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“On ne peut pas accepter que la province du Gourma soit recalée tout le temps en 2è division”dixit Sa majesté Koupiendeli

Publié le mercredi 9 mai 2007 à 08h06min

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C’est la surprise des législatives 2007. Le Numbado de Fada qui sollicite des suffrages pour être député. Pourquoi ? Qui plus est, il est présenté dans un parti autre que celui qui est au pouvoir. Pourquoi ?
Sa Majesté Koupiendeli a accepté de nous recevoir dans son palais pour un entretien ouvert.

“On ne peut pas accepter que la province du Gourma soit recalée tout le temps en 2è division”dixit Sa majesté Koupiendeli

Bendré : Qu’est ce qui vous a motivé à vous présenter à la députation ?

Sa majesté Koulpiendeli (SMK) : Tout candidat se présente dans le but de lutter pour le bonheur de la population dans la circonscription dans laquelle il vit. C’est bien mon cas aussi.

Bendré : En suivant les différents reportages de vos manifestations à la télé, on remarque qu’il y a une forte mobilisation. Qu’est ce qui explique cela ?

SMK : Certains disent que c’est la curiosité des gens qui ne m’ont jamais vu ; d’autres disent que c’est des foules qui ont été rassemblées de force. Je crois qu’il n’est rien de tout cela. Ce sont des gens qui, à l’annonce de ma candidature ont été motivés pour m’entendre dire cela de moi-même et se mettre à la disposition de l’équipe d’organisation pour répandre la nouvelle dans tout le territoire de la circonscription électorale.

Bendré : Quelle est votre ambition pour le Gourma ?

SMK : Ma devise est « pour l’honneur du Gourma, je vote ADF/RDA » parce que j’ai constaté que la province du Gourma a été totalement désarticulée, délaissée sur le plan même de la considération de ses ambitions directes et cela nuit à la situation globale parce que avant tout, Fada est le chef lieu de la région aussi bien coutumièrement que administrativement. Cela n’est pas admissible. C’est pourquoi j’ai décidé d’entrer dans la danse et d’amener Fada en première division.

Bendré : La plupart des autorités coutumières qui sont engagées en politique militent dans le parti au pouvoir. Votre option a certes des implications !

SMK : Aucunement ! Je sais qu’il y’en a qui sont de bords différents du mien. Je n’ai aucune observation à faire à qui que ce soit sur ce plan là. Chacun est libre d’opter pour le parti de son choix.

Bendré : En 2006, vous aviez engagé des tournées auprès de vos pairs pour les inviter en substance à éviter de s’engager en politique. Vous venez de virer alors ?

SMK : Je n’ai pas dit cela. J’avais dit à l’époque que toutes mes tournées n’avaient aucun rapport politique. Je les ai consultés pour qu’on établisse des rapports entre nous dans le cadre de nos fonctions coutumières. Donc ceux qui disent cela le font pour déformer la mission que j’ai faite et qui a été approuvée par tout le monde, y compris ceux qui étant du pouvoir ou de l’opposition ont compris qu’il fallait que les chefs aussi, se concertent et aient le même point de vue par rapport à leur occupation coutumière et traditionnelle.

Bendré : Pourquoi militez vous à l’ADF/RDA ?

SMK : Si j’avais milité ailleurs, on m’aurait posé la même question. Donc la même réponse c’est que j’ai préféré l’ADF/RDA à d’autres structures politiques parce que à mon sens, l’ADF/RDA partage les idéaux du CDP. Je dis bien les idéaux. Malheureusement, et je le précise, les hommes ou certains hommes, qui gèrent le CDP au plan local le gèrent très mal et selon leur bon vouloir. Et c’est là que je me suis senti, pas frustré, mais écarté de toute initiative.

Et je me suis dis que si c’est un parti dans lequel je ne peux pas prendre d’initiative, autant ne pas y entrer et aller à côté pour observer ce qui se passe et avoir le droit de m’exprimer. C’est ce que j’ai appelé « la démocratie de l’informel » qu’on consulte si on veut, qu’on néglige si on peut etc. Ce n’est pas une situation confortable pour le premier des rois de ce pays. Donc j’ai dit non et j’ai opté pour l’ADF/RDA.

Bendré : Quels sont vos rapports avec vos « sujets » pendant cette campagne ?

SMK : Je ne sais pas ce que vous appelez mes « sujets ». Parce que ça fait une population de 101.000 électeurs, et je ne peux pas dire que j’ai des rapports avec tous les 101.000 qui vont voter dans 5 jours (ndlr : l’interview a été réalisée le 1er mai). J’ai des rapports avec les chefs qui administrent ces villages et ces départements. Ces rapports sont bons, même si je ne peux pas affirmer qu’ils sont excellents parce qu’il y a la coutume et il y a le reste.

Bendré : Quel est le comportement de certains de vos sujets qui ne militent pas avec vous à l’ADF/RDA ? Quel est surtout leur comportement envers vous pendant cette période de campagne ?

SMK : Ceux qui militent ailleurs ont le droit de militer ailleurs à condition qu’ils ne m’insultent pas, qu’ils ne me dénigrent pas parce que je crois qu’ils seraient mal placés pour venir ici ( N.D.L.R au palais) se prosterner pour dire « Majesté je vous dit bonjour ». Ce serait le dire avec la bouche et non plus avec le cœur. Alors que dans la coutume, c’est le cœur qui compte et si vous dites verbalement ce que le cœur ne vous dit pas de faire, vous en subirez les conséquences. Celui qui accepte de prendre le risque d’entrer dans cette situation, ça n’engage que lui.

Bendré : Que pensez-vous de l’implication des responsables coutumiers en politique ?

SMK : Un coutumier est d’abord un politique. Maintenant, quand on dit « implication en politique », C’est l’histoire de dire « voilà, il est étiqueté dans tel ou tel parti », ça n’a aucun sens. Parce que de par notre fonction, nous sommes des leaders d’opinion. Donc notre opinion vaut pour l’ensemble de ceux que nous administrons. Ça, c’est déjà de la politique. Maintenant, leur appartenance personnelle à tel ou tel bord, n’a rien à voir avec l’exercice du pouvoir coutumier dont ils ont la charge jusqu’à la fin de leur vie.

Bendré : Comment concevez vous la politique au sens classique et moderne ?

SMK : La politique est d’abord une question d’approche personnelle. C’est une question de conviction par rapport à ce qu’on veut dire ou ce qu’on veut faire et de chercher à convaincre le ou les partenaires pour qu’il(s) partage(nt) ce point de vue. Mais il faut le faire dans la douceur et non pas sous la menace parce que là, on dérape et ça crée des situations infernales de pouvoir sans partage et cela n’est plus de la politique.

Bendré : La presse faisait récemment écho de ce que certains chefs coutumiers auraient été décoiffés parce qu’ils ne seraient pas du même parti que ceux qui les ont intronisés. Qu’en pensez vous ?

SMK : C’est fort possible. Mais ce n’est pas un comportement responsable. A moins que leurs coutumes permettent de décoiffer un chef. Au Gulmu, ce n’est pas permis. Un chef quand il est nommé, il l’est jusqu’à la fin de sa vie. On peut, à la limite, le suspendre éventuellement pour le reste de sa vie mais pas le décoiffer. On le suspend de ses fonctions. Il n’exerce plus et son poste reste vacant jusqu’à sa mort.

Bendré : Qu’est-ce qui peut entraîner cette suspension ?

SMK : J’ai eu à suspendre un de mes ministres ici parce qu’il s’est permis, sur instigation d’une personne extérieure à la coutume, d’aller introniser un chef de canton nuitamment moyennant des royalties et à l’insu de toute la cour royale. Ce n’est que lorsque les choses se sont éclairées dans leur vrai jour qu’il a été obligé d’avouer qu’il a été effectivement au dit village mais qu’il n’aurait pas intronisé qui que ce soit. Il cherchait juste à s’extirper du bourbier dans lequel il s’était embourbé mais j’ai préféré lui demander de me laisser tranquille pendant deux mois et à l’issue desquels, j’ai reconduit sa suspension pour deux autres mois. C’était en août 2005.

Bendré : Est ce que de nos jours la sanction court toujours ?

SMK : Non, c’était pour quatre mois. Après cette période, l’intéressé a repris ses fonctions.

Bendré : Majesté, si vous êtes élu, comment comptez-vous concilier votre statut de responsable coutumier et de député ?

SMK : Y a-t-il deux statuts en la matière ? Je suis un être organisé ; donc je peux bien concilier le rythme des activités coutumières et celui des activités à l’Assemblée Nationale. Même si je devais m’absenter d’un bout à l’autre de certaines sessions, je peux de temps en temps faire des séjours ici pour m’occuper des questions coutumières. Ce sont des choses qu’il ne faut pas laisser traîner parce qu’il y a certaines situations où un retard d’une ou de deux semaines deviennent inextricables. Donc il faut qu’à tout moment, je puisse être au devant des choses pour éviter des situations catastrophiques.

Bendré : En tant que membre de la fédération des responsables et autorités coutumières et traditionnelles du Burkina, que pensez vous du rôle que doit jouer la chefferie coutumière sous l’ère démocratique au Burkina Faso ?

SMK : La chefferie coutumière depuis qu’elle a été créée et gérée par nos ancêtres, a les mêmes attributs. Le pouvoir colonial est venu les trouver. Il les a utilisés pour certaines fonctions pour lesquelles il n’avait pas de répondant ; la chefferie s’est acquittée de cela jusqu’à l’ère des indépendances. Il y a eu des ruptures du temps de Maurice Yaméogo ainsi que du temps de la Révolution, mais notre fonction, reste la même. Celle qui consiste à administrer des gens dans le cadre de leurs préoccupations quotidiennes. Cela ne peut pas changer.

Certes, certaines dispositions qui ne permettent pas de juger certaines affaires sont transférées au pouvoir moderne mais quotidiennement, nous rendons service au pouvoir moderne dans la mesure où certaines de ces situations ne pourraient pas être réglées équitablement par l’administration parce qu’elle ignore certains tenants et aboutissants des dossiers qui leurs sont soumis.
Il y a également les litiges de terre.

En pareilles circonstances, l’administration va vouloir trancher en disant « toi tu prends telle partie et toi telle autre. » Alors que si on veut regarder dans le fond des choses, on verra que le domaine dont il est question a une histoire et on n’a pas fait appel aux tenants de cette histoire là pour régler le litige. C’est une des faiblesses de l’administration.

Bendré : Qu’avez-vous à reprocher à certains leaders de la province ?

SMK : Peut-être de la région ! En premier lieu, je dirai que le Gulmu est une terre d’accueil. Ce qui veut dire qu’il est ouvert à tout le monde. Et cela veut dire également que celui qui est sur ces terres et qui ne s’y sentirait pas à l’aise, je crois que le seul conseil qu’on puisse lui donner, c’est de déménager.

Il faudrait aussi que les gens aient peur de l’avenir. Parce que l’avenir nous dira beaucoup de choses. Il y a certains qui ne s’occupent d’aucun dossier concernant la région. Pour preuve, le barrage de Tianguiaré qui est à 14 km de Fada et pour lequel un projet de plus de 3 milliards de FCFA a été financé par les Allemands en vue d’amener l’eau potable à Fada N’Gourma. Cela a été annoncé à grand renfort de publicité dans les années 99-2000. Et puis jusqu’en décembre 2002, j’ai eu à rappeler qu’il y avait une certaine mollesse, sinon une invisibilité de ce qui se passait à Tanguiaré pour l’approvisionnement en eau de la ville de Fada. Et c’est là que les choses ont repris en février 2003 pour s’arrêter de nouveau. Jusqu’en 2007, nous sommes toujours en train d’attendre l’eau de Tanguiaré et personne ne se soucie.

Je citerai également le cas du Projet de développement des ressources animales du Gourma (PDRAG) qui n’a pas profité aux éleveurs et aux populations. Ce sont des préoccupations qui n’ont pas inquiété qui que ce soit sauf, lorsque l’alerte était rouge. Certains ont voulu alors prendre position mais c’était déjà trop tard. Et comme vous savez, quand le médecin vient après la mort, c’est juste pour l’autopsie. Il n’est pas souhaitable que ces situations se reproduisent. C’est mauvais pour tout le monde.

Bendré : A vous entendre, votre candidature dérange !

SMK : Elle dérange ceux que ça dérange mais elle est un soulagement sinon une très grande joie pour beaucoup d’autres. Vous en aurez la manifestation le soir du 6 mai. Ceux que ça dérange, qu’ils restent là où ils sont. Nous, on continue notre chemin.

Bendré : Y a t-il eu des démarches pour vous demander de retirer votre candidature ?

SMK :J’ai usé d’un certain pouvoir pour informer officiellement le président du CDP qui est un fils à moi. Je lui ai dit qu’on ne prenne pas cette position comme si c’était un acte à l’encontre du président du Faso ou à l’encontre du CDP. Mais que je souhaitais dans ma sphère d’activité, pouvoir lutter pour sauvegarder le peu qui reste de ce Gulmu. Et c’est ainsi que je me suis présenté. Il y a eu des démarches qui ne m’ont pas convaincu et je suis resté dans ma position non pas par entêtement mais parce que j’avais déjà donné ma parole.

Bendré : Serait-il possible de vous voir encore au CDP après les élections ?

SMK : pourquoi « encore » ? Je n’ai jamais milité au CDP. Le 20 décembre 2002, lors de mon intronisation, j’avais dit publiquement ici que j’abandonnais mes fonctions politiques (j’étais le responsable provincial du PDP/PS) pour des raisons d’équité mais que je me réservais le droit de prendre position pour toute situation qui l’exigerait.

Bendré : Que ferez-vous si vous n’êtes pas élu ?

SMK : Après le dépouillement si je ne suis pas élu, je reste toujours le même. Parce que rien ne sera mentionné sur mon front au soir du 6 mai si je suis élu, je reste le même dans mes prérogatives coutumières et traditionnelles. Ce serait déjà une leçon de fait à ceux qui avaient d’autres idées par rapport à ma situation dans cette province.

Bendre : Qu’avez-vous d’autre à dire ?

SMK : Je reste fidèle à ma devise. Le Koupiendeli désigne une maison en argent massif. Et j’invite tous les fils de ce pays à se ressaisir et à se retrouver dans cette maison commune en vue de chercher les solutions à toutes les situations que nous vivons par-ci par-là. Je souhaite que l’avenir donne raison à notre pays et non pas à des individus.

Bendré (http://www.journalbendre.net)

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