LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Législatives 2007 : "Le Pays" reste le même

Publié le lundi 16 avril 2007 à 08h14min

PARTAGER :                          

Boureima Sigué

Comme chacun le sait, depuis la Grèce antique, l’histoire des nations se construit, s’ordonne autour d’un axe majeur et inoxydable : la démocratie. Très peu de choix sont de moins en moins laissés aux princes et gouverneurs de la rosée, qui savent de plus en plus que l’homme préfère , de loin, la tyrannie de la démocratie à l’absolutisme du pouvoir personnel.

Comme le péché originel, la démocratie était devenue un élixir enivrant, un pôle d’attraction et de fascination pour tous les peuples de la terre, même pour ceux d’Afrique ! Et, c’est de notoriété publique, rien ne meurt sous les étoiles, tout se renouvelle à l’instar des instances démocratiques et des hommes qui les animent. C’est sans doute pourquoi, le Burkina s’est officiellement engagé, depuis le 14 avril dernier, dans une trajectoire qui devrait, dans une hypothèse heuristique, le conduire dans les hauteurs ensoleillées du renouveau.

Notre pays est ainsi promis à une intense activité électorale jusqu’au soir du 6 mai prochain. C’est une séquence de vie nationale palpitante qui est alors amorcée et où une flopée de mousquetaires se sentant un destin national se lancent, sabre au clair, dans un long et exaltant combat plein de coups fourrés, de chausse-trappes, de mensonges, de promesses et de fables. Certains de ces mousquetaires ne sont pas plus parés de vertus que les fesse-mathieux et les verandah-boys. Mais c’est cela aussi la démocratie. Il faut de tout pour faire un monde.

La campagne électorale se déroulant dans un contexte de communalisation intégrale et de multipartisme débridé, l’on peut dire que l’intensité dramatique n’en sera pas absente. C’est donc une campagne qui, assurément, portera l’estocade à l’ennui et à la routine. Les anciens avaient raison : aussi vrai que c’est l’ennui qui est le fond de la vie, on peut dire que c’est lui qui a invité les jeux, les distractions , les romans, l’amour, mais aussi... la démocratie et les élections !

C’est touchant et salutaire, tout ce travail qui, dans l’abnégation, a été fait en amont par des hommes et des femmes à travers notamment des structures tels que la CENI et le CSC, pour garantir en aval la transparence, la régularité et l’équité dans ces élections. Il faut désormais espérer que les acteurs politiques qui montent à l’assaut des voix des électeurs se battent à la loyale, l’esprit solidement amarré au vaste vade-mecum prescrit pour eux par les instances de régulation électorale.

Il est peut-être bon que nos cavaliers de la démocratie sachent que, dans l’intérêt du Burkina, il y a plus de honte à tromper pour gagner qu’à perdre dans la transparence et l’équité. Les tricheurs doivent surtout savoir qu’en politique comme en tout domaine, les souvenirs sont plus fidèles que les amis et les électeurs. En effet, les souvenirs reviennent toujours nous visiter quand notre âme grelotte dans la solitude.

En tout cas la position des Editions "Le Pays" face à ces élections est celle que nous avons eue depuis toujours : laisser intactes les chances de chaque candidat au pouvoir législatif. Notre position n’a subi aucune avarie. Elle se nourrit de la constance de notre ligne éditoriale. Nous avons l’angélisme de croire que toutes les idéologies sont bonnes, exceptées celles qui s’appuient sur la haine, la race, l’ethnie et la région.

En l’occurrence, tous les candidats burkinabè ont enfourché le cheval d’une idéologie acceptable. Chacun peut et doit donc rêver. Nous nous gardons d’égratigner le potentiel de chances de ces hommes et femmes qui courent tout droit vers leur destin politique. Comme toujours, nous choisissons la porte étroite : nous abstenir de relater les meetings, véritables répétitions pleines de cohue, d’artifices, de propagande et de fantasmes.

Au nom de l’Etat de droit démocratique, nous croyons en avoir le droit. Au nom de l’Etat démocratique du Burkina Faso, nous pensons avoir le droit, comme nous l’avons toujours fait, de renoncer à toute manne financière liée à toute campagne électorale. Au nom de l’Etat de droit démocratique, nous respectons tous ceux de la confrérie (dont nous ne doutons pas de l’esprit de tolérance citoyenne et républicaine) qui ont une position contraire à la nôtre.

Nous savons ce que nous coûte une telle position. Mais c’est un choix comme un autre , qui se fonde sur un ardent désir de liberté et d’indépendance, deux valeurs théologales inscrites dans le logo du quotidien depuis un certain matin du 3 octobre 1991.

Nous choisissons donc de ne pas couvrir, dans toute l’acception classique de ce vocable, les meetings de campagne. Nous faisons également l’option de ne plus publier de déclaration électoraliste. Depuis le 14 avril, en raison du substrat de notre ligne éditoriale, qui est l’indépendance vis-à-vis de toute faune politique, nous faisons le choix de ne rien entreprendre qui puisse influencer dans un sens ou l’autre le comportement de l’électeur, si tant est qu’un journal comme "Le Pays" puisse formater ou chloroformer une opinion. Il appartient désormais à chaque "sprinter" de convaincre, sans notre apport, de la justesse de ses ambitions, de son sérieux et de son programme. Nous ne voulons pas contribuer à la promotion du mensonge.

Nous le savons, dans ce pays, ne pas appartenir à une tribu politique relève de l’absurde. Même s’il est vrai que le privilège de l’absurdité est réservé à la seule créature humaine. En tout état de cause, notre seule foi suffit. Notre volonté d’indépendance et de liberté est à la fois le limon, le ferment et le terreau du quotidien "Le Pays", de sa dynamique et de sa geste.

Que nos lectrices et lecteurs nous comprennent bien. Nous ne couvrons pas les meetings dans ce qu’ils ont de promesses, de programmes, de propagande et de propos discourtois. Mais si par extraordinaire, il y a de la casse, de la violence ou des gestes originaux de magnanimité, posés par un candidat à l’égard d’un autre candidat, nous en ferons la relation. Nous refusons tout paiement pour compte rendu de meeting ou de déclaration propagandiste. Nous refusons de mettre le doigt dans un engrenage où les gens ignorent généralement qu’une grande idée comme la démocratie a toujours besoin de vérité et de sacrifices et non de facilités et de mensonges. Comme d’habitude, la veille et le jour du scrutin, nous serons présents, par nos propres moyens, dans toutes les 13 régions pour couvrir le grand événement du 6 mai 2007.

Certes, le chemin que nous avons choisi est rocailleux, escarpé, mais nous sommes les heureux prisonniers d’un serment : celui de toujours tendre vers ce que nous estimons juste et acceptable pour notre ligne éditoriale et pour nos lecteurs. Tous les challengers pour la couronne législative ont droit au rêve et à l’espérance. Nous ne voulons pas, au détour d’une phrase, d’un commentaire, ébranler des convictions, pulvériser des chances.

Nos voeux de succès accompagnent donc tous les candidats , et il faut espérer, pour la paix sociale, que ce scrutin sera limpide et qu’au soir du 6 mai, les candidats malheureux se comporteront en bons princes. Ils contribueront ainsi à lisser et à embellir le visage de notre jeune démocratie.

Boureima Jérémie Sigué
Directeur général des Editions "Le Pays"

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV