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Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

Publié le jeudi 23 juillet 2015 à 04h48min

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Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

Une semaine après son adresse à la nation, le président de la Transition, Michel KAFANDO, s’est de nouveau prononcé sur la situation de la nation le 17 juillet 2015. Quelle lecture suggère ce discours ?

Dans son discours du 10 juillet 2015, le président KAFANDO a, à demi-mots, appelé au secours : « Une chose est claire. Etant le garant de l’unité nationale, j’aurai tout fait pour que la paix soit préservée dans notre pays ». Aussi, cet aveu d’impuissance s’illustre-t-il lorsqu’il souhaite conduire à terme la Transition dans la « tranquillité et sérénité ». Pour ce discours du 17 juillet 2015, le Chef de l’Etat a préféré le langage direct au lieu des formules embrouillées en désignant les auteurs de la crise. « Je le dis tout net, il n’est pas juste que pour des intérêts divergents, notre Armée nationale dont c’est la mission de protéger la paix au Burkina Faso, en vienne à être le perturbateur de la paix au Burkina Faso », affirme-t-il. Par ailleurs, il sonne la fin de la récréation en tranchant sur le sort de son Premier Ministre : « J’ai décidé de maintenir le Premier Ministre en poste ». C’est un courage politique qu’il faut apprécier à sa juste valeur.

Toutefois, il lâche du lest en affaiblissant son Premier Ministre en lui retirant le ministère de la défense. Le débarquement de Denise Auguste BARRY du ministère de l’administration territoriale de la décentralisation et de la sécurité (MATDS) isole davantage Yacouba Isaac ZIDA. Devrons-nous comprendre que le fameux complot qui est à l’origine de la crise est une machination de ZIDA et de son « bras droit » BARRY ? Ou devrons-nous comprendre que c’est un compromis pour contenter le RSP ? L’autre question subsidiaire est de savoir quel est le pacte de non perturbation de la Transition qu’il a signé avec l’armée et particulièrement le RSP ? D’autant qu’il affirme : « Nous venons de dénouer ainsi la crise la plus longue et la plus grave de notre histoire ». A l’en croire, la longue et grave crise pour reprendre ses mots est derrière nous. Trois hypothèses sont plausibles pour justifier cette certitude.

Hypothèse 1 : L’élection présidentielle du 11 octobre 2015 sera inclusive et équitable.
Hypothèse 2 : La hiérarchie du RSP ne sera pas inquiétée par la justice burkinabè.
Hypothèse 3 : Le statu quo sur le RSP sera maintenu.

La première hypothèse semble la plus plausible. Le président a dit que le Burkina Faso se conformera au verdict de la Cour de la Justice de la CEDEAO. Toute chose qui peut rassurer l’aile politique du RSP. Aussi, le débarquement de Denise Auguste BARRY du MATDS dont la neutralité par rapport à l’organisation des élections était sujette à caution renforce l’idée de l’organisation équitable de l’élection.

Au sujet de l’Armée nationale, le président KAFANDO dit que celle-ci est l’otage « d’intérêts divergents ». C’est pourquoi, il convient de parler plutôt des armées nationales. Une armée dont les composantes perturbent la paix sur l’autel de leurs intérêts égoïstes, n’en est pas une. En affirmant que cette armée est le « perturbateur de la paix », Michel KAFANDO ne court-t-il pas le risque de fragiliser davantage le moral de la troupe, lequel serait déjà entamé avec cette affaire de complot sur le Premier ministre selon la hiérarchie du RSP ? Le Chef suprême des armées Michel KAFANDO a touché là où ça doit faire mal en temps normal : l’honneur militaire. Que reste-t-il d’une armée dont le comportement est qualifié d’antithèse de sa mission principale ? Cette thérapie de choc qui a consisté à titiller l’armée (« perturbateur de la paix ») pourra-t-elle aplanir les dissensions actuelles au sein de l’Armée nationale ? Rien n’est sûr !

L’histoire récente de cette armée indique que l’honneur a foutu le camp au sein des casernes. Qui ne se rappelle pas de la mutinerie de 2011 avec son lot de désolation (pillages, viols, etc.) ? Si l’histoire instruisait, on n’aurait pas assisté à ces irruptions récentes des éléments du RSP dans des médias. L’argument selon lequel celles-ci furent l’œuvre d’éléments incontrôlés est symptomatique d’une absence de commandement au sein de l’armée. Du reste, c’est le sens à donner au fait que le président gère désormais le ministère de la défense. C’est pourquoi la lutte de clan au sein du RSP d’une part, la froideur entre le RSP et l’armée régulière désarmée d’autre part, doivent être définitivement résolues afin que le Burkina Faso se dote d’une armée républicaine. En attendant que la commission de la réconciliation et des reformes livre ses conclusions, gageons avec le président que les décisions qu’il a prises, contribueront à régler de façon définitive cette situation.
Toutefois, il faut noter dans cette recherche de solution, la naissance d’autres problèmes.

Le président KAFANDO s’arroge le maximum de pouvoir. Les portefeuilles de la défense et de la sécurité lui échoient. Ce qui le rend un président hyperpuissant. Historiquement, c’est une première depuis l’ouverture démocratique. C’est aussi, la preuve que l’armée est une des plaies de la démocratie burkinabè. Bref, s’il y a un reproche que l’on pouvait faire au président KAFANDO, c’est le fait de n’avoir pas suffisamment montré qu’il était le commandant à bord du navire Transition, le Prince. Il a fallu attendre le premier « mouvement d’humeur » de la soldatesque du régiment de sécurité présidentielle (RSP) le 30 décembre 2014 et, surtout, celui du 04 février 2015, pour qu’il prenne publiquement le dessus sur son Premier ministre Yacouba Isaac ZIDA.

En effet, ce dernier lui avait fait ombrage, au point qu’on croirait qu’il ne jouait qu’un rôle honorifique comme dans un régime parlementaire. Sauf qu’ici, le président semblait douter de sa légitimité, laquelle lui confère de facto de l’autorité et partant, l’incarnation de l’unité nationale. Ce sentiment « d’illégitimité » s’expliquerait probablement par son aversion à cette façon de prendre le pouvoir : la conquête du pouvoir par des moyens « violents » n’est pas dans son lexique politique. N’est-ce pas pour cette raison que d’aucuns le qualifie d’anti-révolution, un réactionnaire (dans son acception idéologique). Qu’à cela ne tienne. Il vient de prouver qu’on ne défend pas les acquis d’une insurrection populaire avec légèreté, sans fermeté, surtout dans un contexte d’une contre-insurrection ourdi par les partisans du pouvoir déchu. A force de vouloir ménager la chèvre et le chou dans une ambiance où les citoyens n’entendent que « plus rien ne soit comme avant », la probabilité de se faire hara-kiri est grande. La récente crise en est l’illustration.

Au terme de cette lecture, le président KAFANDO vient d’indiquer que la bataille est gagnée et non la guerre. L’enracinement de la démocratie et l’Etat de droit passe par la refondation des armées nationales. Sur les cendres de celles-ci renaitra une Armée nationale respectueuse et protectrice des institutions. Pour ce faire, la contribution des dignes fils est souhaitée.

BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

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Vos commentaires

  • Le 22 juillet 2015 à 18:01, par lasso En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Bonsoir ! Je vous félicite pour la qualité de votre analyse qui est très pertinente et qui montre à quel point vous êtes sensible au bien être et à la quiétude de notre chère Patrie. Merci pour la qualité de votre analyse et vivement que cela nous inspire pour une paix pérenne

  • Le 22 juillet 2015 à 18:07, par gangoblo En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    il sera difficile d’avoir une armée républicaine sans mettre à la retraite anticipée tous les officiers supérieurs ou faire les états généraux de l’armée car certains de ces officiers ont pris goût dans les affaires, la corruption et la politique.
    concluons qu’on ne peut pas laver des habits sales dans l’eau sale.

  • Le 22 juillet 2015 à 18:28, par CHEIKH En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Mon cher Roger, le moins qu’on puisse reconnaître, c’est qu’à travers ton intervention, tu as effleuré une question que tout le monde évoque en permanence, mais à laquelle jusque-là, personne ne répond. A savoir qui peut-on désigner au juste comme le cerveau ou le bras du RSP ? Ou encore quel est le trublion sans corps ni voix qui rugit chaque fois au nom du RSP, sans pourtant jamais assister aux débats lorsqu’on a besoin de lui ? Certainement un homme sans visage, ou quelqu’un que personne ne veut nommer, de crainte d’être mollesté ! Allons quand même Monsieur "RSP". Un peu plus de courage militaire ! Il est temps pour les Burkinabè que tu te dévoiles à eux en chair et en os, ne serait-ce que pour les rassurer une fois pour toutes sur le fonds de ta pensée en leur signifiant clairement, si oui ou non tout est fini maintenant. Sinon, comment peut-on continuer à ce point, à perturber toute une nation, en se cachant derrière ces trois lettres diffus et anonymes, sans préciser si on se nomme Diendéré, ou Kéré ou Tartampion ?

  • Le 22 juillet 2015 à 22:01, par Gnare En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Très belle analyse ,le président est dorénavant le seul commandant à bord du navire transition. Mais on a raté l’occasion de de nous débarrasser définitivement des des militaires en politique .Que Dieu et les ancêtres protègent le Burkina Faso.

  • Le 22 juillet 2015 à 22:50, par BOUDA En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Chantons en attendant la prochaine bourde de nos habitués.Que Dieu nous sauve.

  • Le 22 juillet 2015 à 23:09, par lonssani En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Beau commentaire ! Je crois k cette armée (RSP) n decolère pas. Soyons vigilants et unis contre tte velleité de semer des troubles. Ces crises intempestives causées par le RSP ns devoyent des choses très capitales pour la vie de notre democratie : le verrouillage du fameux article 37, le sort des dignitaires de l’ancien regime, les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo.

  • Le 23 juillet 2015 à 08:50, par SONDE En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Hum, très belle analyse ! Toutes mes félicitations mon cher Roger. Espérons que chacun mettra de coté son égo au profit de l’intérêt national pour que nous puissions arriver sereinement au 11 Octobre 2015. Bonne suite et dans l’attente du prochain sondage !

  • Le 23 juillet 2015 à 09:41, par Mr. OUEDRAOGO En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Je suis tout à fait d’accord avec vous,M. Bémahoun. Le Burkina a sérieusement mal à son armée. Cette armée là est à refaire de fond en comble. Toute négligence entrainera à coup sûr le chaos.

  • Le 23 juillet 2015 à 11:40, par sandokan En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Je me joins à la majorité qui m’a précédé pour saluer la qualité de votre analyse. Je voudrais cependant faire un commentaire sur l’une de vos assertions : "le Président KAFANDO s’arroge le maximum de pouvoir. Les portefeuilles de la défense et de la sécurité lui échoient. Ce qui rend le Président hyper-puissant". De mon point de vue, le Président n’a pas chercher ni n’a pas voulu être hyper-puissant. Cette réalité s’est imposée à lui pour deux raisons principales :
    1. Il a avait l’obligation de se conformer au nombre de portefeuilles défini par la charte qui, si je ne m’abuse, l’avait plafonné à 25 membres. La scission du MATDS en deux ministères, résultat probable des concertations, l’aurait amener, dans un processus classique, à les confier à deux personnalités distinctes ; ce que la charte de permet pas ;
    2. L’attitude des militaires, d’après ce que la presse nous a révélé, a montre que toute la hiérarchie avait fait bloc dans leur exigence politique. Dans ces conditions, les enjeux sécuritaires et de paix étaient tel qu’il lui est certainement apparu très risqué ou dificile de confier l’un quelconque de ces ministères à un militaire. Certes, d’aucun dira qu’il n’était pas obligé de les confiés à des militaires mais dans la situation que nous vivions, quel civil aura pu se faire obéïr dans une armée où cette valeur est désormais relative.
    Il était donc logique et cohérent que le Président incarnant déjà l’autorité suprême sur l’armée joue ces rôles l’instant de l’achèvement de la transition. En tout cas cette démarche du Président, compte des deux obstacles, est sage.

  • Le 23 juillet 2015 à 12:15, par Anbang ? En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Très pertinente analyse ! Le président est le seul capitaine du bateau Transition, bateau ivre qui ne fera que couler si rien n’est fait. Il faut mettre à nu l’essentiel du problème qui fait l’objet de dissensions au sein de notre vaillante Armée afin qu’on puisse ensemble y réfléchir. Aussi, faut-il que monsieur Kafando laisse le poste de sécurité à un autre fils du pays, conscient de l’intérêt général. Que Dieu veille sur nous !

  • Le 23 juillet 2015 à 15:20, par Alexio En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    En lisant votre diagnose sur l etat de sante de la nation via la Transition le coeur de cette crise est tres simple.

    Le deficit de loyaute du Premier Ministre Yacouba Isaac Zida envers ses anciens freres de troupe le RSP. Se sentant trahis par ce dernier qui etait un des notre a son temps,qui connait tous les rouages internes en son sein, etait leur representant de poids pour sevir comme courroie de transmission pour pallier tous conflits d interet a leur encontre.
    Sa dissolution.

    Donc l homme etait leurs yeux et oreilles et pouvoir dan la Transition.

    Malheusement les ambitions humaines des detenteurs du pouvoir sont vite corrompus par le meme pouvoir. Et cette regle n echappera pas au cas de Zida.

    Les dossiers judiciaires menacant les bonzes du RSP, le Ministre bosseur Barry n etait plus recuperable a leur cause, vu sa demarcation radicale envers le RSP, C est retrouver dans le meme bateau que Zida. Le dernier avait brusquement disparu de la circulation de la transition.

    La strategie du RSP etait de faire chanter la transition de renvoyer tous les militaires. Mais au fonds son but etait de reverser toute la transition.Donc remettre en cause les elections du 11Octobre 2015.

    La manipulation de Zida par le RSP n a pas eu lieu,

  • Le 23 juillet 2015 à 16:01, par Le Vigilent En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    Je suis du même avis que mon ami Sandokan, l’internaute N 9 a propos du cumul des portefeuilles de la Défense et de la Sécurité par le Président Michel Kafondo.
    A mon avis, Mr Michel Kafondo n’est pas un assoiffe du pouvoir. Il n’a pas battu campagne pour accéder a la présidence. Il a pris ces deux nouvelles charges a son corps défendant. Qu’est-ce que vous pensez qu’il y gagne, si ce ne sont que des angoisses dont il se passerait volontiers ? Soyons objectifs, et surtout responsables, et reconnaissons qu’il ne pouvait pas faire autrement face a la nature et a la gravite de la situation.
    Qui d’autre que lui pourra assumer la charge de la Défense sans être malmené par Gilbert Diendere et ses complices au sein de l’armée ? Toute autre personne qui prendrait la charge de la Défense, a moins d’accepter d’être une se marionnette sans personnalité et la solde de Diendere, serait contestée, menacée et humiliée par ce dernier et ses complices au sein du RSP.
    En ce qui concerne la Sécurité, qui pourrait assumer cette charge sans être accusé de partialité, de rouler pour tel ou tel groupe et de pratiquer une chasse sélective aux sorcières ?
    N’oubliez pas qu’avant de prendre cette option, le président Kafondo a pris le temps de bien analyser la situation sur toutes ses facettes, de consulter tout le monde et de demander le conseil de sages dont un ancien président, des responsables religieux et coutumiers, des officiers supérieurs a la retraite, d’anciens présidents d’institutions et autres personnes ressources qui, tous, comprennent mieux que vous et moi, les problèmes sociopolitique de notre pays et ceux de notre armée nationale dont le RSP.
    Ayons confiance en notre Président et ne lui compliquons pas davantage la tache dont on sait qu’elle est très difficile en ce moment et pourrait l’être encore plus durant le reste de son mandat.

  • Le 23 juillet 2015 à 17:34, par SIDKETA En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    C’est propre !

  • Le 23 juillet 2015 à 20:27, par soumso En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    TRES PERTINENTE ANALYSE PLUS DE RESPONSABILITE DANS TOUS LES SENS POUR UNE SOCIETE BURKINABE PLUS JUSTE PLUS DEMOCRATIQUE ET PLUS FRATERNELLE

  • Le 23 juillet 2015 à 23:03, par Soul En réponse à : Dénouement de la crise RSP/Zida : L’analyse de BEMAHOUN Honko Roger Judicaël

    RAS.belle analyse

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