LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Education : La rentrée scolaire et ses angoisses

Publié le lundi 1er octobre 2018 à 23h54min

PARTAGER :                          
Education : La rentrée scolaire et ses angoisses

Fin des vacances scolaires au Burkina Faso. Dans la plupart des écoles et des établissements publics et privés, le sifflet a retenti ce matin du 1er octobre 2018. C’est déjà la rentrée ! Si chez les élèves c’est la joie des retrouvailles, chez bien de parents, c’est la période des cauchemars, des angoisses et autres hantises à couper le sommeil.

« Aujourd’hui c’est jour de rentrée ; papa, amène moi à l’école ». C’est cette phrase de la petite Sophie qui a tiré Adrien, son papa, de son profond sommeil matinal en ce lundi 1er octobre 2018. « OK ma belle ! Le temps de prendre ma douche… Fais préparer ton café par maman ». Mais Sophie n’avait pas l’esprit au café ; elle avait plutôt hâte de retrouver sa petite école et ses camarades de classe. Et pour elle, le temps qui passait à attendre son papa la mettait davantage en état d’impatience.

Lasse d’attendre, elle leva son regard en direction du réveil familial, accroché au mur du salon. Il était 6h30 ! Plus que 30 minutes pour regagner l’école du quartier, à environ 1 km de la maison. A 7h00, Maïmouna, son institutrice, fera l’appel d’accès à sa classe et Sophie n’entend pas du tout manquer à l’appel. Elle pressa alors son papa qui venait juste de porter sa nouvelle tenue Faso Dan Fani richement brodée.
Cinq minutes à peine, et voici Sophie et son papa devant la grande porte d’entrée de l’école.

Encore dix minutes à passer avant que madame l’institutrice n’autorise ses élèves à regagner la classe dont elle a la charge. Ce temps fut mis à profit par la petite Sophie pour admirer, par la fenêtre, le nouveau décor de sa classe. Elle est joliment parée de guirlandes scintillantes, avec un joli tableau noir et le portrait de Floby, cet artiste burkinabè dont Maïmouna est admiratrice. Sophie n’eut pas de temps de bavarder avec ses camarades sur comment les uns, les unes et les autres ont passé leurs vacances. Mais ce n’est que partie remise ; elle se dit qu’elle aura les 30 minutes de la récréation de 10h pour ça.

En classe, Sophie, qui a été la cinquième personne à y entrer, occupera un banc de la première rangée. Déjà, elle craint d’être « harcelée » par les interrogations intempestives de madame la maîtresse. Pour autant, la petite Sophie, qui aurait souhaité être au fond de la classe, ne se laissa pas gagner par le découragement. Mieux, elle voit en ce harcèlement une façon de l’inviter à s’investir quotidiennement pour réussir son examen de Certificat d’études primaires (CEP).

Mais si chez la petite Sophie, les choses sont allées comme il se doit, grâce à la prévoyance de ses parents, chez d’autres enfants, ça n’a pas été aussi facile ! Et pour cause, beaucoup d’interrogations ont troublé le sommeil de leurs parents : « Où caser les enfants ? A quel prix ? Et les fournitures ? Comment honorer les frais de scolarité ? Comment assurer le transport des enfants à l’école ?... ».

Bref, autant de casse-tête pour les parents dont le portefeuille ne pèse pas plus lourd qu’une plume d’oiseau du Sahel. Pour les parents nantis (les « mogo puissants » comme on les appelle familièrement) – et c’est le cas du papa de Sophie – point de soucis à se faire ! Ils ont les moyens et le pouvoir d’inscrire leurs enfants dans les meilleurs écoles et établissements de la place ; et même à l’extérieur du pays. Pour ces parents, pas besoin, comme Noufou et Albert, d’aller se bousculer en banque pour des prêts scolaires, à des taux d’intérêt encore élevés.

Mais si ces parents aisés ne connaissent pratiquement pas les déboires de la rentrée scolaire, ce n’est certainement pas le cas de ces autres parents d’élèves – et ils sont les plus nombreux – chez qui le problème de la rentrée se pose autrement et de façon plus préoccupante et angoissante, en termes d’équations difficiles à résoudre.

Pour eux, il faut le plus souvent faire preuve de « jongleries », de « salamalecs » voire de « coups bas » pour se tirer d’affaires, et parfois au mépris des bonnes règles du jeu. Comme ils le disent, « on se débrouille comme on peut ». Tant pis pour les coupures sans pitié et sans mesure des banques ou des usuriers. A défaut de pouvoir compter sur le bon samaritain, certains parents se fient subitement aux jeux du hasard, espérant décrocher le lot qui sauve. Bonne chance les gars !

Pour les parents d’élèves abonnés aux prêts scolaires, ce n’est pas toujours la « bonne utilisation » des sous pour la destination initiale. En effet, et ce n’est un secret pour personne, une bonne partie de ces sous va à la satisfaction de bien de plaisirs. C’est alors que dans les maquis et autres lieux de consommation, la bière coule à flot, les brochettes et autre porc-au-four se dégustent à souhait, sous fond de débats sur divers sujets.

Ainsi, seul(es) ou avec des ami(es), certains parents endettés jusqu’au cou, passent le temps à grignoter leurs prêts scolaires, oubliant que la rentrée se prépare. Pis, ils ne se ravivent que quand la rentrée est déjà là !

Alors, il leur faut recourir à d’autres sources de financement. On liquide nuitamment le frigo, le poste téléviseur ou tout autre objet (qu’on n’a d’ailleurs pas fini de rembourser), pour faire face à la nouvelle donne : les obligations de la rentrée scolaire. Malheureusement, beaucoup de parents d’élèves sont passés maîtres dans cet art de vivre. Une chose est certaine, la rentrée ne se prépare pas à la veille de la rentrée !

Mais n’allons pas vite en condamnations. Car des circonstances atténuantes, il en existe certainement. Entre autres, on peut citer la pauvreté qui frappe de plein fouet le Burkina Faso dans son ensemble et surtout les familles dans leur grande majorité ; les conditions précaires de vie des travailleurs, le coût élevé des frais de scolarité (surtout dans le privé)… Bref, les contraintes indépendantes de la volonté des parents d’élèves ne manquent pas. Soit ! Mais faisons toujours de la scolarité de nos enfants une priorité. Leur avenir en dépend.

La rentrée scolaire ne s’improvise pas. Elle se prépare. Autrement, les désagréments, les cauchemars, les angoisses et les insomnies sont quasiment inévitables. Alors, bonne rentrée scolaire à tous les élèves ; et surtout courage et travail acharné pour mériter l’investissement des parents, à la sueur de mille efforts et sacrifices.

Sita Tarbagdo
(Collaborateur)

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique