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Les missions du députés : Dévoyées à cause des candidats et des électeurs

Publié le mercredi 2 mai 2007 à 09h08min

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Le 6 mai prochain, les Burkinabè iront aux urnes pour élire leurs députés. Plus que cinq jours donc pour que chacun sache quelle sera la configuration de l’organe qui sera chargé, pendant les cinq (5) ans à venir, de voter les lois, de contrôler l’action du gouvernement et de consentir l’impôt.

Noble tâche certes, mais délicat challenge dans un pays où les citoyens, à commencer par les députés eux-mêmes, pensent que l’élu du peuple, c’est le "développeur" de son patelin, l’aumônier de son bled et le Naaba à qui on peut tout réclamer sans, en retour, rien donner, sauf son suffrage.

Quelque part, ces citoyens n’ont pas tort et c’est leur faire un faux procès que de les juger de façon péremptoire sans aucune circonstance atténuante. Mais les circonstances atténuantes ne sont pas synonymes de justifications, même si cela traduit un souci de justice lucide. Les circonstances atténuantes ici résident dans le fait que :

la réalité (c’est-à-dire la fonction) du député n’est pas consubstantielle à nos sociétés. Autrement dit, elle ne constitue pas l’aboutissement des péripéties sociopolitiques propres aux populations burkinabè en particulier et africaines en général ;

le concept de député et les missions qu’il suppose pour celui qui le porte comme titre sont le fruit d’un choix de civilisations et de cultures qui, par définition, est douloureux et ne constitue pas, dans ce contexte, une méthode pédagogique appropriée pour la diffusion de ce type de trait culturel ;

le Burkina Faso (avec ses quelque 14 millions d’habitants) appartient encore au monde de la pénurie : la production céréalière ne couvre pas de manière structurelle les besoins de la population ; le sous-sol n’a pas encore prouvé qu’il peut aider les Burkinabè à s’en sortir ; l’éducation et la santé sont encore des secteurs auxquels peu de Burkinabè ont accès ; enfin, le chômage réel ou déguisé est le lot d’une majorité écrasante des citoyens.

Dans un tel environnement, peut-on concevoir autrement les missions du député ? Même si cela n’était pas le cas, le député pourrait-il fermer les yeux sur ces réalités ?

Réponse : non seulement les populations ne peuvent pas voir autrement l’élu (le député surtout), mais cet élu, ne serait-ce que par humanisme, ne peut pas faire table rase de ce qu’il voit et ne peut pas ne pas chercher à alléger les souffrances de ses électeurs (de ses "parents", devrions-nous dire). Du reste, en général, c’est ce qu’avant de briguer un mandat électif, nombre de salariés ou d’opérateurs économiques font.

En outre, les électeurs, dans cette situation de dénuement, se sont rendu compte de ce que vaut leur suffrage ou de ce qu’ils peuvent tirer de cette inattendue circonstance.

Une culture de la mendicité, conséquence d’un manque de culture du travail

Une telle compréhension dédouane-t-elle pour autant les populations et les députés ? Loin s’en faut pour les raisons suivantes :

La première source d’enrichissement et de valeurs, c’est le travail : travailler trois (3) à quatre (4) mois par an pour se nourrir pendant douze (12) mois n’a jamais nourri son homme encore moins son peuple ; continuer, dans un contexte de pénurie consécutive à l’appauvrissement des sols, à la raréfaction des pluies et à l’explosion démographique, à consacrer la saison sèche à des activités sociales et culturelles (funérailles, mariages, rites, rencontres festives, etc.) au lieu de pratiquer des cultures de contre-saison ou l’artisanat ou encore la fumure des champs ne fait que rajouter à la misère.

La générosité suspecte des candidats ou des députés et ce que les électeurs pensent être des astuces pour tirer profit de la valeur de leur suffrage résolvent les problèmes conjoncturels. Les problèmes structurels liés à la satisfaction, une bonne fois pour toutes, des besoins biologiques primaires (manger, boire, se soigner, se loger, s’habiller) restent, eux, intacts. La solution, pour nous, se situe à deux niveaux :

Le premier niveau est relatif à la culture du travail, qui nous fait vraiment défaut : le calendrier agricole, le nombre de jours chômés dans l’année, le temps réellement consacré par les salariés (notamment les fonctionnaires) aux tâches pour lesquelles ils sont payés sont assez révélateurs de cette situation ; comme si nous vivions encore sous le régime de l’économie de subsistance, dans laquelle on ne consommait, schématiquement, que ce que l’on produisait et l’on ne produisait, caricaturalement, que ce que l’on consommait, les acteurs économiques se contentant de produire peu tout en comptant (en général de façon inconsciente) sur autrui pour combler le gap entre leurs besoins réels et leurs productions matérielles.

Le deuxième niveau, disons-le tout net, c’est la culture de la mendicité, qui est la conséquence du manque ou de l’insuffisance de la culture du travail telle que l’exigent les réalités du monde contemporain ; certes, l’humain ne doit pas dégénérer en homo économicus uniquement motivé par le lucre ; auquel cas, il ne mériterait plus d’être qualifié d’humain, mais il ne doit pas non plus tombé dans l’autre extrême qui consiste à vivre aux crochets de son prochain ; sinon, il serait tout simplement un parasite ou le prédateur des biens d’autrui ; par conséquent, il perdrait de son humanité, car le genre humain se caractérise d’abord par sa capacité à, son intelligence aidant, apporter de la valeur ajoutée à la faune et à la flore dont il se nourrit.

Le député n’est donc ni un bon Samaritain distribuant cadeaux en espèces et en nature à tout va, faisant construire des infrastructures à tout bout de champ et se prenant pour le duc du coin.

Le mot député a d’abord désigné le "représentant de l’autorité" au début du XIVe siècle. Au XVIIIe siècle, avec le baron de Montesquieu, il était synonyme de quelqu’un qui est "désigné par élection".

Cette acception a été vulgarisée en 1789 avec le triomphe de la Révolution française. En cela, le mot est resté fidèle à son étymologie latine : deputatus (de deputare) signifiant envoyé, délégué. Rien à voir donc avec les représentations dévoyées que l’on a aujourd’hui de cette noble fonction élective. Mais comme cela arrange aussi bien les candidats et les élus que les électeurs, c’est sans commentaire.

Z.K.

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 2 mai 2007 à 11:16, par Koffi En réponse à : > Les missions du députés : Dévoyées à cause des candidats et des électeurs

    Pourquoi "sans commentaires" à la fin, alors que vous venez de crutifier littéralement la pratique de cette fonction essentielle dans le dispositif insitutionnel de la IVè République ?
    Je crois que c’est le moment d’interpeller cette défaillance grave de notre classe politique sur le devoir qu’elle a d’éveiller les conscience sur la "vérité" du jeu politique et de ses pré-supposés, au lieu de participer à "a-bêtir" davantage ce même peuple. Sinon, comment comprendre que certains de ses animateurs soient toujours aussi fermement convaincus que distribuer de l’argent pour s’assurer du suffrage des électeurs (tout comme bourrer les urnes, ou fausser en conscience le décompte des votes genre Conseil Constitutionnel ou ex-Cour Suprême) est et demeure le seul moyen de gagner les élections ?

    Tant que nous ne travaillerons pas dans ce sens, notre engagement politique restera "politicien" (au sens le plus péjoratif du terme), et notre République (Faso) une chimère !

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