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Indemnités des députés : "Quand Mahama justifie son gombo »

Publié le mercredi 21 septembre 2005 à 08h32min

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Le dernier épisode relatif aux indemnités des députés a suscité cette analyse
d’un de nos lecteurs, O. Franc. Pour lui, les arguments avancés par le député
Mahama Sawadogo pour justifier ces avantages, ne résistent pas à la
critique. Voici sa part de vérité.

Je dirai même plus : « Pour être trop, c’est assurément trop ! ». Le titre fort
pertinent, presque troublant, paru dans l’Observateur Paalga n° 6474 du
lundi 12 septembre 2005 a valu à l’honorable député Mahama Sawadogo,
délégué aux questions administratives et financières de l’Assemblée
nationale, la nécessité de nous fournir en page 8 du journal « Le Pays » n° 
3461 du 16 septembre 2005, des « compléments d’informations ». Sans être
invité(1), tout comme ne l’ont pas été le député Philippe Ouédraogo et son
groupe parlementaire à se prononcer sur le sujet, moi, je me jette ici
volontiers dans la mare trouble des « mystères de l’Assemblée », au risque
de m’y noyer.

1. De la forme de la démarche

L’on observe ici que les « compléments d’informations » sont venus pour
clarifier une information qu’apparemment on n’avait pas voulu donner. C’est
donc à juste titre que la Rédaction du journal « Le Pays » a fait remarquer en
bas de l’article l’absence de communication en amont au niveau de
l’Assemblée, bien qu’une direction de la Communication y soit payée pour le
faire. Il aurait été, en effet, plus intéressant de fournir aux électeurs que nous
sommes, l’information elle-même plutôt que ses « compléments ».

A moins
que la règle désormais établie au niveau de l’institution soit celle-ci : « 
Accomplir d’abord le forfait, se laisser débusquer ensuite, puis se justifier
enfin, face à l’opinion ». Comme ça, quel que puisse être l’argumentaire
fourni après, la chose devient, du même coup, un acquis de « haute lutte ».
Du reste, l’on remarquera qu’il en a été systématiquement ainsi pour au
moins trois affaires :

- l’affaire des 15 millions aux députés non siégeant ;
- l’affaire des 3 millions alloués aux députés en fin d’année ;
- la présente affaire d’augmentation des indemnités de session des députés.
En somme, c’est ainsi que procèdent les « députés du peuple » sous la IVe
République, en guise de respect et de considération pour leur peuple et leurs
électeurs.

2. Du contenu de la démarche

En guise de premier « complément d’information », l’honorable député nous
renvoie purement et simplement aux textes : d’abord à la loi n° 226-2002/AN
du 20 août 2002, ensuite à son décret d’application n° 
2005-186/PRES/PM/MPFB/MFPRE portant indemnité de mission applicable
aux agents publics de l’Etat.

Aux termes des dispositions de ces deux textes,
et en toute légalité (le contraire aurait été hautement illégal et très peu
républicain), il est prévu une simple opération arithmétique que voici : En « 
zone 1 Afrique », le taux de cette indemnité pour les catégories visées est de
100 000 F CFA. La loi dispose que l’indemnité de session des députés
correspond aux 30% de ce montant, soit plus ou moins exactement 33 333 F
CFA. L’esprit de « sacrifice » de nos députés obligeant, ils n’en prendront
que 30 000 chacun, laissant ainsi généreusement au peuple et par jour de
session la respectable somme de 3 333 F CFA à travers le budget de l’Etat.

Qui dit mieux ? Tel est en tout cas, selon moi, la substance extractible du « 
complément d’information » sur ce point.
Alors, examinons-le : Que des textes existent pour autoriser ce genre de
comportements, personne ne le conteste. Mais l’intelligence des textes réside
dans le fait qu’ils sont bâtis sur des critères objectifs.

Sans être au fait des
textes comme sont supposés l’être les honorables députés de notre auguste
Assemblée, je voudrais presque jurer que les dispositions avantageuses de
la loi et du décret dont il est question ci-dessus ont été indexées sur le coût
indicatif actuel de la vie dans ladite « zone 1 Afrique » et non sur un éventuel
accroissement brusque et inattendu de notre PIB, encore moins sur
l’excellente santé des indicateurs macro-économiques du Burkina Faso.

La
preuve de cela, c’est que, selon le gouvernement et la même Assemblée
nationale face aux revendications syndicales, rien, à l’heure actuelle, pas
même les augmentations successives et intempestives des prix des
hydrocarbures, ne permet d’envisager l’augmentation conséquente des
salaires, tout comme rien à l’heure actuelle ne permet d’envisager une
révision de l’indemnité de 2500 ou 2000(2) servie aux agents de l’Etat en
séjour au bord des rivières comme nos hydrologues, dans les champs de
cultures comme nos agronomes, sur les chantiers de barrages et de routes
comme nos techniciens, etc.

Rien ne permet une révision conséquente des
indemnités de correction, de surveillance, de délibérations, etc. servies aux
corps enseignants. Rien, absolument rien, ne permet de le faire pour les
indemnités de garde et autres broutilles servies aux corps de la Santé...

Au
regard de tant d’autres réalités dans un même pays, des « députés du peuple
 » n’iraient pas indexer leur indemnité de session sur les réalités de la « zone
1 Afrique » mais le feraient sur la base de celles de notre pays où, comme l’a
dit l’honorable Marc Yao, on ne produit pas encore du pétrole à Koupéla.

Question donc à l’honorable député Sawadogo : Sommes-nous jusqu’à ce
point contraints de faire tout ce que les textes autorisent, quand bien même
cela ne correspondrait nullement à un fait ou à un besoin objectif et prouvé ?

Pensions, véhicules, bâtiments...

Comme deuxième « complément d’information », l’honorable député nous
entretient, au passage, sur la loi n° 021-2000/AN du 29 juin 2000 et son
modificatif, la loi n° 08-2002/AN du 16 mai 2002 accordant aux anciens
députés ; c’est-à-dire tout député qui viendrait à ne plus l’être, une pension
dite de « retraite parlementaire ».

Pour tempérer nos préjugés hâtifs sur les
avantages réels ou supposés de nos députés, il « complète » notre
information en mentionnant qu’à ce jour, aucune modalité pratique de ladite
loi n’a connu un début d’application.

Alors qu’on s’attendait, en le lisant, à ce
que cette situation de blocage apparent découlât d’un volontaire et conscient
renoncement de la part des députés d’un pays pauvre, l’honorable député
exprime plutôt et immédiatement en ces termes ses regrets : « Peut-être qu’il
faudrait y penser car la mesure ne serait pas spécifique à notre Parlement.
Elle est en vigueur dans de nombreux(3) Parlements africains comme non
africains ». Oh ! Eclatante preuve d’esprit de sacrifice des députés de la
troisième législature !

Les troisième et quatrième « compléments d’information », relatifs
respectivement aux véhicules des députés et aux bâtiments de l’Assemblée,
sont du domaine des « vieux débats » qui, sans avoir toujours convaincu en
leur temps par leur pertinence, ni avoir été véritablement vidés pour toujours,
ne serait-ce que par rapport aux usages qui en sont véritablement faits, n’ont
plus beaucoup d’intérêt informationnel susceptible d’être utilement partagé
dans ce présent débat.

Ceci dit, venons-en au 5e et dernier « complément d’information », selon
lequel, contrairement aux malsaines illusions que les électeurs se font, « 
l’indemnité de session pourrait s’appeler indemnité de séjour ou de mission.
Elle est servie aux députés pour leur permettre de faire face aux frais
d’hébergement et de nourriture parce que la plupart d’entre eux (Ah oui !
Vous avez bien lu, la plupart d’entre eux) quittent leur circonscription
administrative pour résider temporairement à Ouagadougou.

C’est dire donc
que les sommes perçues sont en général dépensées pendant chaque
session et ne sauraient par conséquent être cumulatives, comme le pense la
Rédaction de l’Observateur Paalga ». Ici, je voudrais laisser au lecteur et au
public, la libre appréciation quant à la cohérence et à la rigueur
démonstratives d’un tel raisonnement, et poser simplement les questions
suivantes à l’honorable député :

- Si des mots simples comme « indemnité de séjour ou de mission » peuvent
désigner l’indemnité de session du député, pourquoi ne les a-t-on pas
préférés au mot consacré ? Est-ce parce que cela risquait dangereusement
d’exclure au moins les résidents ?
- Quelle circonscription électorale le député Mahama Sawadogo quitte-t-il
pour séjourner pendant 90 jours à Ouagadougou et y dépenser 30 000 F
CFA par jour ?
- Quel député a déjà séjourné, et dans quel hôtel de Ouagadougou, pendant
90 jours de session ? Il nous suffira ici d’un seul député et d’un seul hôtel
pour y faire foi après vérification.
- En quoi des sommes dépensées par un député, fût-il en session,
essentiellement à son seul profit, ne sont-elles pas cumulables au revenu
global à lui accordé ?

Bref, comme en débats il est toujours bon de savoir s’arrêter pour écouter
l’autre, je terminerai ici mes propos en m’autorisant à partager avec
l’honorable député la réflexion suivante :
« Contrairement à beaucoup d’autres choses, le cerveau humain ne s’use
que si l’on ne s’en sert pas. Or, malgré leur misère matérielle avérée, les
burkinabé dans leur grande majorité continuent de s’en servir. Pour le
bonheur de notre peuple ».

Alors, bon appétit, monsieur le député, le peuple est témoin !

O. Frank

(1) - Apparemment, certains opposants attendent d’être invités avant
de se prononcer sur des sujets aussi graves que ce dont il s’agit ici.

(2) - L’indemnité autorisée par les textes et servie au titre du budget de l’Etat
pour les missions de terrain est actuellement de 2500 F CFA pour les
cadres et 2000 F CFA pour le personnel de soutien.

(3) - Le terme « nombreux » suppose au moins qu’il y aurait ça et là
quelques exceptions.

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Vos commentaires

  • Le 21 septembre 2005 à 12:51 En réponse à : > Indemnités des députés : "Quand Mahama justifie son gombo »

    Mr O. Franck, vous êtes doté d’une grande logique. Malheureusement la logique est la chose la moins partagée à l’assemblée. Il faut minimum un bac+4/5 pour être considéré comme cadre, chose que la plupart à l’assemblée n’a pas. Donc pardon, soyez honnêtes, prenez les 2000 fcfa ! Les gens comme Laurent Bado pourront prendre 2500 !

    Oh my gosh !

  • Le 21 septembre 2005 à 18:59, par moi En réponse à : > Indemnités des députés : "Quand Mahama justifie son gombo »

    M Frank, il n’y a pas de commentaires à faire après vôtre argumentaire, Au risque de me tromper j’affirmerai que tous les députés ont au moins une résidence à Ouagadougou, ils sont pour la plupart des opérateurs économiques ou des hommes d’affaires si vous voulez.Au dela de tout ce qu’ils font ce qui m’énerve c’est que nos députés sont INUTILES, avec la politique du tube digestif qu’ils font, chacun vient à l’assemblée pour le gombo ; s’ils avaient ne serait-ce qu’un peu de respect pour le peuple qui les a élit ils agiront autrement.
    Vivement que DIEU sauve le BURKINA

  • Le 23 septembre 2005 à 00:10, par Badara En réponse à : > Indemnités des députés : "Quand Mahama justifie son gombo »

    je ne suis pas un partisan de la violence, mais je suis outré par le silence du peuple en generale et des organisations syndicale en particulier. Qu’attendent _ils pour sonner le resseblement ? les députés ne vont pas s’arreter en si bon chémin face à un peuple vaincu et soumis. Pendant que le ministre des finances nous chante à longueur de journées que le trésor ne peut plus consentir d’éffort en terme d’augmentation salariale, c’est les idemnités qui grimpent de législature en législature. Ainsi de 11 000 frs jours on en est pour le moment à 30 000 francs.
    En tout cas si les travailleurs comptent sur JESUS pour les sauver de la griffe de ces prédateurs, ils se trompent. Qui a dis que la fonction de deputé ne nourrit pas son homme ? Ayez quand meme en consequence que vous etes des répresentants d’un peuple pauvre et très endetté. Servez vous en y sogeant.

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