkina Faso, on peut lire que la diaspora burkinabè est estimée à 12 à 13 millions de personnes (cela signifie que, en gros, il y a 1 Burkinabè de l’intérieur pour 1 Burkinabè de l’extérieur !), ce qui rejoint mes propres affirmations selon lesquelles les Burkinabè représentent la première population d’Afrique de l’Ouest.

Ce qui est remarquable dans ce décompte, c’est l’implantation régionale de cette diaspora : la Côte d’Ivoire vient bien sûr en tête (3,5 millions) talonnée désormais par le Ghana (3 millions), mais on trouve ensuite un pays du Moyen-Orient (et non le moindre) : l’Arabie Saoudite (1,5 million) puis le Soudan (1,2 million) qui devancent les pays traditionnels d’implantation burkinabè tels que le Mali (1 million), le Bénin et le Togo (500.000 chacun), le Sénégal (400.000), le Niger (350.000). L’Italie serait le premier pays européen d’implantation des Burkinabè avec 30.000 personnes contre 4.500 seulement pour la France (alors que les Etats-Unis en compteraient 6.000 !).

Cette diaspora pose le problème du droit de vote des Burkinabè de l’étranger. Des dispositions légales ont été prises pour qu’ils puissent désormais participer effectivement à la vie politique du pays, mais Zongo l’a dit dans son discours sur la situation de la Nation : « Ces dispositions légales ne pourront pas être mises en œuvre au scrutin présidentiel de cette année. Le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour qu’elles puissent l’être dans le futur immédiat, et sûrement en 2015 ».

Mais c’est dans le domaine économique que Zongo est le plus à l’aise. En la matière, Zongo pratique la rupture : le particulier avant le global, le privé avant le public. Il mettra ainsi l’accent sur la stratégie de promotion du secteur privé dans le contexte actuel de crise économique avant d’évoquer l’administration publique qui se doit d’être « professionnelle et productive » quelle que soit par ailleurs « la noblesse de notre vision et la pertinence de nos choix stratégiques ». Zongo a rappelé la tenue de la première session du Conseil présidentiel pour l’investissement, les 5 et 6 novembre 2009, « sous la présidence effective de son Excellence Monsieur le Président du Faso » (cf. LDD Burkina Faso 0195/Vendredi 29 janvier 2010). Zongo a également rappelé que « l’encadrement des opérateurs du secteur privé est demeuré un souci constant du gouvernement ».

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 7 juin 2010 à 21:06, par Le sage En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

    Prenez le soin de recueillir les vraies informations sur les régions du Burkina.
    Ouahigouya c’est le Nord et Bobo Dioulasso les Hauts bassins. Et la fête nationale (le cinquantenaire) est pour cette année à Bobo et non en 2011.
    Merci pour votre article.

    • Le 7 juin 2010 à 23:34, par Zinidomè En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

      Votre réaction me parait abusive à moins qu’elle se base sur d’autres éléments que la finale du troisième paragraphe. Il y a, certes, deux imprécisions concernant Bobo : sa situation géographique d’une part - Région des Hauts-Bassins comme vous le précisez- et l’année 2010 où cette ville abrite l’événement dont il est question, d’autre part. Cependant, la ponctuation qui rend compréhensible la phrase telle que construite n’autorise pas,il me semble, la lecture que vous en avez faite. Vous avez sans doute été victime d’une lecture rapide comme cela arrive à tout lecteur.

      • Le 8 juin 2010 à 16:04, par Le sage En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

        Monsieur Zinidomè, je n’ai aucune idée derrière. Juste une ou deux observations. Je pense que la précision était de taille. Et comme il a été dit dans l’écrit de Monsieur DIOP, on a l’impression que 2010 est même oublié...
        Sinon, rassurer vous, le sage s’engage seulement dans les débats constructifs. Ma dose de tolérance est intarissable.
        Merci à vous.

    • Le 7 juin 2010 à 23:53, par S. DIOP En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

      Monsieur le Sage un peu de tolérance, situer Ouahigouya dans le Nord-Ouest.et Bobo-Dioulasso dans le Sud-Ouest me semble géographiquement correcte. Il ne s’agit pas de les situer dans les provinces administratives comme vous semblez avoir compris.

      S’agissant de la date 2011 votre remarque est pertinente mais remarquez qu’il passe de 2009 à 2011 sans faire allusion à 2010 : probablement une coquille dans la transcription.

  • Le 8 juin 2010 à 10:59, par BADOH En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

    Nous sommes ouverts aux crtiques mais soyons vraiment serieux mes amis.J’avais déjà dit que ce Bejot n’est serieux pas du tout. Nous avons besoin des critiques, mais pas des ecrits truqués d’une desinformation totale.S’il veut critiquer notre pays, pas de problème il peut aider notre pays à corriger ses erreurs et a avancé.Mais des critiques basées sur des fausses informations c’est pour égarer tout le monde.De grace publier cette fois-ci,mon message pour nous et pour Monsieur Bejot. Autant il formule des critiques (meme si elles ne sont pas exactes) autant accepter aussi qu’on le critique. ça lui permettra de ce corriger. C’EST LA DEMOCRATIE.

  • Le 8 juin 2010 à 11:58, par Le Citoyen En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance (suite)

    Il faudra que nous admettons tous que la LIBERTE D’ECRIRE EST UN DROIT.Mais lorsque les gens ecrivent du n’importe quoi acceptons qu’on leur fasse les reproches necessaires.IL FAUT BIEN S’INFORMER AVANT D’ECRIRE. Monsieur Bejot ne me parait pas objectif.

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