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Décentralisation : Quels maires pour nos communes ?

Publié le jeudi 18 mai 2006 à 08h35min

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Après la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui a donné le 8 mai dernier, les résultats provisoires des élections municipales du 23 avril 2006, ce sera bientôt le tour du Conseil constitutionnel de donner son avis.

Mais, en attendant l’entrée en scène de cette haute juridiction, une idée fixe occupe déjà les esprits : la désignation des bourgmestres. Qui seront les nouveaux maires ? Auront-ils les compétences requises pour un tel mandat ? Et de quelles marges de manoeuvre disposeront-ils pour remplir convenablement leurs missions ?

Ce sont là autant d’interrogations que se posent de nombreux citoyens. Le problème ne se pose pas uniquement dans les communes où les formations politiques sont au coude-à-coude en termes de représentativité. Même dans les circonscriptions où le CDP, principal gagnant de ce scrutin, n’a fait que d’une bouchée les partis adverses, les supputations vont bon train quant à l’identité des futurs dirigeants des municipalités.

A Ouagadougou, la question sur le nom du probable maire de la commune continue d’alimenter les débats. Interrogé récemment sur le sujet, le bourgmestre sortant, Simon Compaoré, a coupé court à toute polémique : " Une chose est sûre, c’est que le futur maire de la ville sera du Congrès pour la démocratie et le progrès, peu importe celui qui sera élu".

Si la difficulté de la désignation des futurs maires est aujourd’hui un problème général, c’est dans les communes rurales qu’elle semble se poser avec plus d’acuité, en raison du nombre important de conseillers non alphabétisés dans ces zones. Si ces derniers venaient à être élus, pourraient-ils concevoir des projets de développement à la hauteur des attentes des populations ?

Rien n’est moins sûr. Comme l’a relevé le ministre de l’Enseignement de base et de l’alphabétisation, Odile Bonkoungou, le taux élevé d’analphabétisme dans nos campagnes risque de constituer un obstacle pour la mise en oeuvre de la communalisation intégrale en cours dans le pays.

En effet, comment des maires qui ne maîtrisent pas le français (la langue officielle) et a fortiori l’anglais, vont-ils, par exemple, mener des débats de qualité avec les partenaires extérieurs dans le cadre des opérations de jumelage ou ficeler des projets de financements ? Ils feront appel à des interprètes ou à des experts, répondront certains. Mais encore faut-il que les communes aient les moyens de prendre en charge ces interprètes.

Face à la délicate question de désignation des maires, les leaders des partis politiques ont un rôle important à jouer. Ils sont particulièrement interpellés car ce sont eux qui décident en dernier ressort. Les militants de base ont beau avoir le candidat de leur choix, seule la décision de la direction centrale s’impose. La logique des dirigeants des partis politiques semble jusqu’ici avoir été que les intérêts de leur parti priment sur ceux des populations.

Si cette façon de faire a, par le passé, plus ou moins marché, le contexte actuel ne s’y prête plus. Ils sont en effet nombreux les citoyens qui ne veulent plus de maires imposés. Une pratique qui traduit une mauvaise conception de la politique dans nos contrées. Plutôt que d’être un lieu de défense d’idéaux et de valeurs, la politique est devenue un outil d’enrichissement, de promotion sociale et de protection d’intérêts personnels.

Or, il n’y a pas de développement sans un réel engagement politique. C’est pourquoi, il est temps pour les leaders politiques de changer leur fusil d’épaule. Pour la réussite de notre processus de décentralisation, ils doivent éviter de privilégier les intérêts des partis au détriment de ceux des populations à la base. Pour ce faire, il est souhaitable que les formations politiques tiennent compte, dans le choix des futurs maires, des aspirations des citoyens.

Si l’on ne peut, à l’étape actuelle, exclure l’élection de conseillers non instruits à la tête de certaines mairies (leur action dépendant de leur degré d’engagement communautaire et des compétences de leurs collaborateurs), leur mode de désignation est toutefois à revoir afin d’éviter les dissensions et favoriser un rassemblement des acteurs du développement local. En tous les cas, la formation et la sensibilisation doivent être au coeur des activités des futures communes. Autrement, on risque de voir à l’oeuvre des conseillers municipaux factices et donc une communalisation de façade.

Le Pays

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