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Résultats des législatives : Mériter la confiance de l’électorat

Publié le lundi 14 mai 2007 à 12h41min

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Tel un serpent de mer, la hantise de la fraude électorale et de la tricherie a couru tout au long du déroulement des élections législatives du 6 mai 2007 qui ont livré leurs résultats provisoires, le 12 mai dernier, en attendant les résultats définitifs du Conseil constitutionnel dans les jours à venir.

Le phénomène est devenu si général en Afrique qu’il y a de quoi s’inquiéter. L’éthique sociale africaine serait-elle descendue si bas au point que personne ne recule devant une pratique aussi avilissante et indigne pour parvenir à ses fins ? Si le Nigeria s’est illustré en la matière jusqu’à la caricature, faut-il croire que toutes les récriminations entendues un peu partout sur le continent (Sénégal, Mali...) aux lendemains des élections sont justifiées et les cas dénoncés avérés ?

Pour les penseurs de la Grèce antique d’où nous est venue la première ébauche du pouvoir du peuple, “la démocratie se corrompt parfois non par la seule faute des tyrans, mais aussi par celle du peuple”. En effet, si sous tous les cieux la vertu n’est pas la qualité première du pouvoir, les acteurs politiques, toutes tendances confondues, pourraient être également suspectés, tant leur responsabilité à tous est entièrement engagée.

Au Burkina Faso en effet, du début à la fin du processus électoral, à savoir la révision des listes, la mise à jour du fichier électoral, la confection et la distribution des cartes d’électeur, l’ouverture et la clôture des bureaux de vote, le dépouillement du scrutin et la proclamation des résultats provisoires..., tout se fait sous la responsabilité de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et de ses démembrements, une structure permanente chargée depuis 2001 de l’organisation et de la supervision des opérations électorales. La CENI, qui est composée d’hommes et de femmes respectables, n’est-elle pas une émanation des partis politiques de la majorité, de l’opposition et de la société civile ?

Si en outre on considère la présence de plus d’un millier d’observateurs nationaux et internationaux et de celle de la presse qui relaie à chaque instant le déroulement du scrutin, y compris le dépouillement et les premières tendances tout au long de la nuit électorale, on a de la peine à prendre au sérieux certaines accusations et récriminations avancées.

Sans nier les tentatives de fraudes de quelques individus à la moralité douteuse, il s’avère hasardeux de croire que des actions aussi isolées puissent influencer le vote et inverser sérieusement des tendances aussi marquées. “ La critique, dit Alphonse de Lamartine, est la puissance des impuissants ”.

Les détracteurs professionnels qui abusent de la crédulité de certains électeurs potentiels, sensibles à leurs arguments, en les obligeant à l’abstention, ont sans doute intérêt à changer leur fusil d’épaule, car ils n’y gagnent rien en réalité.

En vérité, les candidats malheureux devraient chercher des arguments plus convaincants pour expliquer leur échec à défaut de se taire, pour ne pas se discréditer davantage aux yeux de l’électorat qui est loin d’être un mouton de panurge, tel que certains se l’imaginent. Vox populi, vox Dei. En démocratie, le peuple a raison et tous les démocrates authentiques devraient s’incliner devant le verdict des urnes.

La plupart des observateurs nationaux et internationaux présents à ces quatrièmes législatives, en tous les cas, invitent à une telle attitude. Le jour où l’électorat ne trouvera plus son compte dans ceux à qui il donne son suffrage, il s’en détournera et ira voir ailleurs, vers ceux qui paraissent mériter sa confiance. Ni le dénigrement, ni les accusations gratuites, ni la stigmatisation, ni la tricherie, ni les achats de conscience, voire les menaces... ne semblent être des facteurs déterminants en matière de stratégie électorale gagnante.

Avec la proclamation des résultats des élections législatives du 6 mai dernier par la CENI, c’est une nouvelle phase que le processus démocratique burkinabè devrait aborder dans le sens de son approfondissement, cela s’entend. Plus de trois ans nous séparent des prochaines élections, à savoir la présidentielle de novembre 2010. Ce long temps devrait être mis à profit pour approfondir la réflexion sur des questions récurrentes souvent avancées.

Il s’agit par exemple du mode de scrutin, du découpage des circonscriptions électorales, du nombre de partis et du financement des partis politiques, du fichier électoral et des cartes électorales sécurisées, de la carte d’identité avec photo comme seul document d’identification, du taux d’abstention encore élevé, des candidatures indépendantes, du vote des Burkinabè de l’étranger, de l’égal accès des différentes sensibilités de l’échiquer politique burkinabè aux médias... Autant de questions qui, résolues au fur et à mesure, consolideront le processus démocratique burkinabè qui a déjà du mérite.

La CENI consensuelle, le bulletin unique, l’informatisation du fichier électoral, la subvention de l’Etat aux partis politiques, le financement intégral des élections par le budget national (6,835 milliards de francs)...sont déjà des acquis appréciables à mettre à son actif.

La démocratie, c’est la loi de la majorité certes, mais c’est aussi le respect des libertés, de la diversité et des droits des minorités. C’est dire à quel point la responsabilité du parti majoritaire est grande pour garantir la quiétude et le bien-être à tous ceux qui habitent la terre du Burkina Faso : paysans, éleveurs, ouvriers, salariés, opérateurs économiques, partis politiques minoritaires, femmes, jeunesse, associations, minorités ethniques, malades, handicapés... La bonne gouvernance à tous les niveaux s’impose donc pour mériter de la confiance du peuple.

Avec la montée de la température sociale ces derniers temps, les syndicats des travailleurs, à travers les grèves, les déclarations et les manifestations d’humeur, veulent à juste titre rappeler au pouvoir qu’ils sont là et qu’il faut compter avec eux. “ Les vainqueurs, dit-on, sont généreux ”. Ceux qui viennent de remporter avec brio les élections auront tort, en tous les cas, s’ils se refusaient à entendre ce langage.

Jean-Paul KONSEIBO

Sidwaya

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