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Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

Publié le jeudi 10 septembre 2015 à 23h10min

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Ceci est une analyse de Bèbè Kambiré sur la problématique de l’alternance sur laquelle buttent, dit-il, bon nombre de démocraties africaines, cela depuis la Baule.

« Les communautés humaines n’ont cessé d’expérimenter des systèmes de gouvernance en vue d’assurer la cohésion sociale. Au nombre de ces modes de gestion des hommes figure la démocratie qui est en vogue actuellement dans plusieurs pays du monde. Dans la pratique, chacun essaie de l’adapter aux réalités de son pays et de son temps. Mais, il reste qu’il est difficile d’évacuer certains éléments définissants de ce mode de gouvernance sans l’altérer. Sont de leur nombre, l’alternance qui voudrait que dans un poste électif quelconque, un dirigeant après un nombre défini de mandats puisse céder sa place à d’autres. En Afrique, c’est surtout au lendemain de la conférence de la Baule que le vent de la démocratie (occidentale) a commencé à souffler. Ce vent emporta des partis uniques et favorisa l’éclosion du multipartisme. Cependant, les démocraties africaines buttent sur l’alternance, un de ses principes fondamentaux particulièrement dans la fonction présidentielle. Or, la limitation des mandats prévue généralement par les constitutions est un antidote au tripatouillage constitutionnel. La récurrence des demandes de mandats supplémentaires suscitent des interrogations au regard des conséquences qu’elles occasionnent. En effet, les pertes en vie humaine, les dégâts matériels, les guerres civiles, le ralentissement des activités économiques, l’attentisme des investisseurs sont entre autres les corollaires. Mieux, l’expérience tend à montrer que le lendemain des longs règnes est rarement radieux. Cela tient au fait que lorsqu’on n’a pas préparé ou favorisé l’émergence d’un dauphin, ne serait-ce que dans sa propre formation politique, le lendemain des longs règnes, nombreux sont ceux qui se découvrent des destins présidentiels ou qui affichent publiquement cette prétention et c’est ainsi que les enfants de la même cour ’’se battent’’, mettant parfois le pays dans une situation peu confortable.

Etre chef d’Etat, c’est se mettre au service des populations

Pour commencer, notons qu’être chef d’Etat, c’est se mettre au service des populations en agréant leurs demandes et essayer d’apporter des réponses et surtout forger chez celles-ci la mentalité du développement. Cela implique le sens du don de soi et de l’intérêt général. C’est ce qui fait dire à un chef d’Etat (africain) contemporain qu’il viendrait un temps où l’on chercherait des gens sans succès pour assumer la fonction de chef d’Etat tellement cette fonction est sacerdotale et usant. En tant que tel, pourquoi certains dirigeants aiment s’accrocher à la fonction présidentielle ? Pourquoi, à l’échéance des mandats présidentiels, certains chefs d’Etat sollicitent obstinément des mandats supplémentaires alors que dans d’autres contrées l’idée de ’’mandat supplémentaire’’ ne fleurira pas, même en rêve et sans pour autant que cela soit codifié dans le texte fondamental. Ce sont autant de questions que plus d’un citoyen se pose et dont ce texte essaie d’apporter quelques explications.
Primo, nous pensons que l’idée de rester au pouvoir au delà des mandatures ’’normales’’ dépend de la propension du dirigeant à l’égard du pouvoir dans ses versants prestige, honneurs et tous les avantages associés à la fonction présidentielle. Un dirigeant avide de pouvoir aura tendance à forcer pour rester au pouvoir. En tout cas, les situations actuelles et récentes dans quelques pays africains militent en faveur de l’argument selon lequel la stabilité des Etats tient moins à la qualité des lois qu’à la bonne foi des Hommes qui les dirigent. La preuve est que généralement les textes limitant les mandats présidentiels sont clairs, du moins dans l’esprit (de la loi). Cependant, le tableau n’est pas monocolore, il existe quand même des oiseaux rares. En la matière, Nelson Mandela et Julius Niéréré sont entre autres des exemples de présidents africains qui ne se sont pas accrochés au fauteuil présidentiel. Récemment, un des leurs s’est démarqué des autres en limitant la durée des mandats présidentiels. Cela montre que la personnalité des dirigeants peut déterminer le respect du principe de l’alternance. Apparemment le pouvoir lui-même éclore l’idée de s’y accrocher. Si non comment comprendre que souvent des partisans de l’alternance démocratique, une fois, aux affaires, aient sympathisé avec les propos tels que ’’j’y suis j’y reste’’, ’’moi pas bouger’’. C’est en cela que l’éthique politique est importante pour moraliser le champ politique et les acteurs qui l’animent surtout que sous nos cieux la politique peine à rimer avec la morale car à notre avis on ne fait pas davantage de politique sans une dose (si minime soit-elle) de morale.

Secundo, au delà du désir du président de rester au pouvoir pour plusieurs raisons, l’entourage peut être une obstruction à l’alternance. Dans bon nombre de situations, des thuriféraires inconditionnels et infatigables sont prêts à tout pour créer des conditions pour que le président reste à son poste indéfiniment. Dans l’imaginaire populaire, l’arène politique est perçue comme un raccourci d’ascension sociale. Quand, on s’y investit, on attend un retour sur engagement. C’est ce qui donne lieu à une profusion de politiciens et de partis politiques dont les motivations véritables sont les rentes (de diverses natures) du pouvoir. C’est ainsi que le chef d’Etat est encouragé à rester au pouvoir par ses proches pour protéger leurs intérêts. Là, l’ego prend le dessus sur l’intérêt national. Mais, là où le bas blesse c’est que cela s’accompagne parfois d’un aveuglement, d’une baisse du discernement au moment où on a besoin de courage politique. Mais le principal reproche est que dans de telles situations le président et ses alliés ne travaillent pas forcément pour le bien-être des populations mais ils sont enclins à travailler pour ne pas perdre le pouvoir. Or, théoriquement, dans une situation de culture de l’alternance, le président est amené à travailler si non il ne n’aura même pas la confiance du peuple pour un second mandat (mais cela suppose une maturité politique de la population). C’est donc à juste titre que La Bruyère nous enseigne que « ne songer à soi et au présent est la source d’erreurs en politique » (Les caractères).

Tertio, le désir de longévité au pouvoir conduit à une situation où le président est en quelque sorte une pseudo-institution, un homme providentiel. D’où les motifs de stabilité (’’après moi c’est le déluge’’), de chantiers inachevées évoquées ça et là. Mais, ces arguments semblent légers car a-t-on vraiment nécessairement besoin d’être président pour contribuer substantiellement au développement de son pays ? L’ex-président brésilien Loula a souscrit au principe de l’alternance quand bien qu’il était encore populaire. D’ailleurs, il est possible d’aller quitte à revenir après. Cela soulève aussi la question de la solidité des institutions. En effet, des ’’institutions fortes’’, des institutions qui survivent aux hommes font parfois défaut. Théoriquement, dans un système démocratique, il n’est pas ’’normal’’ de changer les règles du jeu en cours du jeu sans un consensus car cela fausse le jeu. Là des institutions devraient respecter à ce que cette règle soit respectée.

Quarto, bon nombre de démocraties africaines sont au stade d’apprentissage. Si nos démocraties étaient à un stade mature, les votes sanctions seraient une solution mais sous nos cieux, rarement le demandeur de mandat supplémentaire se le voit refuser.

Quinto, il faut noter que dans certaines situations, il s’agit des présidents qui bénéficient des soutiens extérieurs. Mais, nous sommes du nombre de ceux qui pensent que ces derniers exploitent les faiblesses de nos dirigeants. Ce sont d’ailleurs des soutiens à géométries variables en fonction des intérêts économiques et géopolitiques.
Sur le continent, de plus en plus des voix s’élèvent contre ces attitudes (demandes de mandats supplémentaires). D’autres vont jusqu’à demander de l’alternance générationnelle en vue de renouveler le personnel politique. Mais en réalité, ça ne se décrète pas, c’est processus qui implique la culture de l’alternance à commencer par les partis et formations politiques. En tout état de cause, entre monarchie et démocratie (alternance), il faut choisir si non on construit des démocraties comparables à une sauve souris (ni oiseau ni mammifère). Espérons que viendra un temps où seront rares, les chefs d’Etats africains qui auront des intentions de demander des mandats supplémentaires.

Réfléchissons-y ! »

Kambiré Bèbè
tél : 71 00 07 81
Courriel : kambirbb@yahoo.fr

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Vos commentaires

  • Le 11 septembre 2015 à 09:10 En réponse à : Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

    Une fois de plus on confond alternance et limitation du nombre de mandats. Il faut se mettre d’accord sur le sens des mots. La limitation du nombre des mandats a pour but de faciliter le renouvellement du personnel politique et d’éviter la personnalisation du pouvoir. L’alternance, c’est le changement d’orientations politiques. Si la constitution prévoit que le président de la république ne peut faire que deux mandats successifs de cinq ans (et qu’elle est respectée !), après dix ans de pouvoir, le président sortant ne peut pas se représenter. Mais si les citoyens sont satisfaits de la ligne politique suivie par ce président, il choisira d’élire le nouveau candidat issu du même parti politique. Il y aura changement de président, mais il n’y aura pas ALTERNANCE. Par contre, il y aura ALTERNANCE si le nouveau président a été élu parce qu’il proposait une autre ligne politique. Cela peut arriver même si le président sortant n’a fait qu’un mandat, qu’il se représente et qu’il est battu.

  • Le 11 septembre 2015 à 09:51, par bèbè kambiré En réponse à : Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

    merci internaute 1 pour vos éclairages

  • Le 11 septembre 2015 à 17:06, par ZAROS En réponse à : Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

    Voici un commentaire qui vient éclairer la lanterne de beaucoup d’internautes comme moi. Cette question d’alternance et de limitation de mandats n’est pas forcement bien cernée par bon nombre de nos hommes politiques. Merci pour cette riche précision.

  • Le 9 janvier 2017 à 11:45, par patrick mwamba En réponse à : Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

    boujour cher mr Kambiré, je suis d’avis avec vous. Seulement, il faut essayer de couper l’herbe au pied c’est-à-dire élaguer les causes profondes entre autres : la défaillance des partis politiques, des parlements, et la faiblesse du contentieux constitutionnel ( l’independance de l’appareil judiciaire). Ainsi, pour ma part, je préconise la mise en place d’une cour constitutionnelle africaine au-delà du statut particulier à accorder aux anciens présidents ou sortants.

    PATRICK MWAMBA ETUDIAN A LA FACULTE DE DROIT DE L’UPC ( RDC)

  • Le 19 février 2017 à 10:16, par Noel kambou En réponse à : Alternance politique en Afrique : L’analyse de Bèbè Kambiré

    Pourquoi des présidents Africains refusent de quitter la constitution même quand ils finissent leur mandat

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