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Reprise des municipales à Pô : Une campagne sur fond de morosité, de lassitude et d’inquiétude

Publié le mercredi 7 février 2007 à 08h03min

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Une semaine après son ouverture officielle, la campagne électorale pour la reprise (le 18 février prochain) des municipales à Pô se déroule dans une ambiance de morosité : pas d’affiches, pas de propagande, pas de grands rassemblements, pas de tee-shirts à l’effigie des candidats.

Lassitude des électeurs, opinent les uns ; manque de crédibilité de nombre de candidats, rétorquent les autres. « Et si tout cela se terminait par un 7 septembre bis ? », s’interrogent enfin, inquiets, quelques observateurs de la scène politique locale.

« Finalement, il y a une sorte de lassitude », se surprend à murmurer, entre deux bouchées de moumou goulè, ces succulentes boules de riz accompagnées de sauce, Pascal Dédoui, assis au maquis-retau la Dolce vitae. Le jeune agent du Programme d’appui à la gestion de l’environnement naturel (PAGEN), l’appétit fort admirable, affiche une certaine indifférence face aux conséquences réelles ou supposées de la dissolution du Conseil municipal issu des élections du 23 avril 2006 : « Certains disent qu’avec cette suppression, la commune accusera un retard dans son développement, d’autres soutiennent qu’il n’en sera rien. Moi, par contre, tout ce que je sais, c’est que la situation qui a prévalu à Pô a permis de se rendre compte des incohérences dans les textes qui régissent le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées ».

Rappel. Au soir du 23 avril 2006, sur 63 postes à pourvoir, le CDP remporte 35 sièges de conseillers contre 28 à toute l’opposition, soit 13 au PAI, 9 à l’ADF/RDA, 3 au PDP/PS, et 3 à l’UNDD. Le PLB, le GDP et l’ADDP n’ayant obtenu, chacun, aucun conseiller. En fin mai, coup de théâtre : le parti présidentiel, malgré sa majorité confortable, se fait défenestrer, contre toute attente et à la régulière, lors du choix du maire de la commune.

« On a tué la démocratie à Pô »

Au terme du vote, à bulletins secrets, le 31 mai, le même score de 35 contre 28 se reproduit, mais à l’inverse. Le candidat de l’opposition, Henri Koubizara du PAI, coiffe au poteau son adversaire du CDP, Allassane Koubaguié, victime sans doute d’un vote sanction de la part de ses camarades de parti. « Un bel exemple de démocratie digne de l’Occident, mais qui, malheureusement, a tourné court », se rappelle un fonctionnaire de la mairie qui a requis l’anonymat. Koubizara porté à la tête de la commune, la majorité qui l’a soutenu déserte, sans explications, les bancs du nouveau conseil municipal. Impossible de tenir une session faute de quorum.

Après de vaines tentatives de dissolution, la menace de dissolution plane au dessus de la nouvelle équipe. Alors, le CDP proposes un arrangement à « l’amiable » : le retour de ses conseillers contre une démission du tout nouveau maire de son camp pour rejoindre le parti au pouvoir. Pour les uns, cette proposition aurait été jugée acceptable par M. Koubizara, à condition, prête-t-on à celui-ci, que la date de la démission soit différée trois mois. Mais pour les autres, l’offre du CDP a été purement et simplement rejetée par le nouvel édile. « Effectivement en son temps nous avons eu à faire une telle proposition à M. Koubizara qui a refusé aussitôt notre offre », confirme, Allassane Koubaguié « Nous avons subi une injustice de la part de l’administration. Au dernier jour, des élus CDP ont accepté siéger et la session a pu se tenir.

Malgré tout, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a pris la mesure que vous connaissez », ne cesse de clamer de son côté, l’homme du 31 mai. En effet, à sa session du 7 septembre 2006 le conseil des ministres décide de renvoyer tous les conseillers à leurs électeurs. « A Pô, nous sommes des stylistes-créateurs de démocratie. Pareil coup de force contre l’intérêt général ne se voit nul part ailleurs », résume le S.G. de la fédération de l’ADF/RDA, Seydou Fofana avec une pointe d’humour et de raillerie.

Une indifférence quasi générale

Devant le siège local du parti, une poignée de militants jouent à la carte, au son de la musique mandingue. Une affiche nostalgique représentant un éléphant, l’emblème sacramentelle du phalanstère politique, est placardée sur le mur en parpaings. « Municipales du 23 avril 2006 ». C’est écrit sur le papier blanc. Manque de nouvelles affiches de campagne ou une façon de dire que rien ne sera différent de ce qui a été naguère dissout ? « L’opposition réitérera son exploit.

Nous abordons les consultations à venir dans l’unité et la sérénité, alors que dans le camp du CDP, règne toujours des dissensions internes », affirme Seydou Fofana. Avec quelle stratégie ? La proximité. C’est aussi la même tactique échafaudée par les cinq autres partis alignés sur la ligne de départ : le PAI, le CDP, le PDP/PS et les deux nouveaux concurrents que sont l’UNIR/MS et le RDB dont l’arrivée ne semble inquiéter personne. « L’apparition sur l’arène de ces deux formations politiques ne changera rien à l’ordre des prévisions. Nous sommes optimistes et mêmes persuadés qu’on aura encore plus de sièges que la dernière fois », pronostique la SG de la section CDP du Nahouri, Mme Solange Balora. Même refrain dans les autres états-majors.

Avec l’extension des limites territoriales de la commune à celles du département tout entier, les voies qui mènent à la mairie passent désormais par les 25 villages. Et c’est au sein de celles-ci que s’est déplacé le centre de gravité de la campagne. Y accourent, s’y croisent et parfois s’y entrechoquent, différentes délégations de militants. Contrairement à Pô, où les jours et les nuits s’écoulent dans la morosité politique. Difficile ici de tâter le pouls de la campagne tant rien n’a changé.

Pas de regroupements, pas de propagandes, pas d’affiches. Les jeunes se mobilisent, mais devant les troquets comme « Le new détente », « La Pyramide » ou « Matignon », principaux lieux chauds de la cité, la nuit tombée. Ils écoutent, mais les dernières sonorités de couper-décaler ou de l’inénarrable musicien ivoirien, DJ Léwis. Enfin, ils tiennent des débats, mais sur des sujets loin de la politique. Ça ne mousse pas autour du rendez-vous du 18 février.

On craint encore pour le CDP à cause des dissensions internes

« La campagne est morose d’abord parce que la plupart des candidats ne résident pas sur place et donc ne sont pas au devant de l’animation. A cela, il faut ajouter la lassitude qui s’est emparée aussi bien des acteurs politiques que des électeurs, sans compter l’indigence des moyens financiers qui n’épargne personne », analyse M. Koubaguié, qui, lui aussi, à l’instar de certains observateurs politiques locaux, craint que l’issue des consultation à venir ne tourne en remake du 31 mai 2006 : « Certains m’ont accusé d’être à l’origine de la débâcle du CDP le jour de la désignation du maire parce que je ne présenterai pas le profil du maire idéal. Cette fois-ci je me suis retiré de la candidature à tout poste de conseiller.

Mais si la question des rivalités n’est pas bien gérée, on peut craindre heueu ...[ndlr :rires] Les mêmes causes produisent les mêmes effets », pronostique-t-il, chez lui à domicile, avant de s’apprêter pour se rendre à une rencontre de son parti qu’il « continue de soutenir ». Et déjà, au sein de la section locale du méga parti, et de sources proches de l’instance dirigeante, ce n’est toujours pas l’unanimité, sa d’aventure il devait l’emporter, autour du prochain candidat à la tête du futur conseil municipal. Le choix tournerait entre Joseph Batako, cadre à la SOCOGIB, Solange Balora (monitrice d’Action sociale), la SG de la section et Emmanuel Kaboui, banquier à la retraite.

Alors que du côté de l’opposition, la bataille semble se dérouler à fleur et moucheté : compétition dans les six secteurs de la ville et dans les 25 villages, mais tous en rangs serrés derrière Koubizara, candidat quasi naturel de la coalition PAI-ADF/RDA-PDP/PS. « Nous travaillons beaucoup avec les autres formations politiques. Nous menons souvent des campagnes avec le PAI que nous soutiendrons tous le moment venu pour le choix du maire », nous a confié, le SG du PDP/PS de Pô, Hamidou Yaguibou, peu avant le meeting de Kampala, village situé à dizaine de kilomètres du chef-lieu de la province du Nahouri sur l’axe Pô-Tiébélé.

En attendant le verdict des urnes des quelque seize mille six cents électeurs, la campagne, à défaut d’être animée, a au moins le mérite d’être policé : pas d’invectives ou autres quolibets, pas d’incitations à la haine et donc pas de coups de canif dans la grande fratrie Kasséna, l’ethnie originaire de la province du Nahouri.

Alain Saint Robespierre
Collaboration : Léon Kopia

L’Observateur

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