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Burkina/Transport : La SOTRACO a besoin de recentrer ses activités sur les besoins de la mobilité, selon l’ancien ambassadeur François Oubida

Publié le mardi 9 avril 2024 à 12h01min

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Burkina/Transport : La SOTRACO a besoin de recentrer ses activités sur les besoins de la mobilité, selon l’ancien ambassadeur François Oubida

Après 21 ans au service de la population, la Société de transport en commun de Ouagadougou (SOTRACO) est loin d’avoir pu réaliser ne serait-ce que l’aspect "accessibilité" qui constitue le premier élément de sa vision. C’est le constat de François Oubida, ancien ambassadeur. Dans cette correspondance, il suggère que des mesures soient prises pour recentrer les activités de la SOTRACO uniquement sur les besoins de mobilité urbaine du Burkina Faso. Lisez plutôt !!

Revoir la vision et les missions de la SOTRACO

Le 20 mars 2024, les étudiants de l’Université de Bobo-Dioulasso ont pris en otage, la direction de la SOTRACO de cette ville. Ils entendaient ainsi dénoncer des situations qui s’apparenteraient à un manque d’égards pour les usagers de Bobo-Dioulasso.

Parmi les difficultés mises en lumière, on retiendra surtout celles qui suivent :

- Insuffisance de bus ;
- Pannes récurrentes ;
- Surcharges ;
- Inertie de la direction
- etc…

Interpelée par les journalistes, la direction régionale aurait reconnu formellement les problèmes évoqués par les étudiants tout en soulignant son impuissance à y apporter des réponses précises.

Selon le site internet de la SOTRACO, la vision de la Société est la suivante : S’ériger en principal mode de transport urbain et interurbain au Burkina Faso, garantissant aux populations un service accessible, régulier, ponctuel, sécurisé, de qualité et durable.

Pour traduire cette vision en faits, elle s’est donnée les missions ci-après :

• Améliorer les conditions de mobilité dans les principaux centres urbains ;

• Renforcer la sécurité routière par la réduction sensible du nombre et de la gravité des accidents

• Améliorer l’environnement urbain par la réduction de la pollution atmosphérique générée par les transports individuels motorisés (deux roues notamment).

L’adage selon lequel ‘’ qui trop embrasse mal étreint’’ décrit parfaitement la situation de la SOTRACO aussi bien dans sa vision que dans ses missions, lesquelles suscitent de mon point de vue, entre autres, les problèmes fondamentaux ci-après.

1. Elles ne semblent pas reposer sur une bonne évaluation des moyens et délais nécessaires à leur matérialisation

2. Elles font fi du secteur privé

3. Elles ne s’inscrivent pas dans un cadre général de développement des villes ni des infrastructures urbaines

4. La gestion a pris le pas sur le management

En effet, s’il est certain que la SOTRACO constitue un plus dans la mobilité urbaine, il est difficile de s’attendre à une quelconque révolution dès lors que certaines conditions ne sont pas prises en compte :

La première d’entre elles est l’état de la voirie. Elle ne lui permet pas de rapprocher au maximum l’usager de son domicile ou de la majeure partie de ses destinations.
Concernant son ambition de prendre le pas sur le transport individuel motorisé, il me semble que la SOTRACO ne tient pas compte non plus de ce que représente la moto pour les burkinabè, encore moins des moyens qu’il aurait fallu mobiliser pour tenir cette mission. Il n’est un secret pour personne que le premier réflexe de tout burkinabè est de se doter d’un moyen de déplacement personnel.

En plus, n’oublions pas que les bus de la SOTRAO ne peuvent pas transporter d’objets encombrants. C’est certainement sur cette base que l’affirmation selon laquelle la SOTRACO est faite pour les pauvres trouve son fondement. En effet il est malheureusement vrai que seulement ceux qui n’ont d’autres alternatives que leurs pieds acceptent concrètement de marcher sous le soleil de plomb et autres intempéries qui caractérisent notre pays ou sur nos voies rouges sur une quelconque distance.

Selon les étudiants dans leurs griefs, ‘’il est incompréhensible qu’il y a des bus pour les sorties, mais pas de bus pour les étudiants alors que nous sommes leurs fidèles clients’’. Effectivement, la SOTRACO est devenue le concurrent principal des opérateurs privés de bus de transport. Elle loue ses bus à des tarifs moins chers et ne se soucie pas du tout du confort des passagers en autorisant la surcharge pour des gains encore plus intéressants. A titre d’exemple, on la retrouve dans le transport scolaire pour les activités extramuraux, universitaire (Université Thomas SANKARA et Université de Bobo Dioulasso) et dans les manifestations à caractère social ou administratif notamment.

En parlant de gestion au détriment du management, je porte un regard critique sur les efforts éventuels déployés concrètement au niveau de la société pour une prestation de qualité et aussi par le gouvernement, en sortant les bus hors des grands axes pour les amener auprès de la population. S’il est entendu que personne ne demande au gouvernement de réduire l’intensité du soleil, il est par contre attendu de lui le bitumage de voies secondaires pour un meilleur maillage du réseau et la possibilité de transfert pour les usagers. Par ailleurs, comment ne pas s’attendre à un renouvellement systématique du parc après un certain nombre d’années et son renforcement progressif pour tenir compte du développement des villes et de la forte croissance de la population.

Je note que dans certains pays, les gouvernements utilisent des techniques comme l’articulation des bus pour résoudre les questions liées à la surcharge, au confort et autres.

En guise de réponse aux griefs des étudiants, la presse indique que le directeur régional de la SOTRACO aurait déclaré ce qui suit : « Ils veulent savoir, c’est quel jour nous pouvons répondre à cette demande. J’ai dit en tant que directeur régional, je ne peux pas le dire. Mais je sais que le problème que vous posez est exact. J’ai été interpellé par d’autres personnes par rapport à cette situation, mais je ne peux pas dire que demain ou après-demain, on va trouver des solutions. Mais je promets de rendre compte à qui de droit ». Cette réponse est certainement la preuve qu’il n’existe pas un plan de développement de cette société, qu’elle navigue à vue. Il est alarmant de noter jusqu’à quel point un directeur régional se sent impuissant ou incapable de présenter au public, une perspective cohérente de la société qu’il représente dans une situation de crise comme celle survenue ce 20 mars 2024 à Bobo-Dioulasso.

Au regard de ce qui précède, ma conclusion en est qu’après vingt et un an au service de la population, la SOTRACO est loin d’avoir pu réaliser ne serait-ce que l’aspect ‘’accessibilité’’ qui constitue le premier élément de sa vision. Les autres pourraient s’avérer vains.

En écrivant ce papier, loin de moi l’intention d’accabler la SOTRACO. Je tiens honnêtement à relever que les insuffisances à l’origine des mouvements d’humeur incombent autant au Gouvernement qu’à la direction de la Société.

Il est indéniable que la vision et les missions de cette compagnie doivent être revues et s’inscrire dans une politique de développement. A cette fin, je voudrais suggérer comme piste de réflexion, ce qui suit :

-  Prendre des mesures diligentes pour recentrer les activités de la SOTRACO uniquement sur les besoins de la mobilité urbaine.

-  Proscrire la SOTRACO des activités de location de ses bus pour les randonnées scolaires, le transport exclusifs des étudiants et les activités à caractère social ou politique. La SOTRACO doit s’en tenir à ses services sur ses lignes et les renforcer éventuellement. Elle ne doit pas être une société de ramassage scolaire. Cela porte préjudice au secteur privé qui ne tient pas la concurrence dans la mesure où il paye les taxes et impôts et ne bénéficie point de subventions.

-  Définir clairement la marge dans laquelle les sociétés de transport privé vont s’inscrire dans la réalisation des souhaits du gouvernement tels que prescrits à tort à la SOTRACO.

-  Confier les destinées de la SOTRACO à des cadres soucieux du développement de la société et capables de proposer une stratégie dans ce sens.

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