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Tradition et politique : un mélange indigeste

Publié le mardi 20 mars 2007 à 08h26min

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Le suspense est terminé depuis le mercredi 7 mars dernier. C’est à cette date, en effet, que la Commission électorale nationale indépendante a bouclé la réception des dossiers de candidatures pour les élections du 6 mai prochain.

Cette fois encore, des membres de la société civile et pas des moindres sont sur les listes des partis politiques. La chefferie traditionnelle a particulièrement été sollicitée, et ils sont effectivement nombreux, ces porteurs de bonnets, à être sur la ligne de départ pour la course à la députation.

Cette présence massive remet sur le tapis la place et le rôle de ces acteurs de la société civile, ceux sur qui devrait reposer le socle de la société burkinabè. C’est, en effet, vers eux que les protagonistes politiques devraient pouvoir se tourner pour demander un arbitrage. Or, depuis que la politique politicienne a repris du poil de la bête, certains chefs traditionnels sont plus visibles dans les actions politiques que sur le terrain du traditionnel sur lequel ils sont pourtant naturellement attendus.

Ainsi, quand on évoque aujourd’hui des noms comme celui du Larlé Naaba Tigré, c’est surtout sur le plan politique qu’on le voit d’abord. Du reste, c’est sur ce terrain qu’il s’investit le plus, de sorte qu’il se passe rarement une semaine sans qu’on ne l’aperçoive çà et là.

Par moments, certaines activités présentées comme relevant du coutumier sont, en réalité, des paravents pour assouvir des desseins politiques emballés pour faciliter la digestion, certainement parce que la pilule politique est difficile à avaler. Ceci expliquant peut-être cela, un certain Victor Tiendrébéogo a acquis un excellent positionnement sur la liste CDP du Kadiogo où il est troisième, c’est-à-dire qu’il a déjà un pied à l’Assemblée nationale pour entamer un quatrième mandat.

En parcourant la liste des candidats du parti majoritaire, on constate que le parti a ratissé large auprès des chefs traditionnels. Ainsi, dans le Zoundwéogo, un autre monarque porte ses couleurs. Le Mang-Naaba Kiiba, pour ne pas le nommer, est le deuxième candidat pour les prochaines législatives.

Dans le Kourwéogo, c’est encore sur un chef traditionnel que le parti de Roch Marc Christian Kaboré s’appuiera pour conquérir le seul poste de député. Tout cela confirme les convictions de tous ceux qui pensent que les chefs sont les relais du parti au pouvoir. Ce sont eux qui font la force du parti dans les zones rurales. Certains d’entre eux usent de la contrainte pour rabattre leurs sujets vers le CDP. Le parti au pouvoir n’a cependant pas le monopole de la chasse aux chefs coutumiers.

Sur les listes de certaines autres formations politiques, les chefs sont inscrits comme on peut le constater dans les cas de l’ADF/RDA et du PDP/PS, pour ne citer que ces exemples. Les animateurs de la tradition refusent apparemment d’être des observateurs des batailles politiques. On peut estimer qu’ils ne font que jouir de leurs droits de citoyens. Cependant, cet argument pèse peu par rapport à la noble mission qui est la leur. Ce sont eux les derniers recours en cas de crise grave.

Si la conjoncture économique et sociale impose une réalité telle que les chefs sont obligés de passer par la politique pour assurer leur pitance, il faut poser clairement le problème et leur accorder un statut précis avec quelques avantages qui pourraient freiner leur ruée vers les deals politiciens.

L’histoire récente du Burkina a pourtant démontré qu’il est absolument indispensable pour une nation de disposer de personnalités neutres pour sauver les meubles au cas où. En outre, en s’invitant directement dans l’arène, les coutumiers font prendre des coups à la tradition. Cela laissera des séquelles indélébiles sur leur fonction et ruinera à long terme le capital de confiance qu’ils étaient en droit d’attendre de leurs sujets.

Adam Igor

Journal du jeudi

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