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CDP : Retour à la logique des clans

Publié le lundi 26 mars 2007 à 08h46min

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Marc Yao, Pierre Tapsoba et Moussa Boly

Le chemin des législatives de mai prochain est désormais ouvert pour tous ceux qui ont pu faire acte de candidature au sein des partis. Depuis le 7 mars dernier, les listes sont closes. Environ 38 partis politiques devraient s’affronter pour obtenir le suffrage des électeurs.

Mais sur ces 38 partis, quatre seulement présentent des candidats sur l’ensemble des circonscriptions électorales du pays. Dix autres partis ont une présence suffisante sur les circonscriptions électorales pour espérer présenter des candidats sur la liste nationale. Pour les 24 autres restants, ce n’est pas loin de ressembler à un baroud d’honneur.

Même si le type de circonscription retenue, la province, est favorable à l’émergence de personnalités locales. Et il est possible que des candidats bien populaires sur des sphères aussi réduites puissent tirer leur épingle du jeu. Mais cela reste malgré tout du domaine de l’anecdotique, puisque cela ne sera pas suffisant pour freiner le " Tuuk guili " version 1997 du CDP qui s’annonce.

Du CDP justement, nous en parlons largement, pas par parti pris, mais parce que c’est le seul parti qui a eu de la considération pour la presse nationale en lui destinant des copies, une fois le dépôt des listes à la CENI terminée. Il faut en savoir gré aux dirigeants de ce parti. Pour les autres, il faut croire que la confection des listes a été matériellement éprouvante et dans ces conditions, on ne peut pas leur demander de penser à la presse.

Ensuite, nous parlons du CDP, parce que la vie interne de ce parti et les contradictions qu’elle a engendrées depuis son dernier congrès commandaient que l’on suive pour voir comment tout cela s’est répercuté dans le choix des candidats qui ont été nombreux. Il faut d’autant suivre cette évolution qu’elle peut avoir des répercussions sur notre vécu quotidien.

Nous avons essayé de cerner cet impact à la lumière du retour au critère du militantisme prôné par le dernier congrès du CDP, mais aussi sous l’angle de la guerre des clans. Le constat est simplement saisissant. Non seulement le CDP s’est rétréci aux militants ODP/MT (et ce sont les papys de la CNPP/PSD qui en font les frais), mais le repli est allé plus loin, recoupant par endroits les groupuscules communistes qui ont été à l’origine de l’ODP/MT lui-même. Pour les épreuves à venir, chacun veut compter et pouvoir compter sur les siens


Les vieux clivages ont-ils eu raison de l’unité ?

On sentait le malaise, mais on ne le savait pas aussi profond. La tendance CNPP/PSD qui avec d’autres anciennes formations politiques avait donné vie au CDP en 1996 s’est déclarée non partante aux élections législatives 2007. C’est l’épilogue de vieilles dissensions que le CDP donnait l’impression de gérer au mieux, mais qui auront finalement eu raison de l’unité et de la cohésion du parti.

Marc Yao, Pierre Tapsoba, Moussa Boly, les figures historiques de l’ex-CNPP/PSD ne sont pas dans la liste des candidats CDP aux législatives de mai 2007. Ils auraient trouvé les offres du comité de sélection des candidats humiliantes, selon une source proche de la direction du CDP. Les deux premiers sont candidats titulaires, respectivement à la 7è et 9è place et le troisième est second sur la liste des suppléants. L’on est tout de même surpris au premier abord par ce refus sec des ex-ténors de la CNPP/PSD d’autant plus que l’emprise nationale du CDP, si l’on en juge par les scores réalisés à la présidentielle et aux dernières municipales, permet de penser que ces derniers avaient toutes les chances de se retrouver à l’hémicycle. Mais manifestement, d’autres considérations semblent avoir prévalu.

Le parcours du combattant des candidats CDP

Selon la directive du Bureau exécutif national (BEN) relative aux candidatures, cinq critères paraissent nécessaires pour faire partie des élus : être un militant actif et n’être pas sous sanction, être de bonne moralité, jouir d’une popularité dans sa localité, être à jour de ses cotisations des trois dernières années et enfin être inscrit sur une liste électorale.

C’est sur la base de ces critères qu’un dossier de candidature est soumis au BEN après une évaluation établie par un collège d’appréciation mis en place dans chaque province. Un comité national d’étude est ensuite chargé du classement par liste provinciale. Le dernier mot revient au BEN qui arrête la liste définitive. Quel a été le sort des trois candidats dans les différentes instances d’appréciation ? D’une manière générale, il semble que leur classement au niveau provincial n’a pas été particulièrement brillant.

Marc Yao aurait été mis de côté dans sa province et le secrétaire provincial du CDP de la province des Balé s’était même octroyé le privilège de recommander à la direction nationale que l’intéressé soit recalé au niveau de la liste nationale. La presse avait rapporté le rappel à l’ordre du président du parti qui n’avait pas du tout apprécié. En ce qui concerne Moussa Boly, il aurait été apprécié par la mention Bien, derrière deux de ses concurrents qui ont enregistré chacun la mention excellent. Nous n’avons pas de précision sur la sanction qu’a écopé Pierre Tapsoba au niveau provincial, mais il nous revient qu’il n’aurait pas été bien apprécié par la base.

Qu’à cela ne tienne, la direction du CDP a cru bien faire en remontant les candidatures des trois hommes pour les positionner sur la liste nationale. On sait désormais que la procédure n’a pas permis de régler les choses à la satisfaction de tous.

Les griefs des abstentionnistes

Pour les intéressés, c’est moins le classement en lui-même que les critères qui ont présidé à celui-ci qui posent problème. Pour quelqu’un comme Marc Yao, troisième personnalité du parti et premier vice-président de l’Assemblée nationale et coordonnateur de la région de la boucle du Mouhoun, qu’est-ce qui peut expliquer son positionnement à la septième place, venant après Naboho Kanidoua (3è), Léonard Compaoré (4è), Sawadogo Mahama (5è) et Achille Marie Joseph Tapsoba (6è).

A partir de quels critères peut-on juger un responsable de ce rang et à quel niveau ceux-ci doivent-ils être édictés ? Le fait de soumettre chaque candidature à l’appréciation de la base n’est nullement condamnable dans son principe, mais dans quelles conditions cela peut-il se faire pour éviter que l’opération ne soit entachée par des considérations subjectives ?

Apparemment, les choix définitifs ont été faits par un comité restreint réuni autour du président du parti et ce n’est qu’après que la liste définitive a été communiquée à chacun des trois ex-responsables de la CNPP/PSD. Une telle manière de procéder ne donne-t-il pas raison à Pierre Tapsoba, ancien leader CNPP qui, il n’y a pas longtemps encore, dénonçait les signes d’une résurgence du groupisme au sein du parti dont une des conséquences est la tendance à marginaliser les anciens militants de son obédience ?

Comment comprendre par exemple que le n°3 du parti soit exclu des choix d’une importance aussi stratégique pour le parti ? Pierre Tapsoba qui, au moment de la fusion, était le numéro 1 de son parti se retrouve lui à la 9è place sur la liste nationale des candidats titulaires. De Paris où il se trouvait, il aurait fait savoir à Roch Marc Christian Kaboré, le président du CDP, qu’il n’était pas partant dans ces conditions. Ils estiment donc tous n’avoir pas eu de réponses, en particulier sur les raisons qui fondent un classement qui tombe comme une sanction et une disgrâce.

Les raisons probables

En ce qui concerne Moussa Boly, le bruit a couru que Paramanga Ernest Yonli (coordonnateur régional, par ailleurs Premier ministre) aurait soutenu que pour être député dans le Gourma, il faut être gourmantché ou zaogo, deux ethnies autochtones du terroir. A partir de ce moment, le sort de Monsieur Boly, d’ethnie peulh réputée allogène, a été scellé.

Devant la gravité de cette accusation, nous avons évidemment contacté l’intéressé dont la version est évidemment différente sensiblement. Dans la phase ultime de la sélection, quels autres critères doit-on prendre en compte pour départager les candidats ? C’est la question que le Coordonnateur régional (en l’occurrence Yonli lui-même) dit avoir posé aux responsables provinciaux du parti. A la restitution et en présence de Moussa Boly, un responsable politique du Gourma aurait effectivement fait la suggestion incriminée (être gourmantché ou zaogo).

Mais ce dernier aurait été publiquement désavoué. Même Fatimata Legma connue pour son opposition irréductible à Boly n’aurait pas laissé passer cette proposition aux relents ethniques. Apparemment, ces mises au point ne semblent pas avoir clos la polémique, puisque la question a été à nouveau invoquée par Boly, ce qui aurait fait l’objet d’une réponse au vitriol de la part de Salif Diallo pour qui, on ne saurait négliger le poids des communautés, quand bien même il est de bon ton de condamner le communautarisme en politique.

On remarquera cependant que malgré son poids démographique dans le Gourma (c’est en effet la deuxième plus grande communauté en nombre après les gourmantché), il n’y a pas de candidat issu de la communauté peulh sur la liste CDP du Gourma, ni sur la liste nationale. Il faut aller à la Komandjari pour retrouver Yaya Barry, candidat suppléant.

Quant à Moussa Boly lui-même, il faut rappeler son classement à la deuxième place dans la liste nationale des suppléants. Il est évident que ces constats peuvent laisser croire qu’en fait, les condamnations dont il a été question sont de pure forme, la réalité étant tout autre. En politique, on n’hésite pas souvent à user de n’importe quel moyen pour parvenir à ses fins. Les principes sont là, c’est vrai, mais la réalité aussi. Et les deux ne se retrouvent pas forcément. Ils sont nombreux les exemples qu’on pourrait invoquer pour le montrer.

Ceci étant, le CDP semble être pris à son propre piège. Il affirme vouloir fonctionner sur des critères et principes démocratiques, mais ces principes sont à géométrie variable et paraissent fonctionner selon la tête du client. Les ex-leaders CNPP pourraient avoir été victimes de la volonté d’un renouvellement générationnel. Pierre Tapsoba et ses amis sont à la porte du troisième âge. Or, la politique à ce niveau de représentation semble aujourd’hui être le monopole des jeunes.

Bernard Lédéa l’a bien compris et en a tiré les conséquences. Le débat sur la question des jeunes a été posé au dernier congrès du CDP en même temps que la question du militantisme comme critère de promotion dans le parti. Mais les résultats du congrès ont été, comme on le sait, mitigés sur ces deux questions. A défaut de la voie royale par le débat démocratique, il est possible que certains soient tentés par un passage en force. Dans ces conditions, on en revient à la question de fond : toutes les questions sont-elles matière à débat démocratique dans les partis ?

Que vont faire les ex-CNPP ?

Quoiqu’on dise, les non partants de l’ex-CNPP sont victimes de leur appartenance à un courant qui demeure latent au sein du parti. Ces derniers semblent avoir compris le signal, qui peut s’analyser comme le commencement de leur accompagnement vers la porte de sortie. A en juger par l’envergure du mouvement, il serait hasardeux de crier à une chasse aux sorcières. D’anciennes figures de la CNPP sont en effet positionnées sur les listes provinciales à l’instar de Laya Sawadogo, Séré Sina ou encore Fatimata Sawadogo/Thiombiano. Par leur geste, les trois ex-mousquetaires de la CNPP veulent imposer un débat interne sur les principes et méthodes démocratiques.

C’est apparemment l’unique voie qui leur reste, car comme l’a écrit notre confrère L’Observateur Paalga, dans sa livraison du vendredi 9 mars, nous assistons à la troisième mort de la CNPP : la première consécutive à la scission survenue avec le Professeur Joseph Ki-Zerbo à son retour d’exil, la seconde intervenue à travers la fusion qui donna naissance au CDP et enfin cette brusque retraite qui frappe les plus illustres portes flambeau de cette organisation qui a donné tant de fils à retordre aux "révolutionnaires" du Front populaire

Par Germain B. Nama

L’Evénement (http://www.evenement-bf.net)

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 26 mars 2007 à 17:02, par SALECK En réponse à : > CDP : Retour à la logique des clans

    IL EST CONNU ET RECONNU QUE LA POLITIQUE EST UN SIMPLE JEU OU LES PUISSANTS DU MOMENT N’ONT AUCUN EGARD POUR LES FAIBLES ET LES PERDANTS. TOUS LES COUPS Y SONT PERMIS POUR ACCEDER A LA PLUS HAUTE MARCHE. JE SUIS DONC SURPRIS QUE CEUX QUI TRAHI LEURS IDEAUX, LEUR LEADER (L’ILLUSTRE PROFESSEUR J. KI ZERBO) ET LEUR PARTI POUR DES POSTES ET AUTRES DELICES DU POUVOIR SE LAMENTENT AUJOURD’HUI POUR DES HISTOIRES DE POSITIONNEMENT SUR DES LISTES .
    CERTAINS D’ENTRE EUX SANS LE PARACHUTAGE ET AUTRES COUPS BAS DONT ILS SONT LES CHAMPIONS NE REPRESENTENT RIEN (POIDS ELECTORAL) DANS LEUR PROPRE REGION.

    DESHONNEUR ET HUMILIATION TELS SONT LES RANCONS DE LA TRAITRISE ET DE L’INCONSTANCE EN POLITIQUE.

    • Le 27 mars 2007 à 12:50, par Rien En réponse à : > CDP : Retour à la logique des clans

      Pour ma part, celà est un juste retour des choses, la politique malheureusement au faso est faite de ce genre de trucs. Soyons réalistes, c’etait prévisible, les autres partis ayant contribués à former CDP devenus innoffensifs tels des chatons, pourquoi en garder les leaders ? Les autres sont prevenus

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