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Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

Publié le lundi 23 février 2015 à 22h20min

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On assiste ces derniers temps à la mise en place de cellules de base de partis politiques dans les grandes écoles et universités du pays. Ça y est, les élections d’octobre 2015 ne sont plus loin et la course est déjà ouverte pour la conquête de l’électorat des jeunes en général et de celui des étudiants en particulier. Si les intentions des différents partis politiques semblent nobles, il est de notre avis que de telles initiatives pourraient se révéler politiquement dangereuses et stratégiquement inadéquates.

Le Burkina Faso sort lentement d’une crise socio-politique consécutive à près de trois décennies de confiscation du pouvoir politique et économique par le clan Compaoré. Ceux et celles qui ont payé le plus lourd tribut du régime Compaoré, ce sont les jeunes dont les moins de 35 ans représente pourtant 80% de notre peuple. Par ignorance ou par mépris, ce régime n’a pas investi conséquemment pour assurer une meilleure formation des jeunes en milieu scolaire et estudiantin. Pire, ce régime dont les premiers responsables n’étaient pas des modèles en matière d’intégrité, ont progressivement transformé l’éducation nationale en un champ de business où l’accumulation du profit a pris le pas sur la qualité de l’enseignement et la transmission de valeurs de morale publique aux élèves et étudiants. Ces derniers ont surtout payé au prix cher cette politique d’abandon de l’université par le régime Compaoré. Pour reprendre les propos des Pr. Albert Ouédraogo et Abdoulaye Traoré, « l’université est également un lieu de stress, d’angoisse, de pauvreté et d’injustice » pour la vaste majorité de ceux et celles qui y étudient. Au fils des années la vie estudiantine au Faso est marquée par un CENOU à l’agonie et endetté, de longues et dures grèves, les violences verbales et physiques, la destruction de biens publics, des sévices corporels, des arrestations, des disparitions.

C’est dans un tel contexte et à la faveur du “silmandé politique” qui a balayé le régime de Blaise Compaoré que certains partis politiques ont entrepris d’installer des cellules de bases dans les grandes écoles et universités. Les arguments ne manquent pas pour justifier de telles initiatives. L’un des arguments phares consiste à dire que les élèves et étudiants sont les futurs dirigeants du pays et par conséquent, devraient être mieux formés autant techniquement que politiquement.

Il est curieux de constater que les universitaires qui se sont battus contre la présence policière sur le campus, semblent silencieux devant cette entreprise de politisation des franchises universitaires. Pourtant, cette pratique des partis politiques pourraient s’y on n’y prête garde, se révéler politiquement dangereuse et ce pour les raisons suivantes. Premièrement, il existe au Burkina Faso à peu de chose près, des partis politiques d’individus et non d’idées. C’est dire donc que l’engagement de l’écrasante majorité des militants s’arrime plus à l’attachement (émotionnel ou pas) que l’on a envers les leaders des partis plutôt qu’aux idées et idéaux que ces derniers défendent au nom de leurs partis. Dans ces conditions, le moindre différend politique lié à une contestation électorale par exemple pourrait se résoudre moins avec la force des arguments que l’argument des forces. Ne soyons donc pas surpris si plus tard, l’animosité entre partis politiques se déporte facilement dans les écoles et universités avec tout ce que cela pourra comporter comme dérives.

Deuxièmement, les responsables de ces cellules de base de partis politiques une fois installés, pourraient tenter d’une manière ou d’une autre d’infiltrer ou d’influencer la vie des associations scolaires et estudiantines, et pourquoi pas du corps enseignant. N’oublions pas l’épisode des CDR sur le campus… Il s’agira pour chaque cellule de base de rallier le plus grand nombre à sa cause et tous les moyens seront bons pour cette fin. Ainsi, toute revendication légitime ou pas d’une partie des élèves et étudiants sera-t-elle perçue comme une instrumentalisation de tel ou tel autre parti politique. Un tel climat de suspicion ne fera qu’envenimer une situation déjà délétère au niveau de la qualité de l’enseignement, et cristallisera davantage les frustrations qui pourraient se transformer en affrontements.

En dernier lieu, cette stratégie des partis politiques d’installer des cellules de base dans les écoles et universités pourrait se retourner contre eux sur le long terme. En effet, la plupart des partis politiques à l’image du CDP, ont verrouillé les mécanismes de promotion et d’ascension des jeunes en leur sein. Il suffit pour s’en convaincre de compter le nombre de jeunes (hommes et femmes) de moins de 35 ans dans les bureaux politiques nationaux des partis politiques. Tout jeune talentueux qui veut émerger est traité de « trop pressé », d’arrogant, etc., et est vite combattu par une vieille garde coupée des aspirations de la jeunesse et pire, inconsciente de sa mission de former de nouveaux talents pour la survie du parti. Dans ces conditions, les élèves et étudiants qui étaient déjà dubitatifs à l’endroit de ces partis, le seraient davantage si ces derniers venaient à disparaître aussi vite que l’éclair, des écoles et universités si tôt les élections terminées.

Loin de nous l’idée d’avancer que les élèves et étudiants ne peuvent pas faire preuve de lucidité et de discernement dans leur engagement politique en milieu scolaire et estudiantin. Il faut simplement accepter que nous sommes dans un format politique où même les adultes jusqu’à présent ne maîtrisent pas comment tracer la ligne asymptotique entre la politique et les relations humaines avec les autres. Ce ne sont donc pas les moins formés qui pourront y échapper car étant à un stade de leur vie où ils pourraient manquer de recul par rapport aux événements de la vie pour relativiser les choses. L’exemple dramatique des affrontements entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo sur les campus universitaires de la Cote d’Ivoire doivent faire réfléchir plus d’un ici au Burkina Faso. Il faut donc résister à la tentative de politiser tout et partout.

Ne nous y trompons pas. Ce qui est en jeu, c’est la conquête de l’électorat jeune en générale et estudiantine en particulier pour les prochaines échéances électorales. La poursuite de cet objectif ne devrait pas pour autant pousser les partis politiques à adopter des stratégies inadéquates comme celles de s’implanter dans les grandes écoles et universités du pays. En effet, la présence d’un parti politique sur le campus n’est pas une condition nécessaire ou même suffisante pour former les jeunes sur le plan politique et idéologique. Cet objectif peut être atteint à travers la mise en place d’écoles de formation politique ouvertes à toutes et à tous dans certaines villes stratégiques du pays. Cette stratégie de long terme pourrait certes se révéler financièrement coûteuse pour certains partis politiques. Toutefois, elle a l’avantage d’offrir un cadre pour formaliser la réflexion politique en vue de sa vulgarisation auprès des jeunes du pays.

Une seconde stratégie sera de prendre avantage du délaissement de la jeunesse par le régime Compaoré près de trente années durant. Ainsi, les partis politiques pourraient-ils déclarer solennellement et communiquer sur le fait qu’ils octroieraient 50% des postes électifs à des jeunes (hommes et femmes) de moins de 35 ans pour les prochaines élections parlementaires et municipales. Une telle stratégie de court terme ne fera que leur attirer la sympathie de cette frange du peuple qui, a hâte de démontrer son talent et savoir-faire sur le terrain politique.

Une troisième stratégie sera d’appuyer les associations scolaires et étudiantes pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Il ne faut pas attendre d’être à Kosyam avant de se familiariser avec les plateformes revendicatives des élèves et étudiants. Un parti politique pourra certainement s’attirer la sympathie des élèves et étudiants en organisant de manière régulière une série d’activités bien ciblées allant dans le sens de répondre aux préoccupations des élèves et étudiants. Il s’agira par exemple de la tenue de conférences publiques sur les problèmes de l’enseignement en milieu scolaire et universitaire ; l’octroi de soutiens financiers ou matériels à des écoles/facultés ou au plus méritants des élèves et étudiants, etc.

En définitive, il est de notre opinion que malgré les nobles intentions , la mise en place de structures de base des partis politiques en milieu scolaire et estudiantin pourrait s’apparenter à des explosifs que l’on sème dans des endroits dont la vocation première est la recherche et la diffusion du savoir. Les Partis politiques devraient faire preuve d’innovation et d’inventivité pour s’attirer l’électorat jeune et non l’exposer à des risques politiques dangereux à travers des stratégies inadéquates pour la conquête de cet électorat.

Bernard Zongo (barkbigazongo@gmail.com)

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Vos commentaires

  • Le 23 février 2015 à 22:45 En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Mon frère, si vous n’avez rien à dire, taisez vous ! dans le temps, les élèves et étudiants étaient politiquement encadrés il n’y avait pas de casses ni de pneus brûlés sur la voie publique.

  • Le 24 février 2015 à 01:19 En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Hayaa !!!! on part tout droit vers la danse "cè maïs" !!!!!!

  • Le 24 février 2015 à 11:02, par Gbè En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Je soutiens cette réflexion et je crois qu’il faut trouver des cadres ailleurs que dans les écoles et les universités. Soutenir que dans le temps c’était ceci ou cela n’est que distraction. La politisation des établissements est à l’origine des casses et autres dégâts aux biens publics. Il faut qu’on arrête de voir les intérêts des politiques pour privilégier la recherche de la paix. Cette pratique est entrain d’être répandue et médiatisée par le MPP traduisant ainsi que ce parti n’est qu’une copie conforme du CDP qui en avait fait son credo. Je crois qu’une loi devrait interdire l’implantation de cellules ou associations politisées dans les établissements, les administrations et partout où besoin sera, tout comme on l’exigerait de façon équivalente pour la laïcité religieuse

  • Le 24 février 2015 à 11:03, par jonassan En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Moi je n’ai pas peur de la politisation des écoles et universités. Le seul problème est que le CNT mette en exergue des outils à même de punir les détournements de fonds publics à destination de ces gropuscules. Que le CNT donne les outils de justice aux écoles et universités et que les Syndicats d’Elèves et d’Etudiants se dépolitisent. Que le politique et les OSC vivent côte à côte ne dérangent guère.

  • Le 24 février 2015 à 11:08, par Positif En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    L’école, l’université sont des cadres purement de partage de connaissance sans complaisance ni de formation de clans. Elles doivent être laïques et complètement apolitiques pour faciliter l’apprentissage.
    De grâce, ne conduisez pas la jeunesse consciente à vous rejoindre dans le vol et la corruption.

  • Le 24 février 2015 à 12:09, par king En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Si vous n’avez rien a dire taisez vous. Dans un pays comme le Faso avec plus de 70% d’une population de jeune il faut que les jeunes s’interesse a la politique. Tout ce qui se passe au pays doit les concerner parce les politiciens devrait normalemnt travailler pour eux. C’est la seule frange importante de la population qui peut forcer les politiciens a bien travailler. Si ils s’interesse a la politique c’est bien parce que ils peuvent a tout moment sanctinner les politiciens qui ne veulent pas soit par le vote soit par insurrection. Si les jeunes ne s’interesse a la politique qui doit le faire. Je pense que toi meme tu est polities. Les faux politiciens les veulent pas les jeunes s’interesse a la politique pour leur permettre de faire tout ce qu’ils veulent cest a dire voler, corronpre, piller les ressouces du pays sans que personnes ne voit et ne parle pas. Jeunes interressez vous a la politique car votre avenir en depend. Merci

  • Le 24 février 2015 à 13:15, par BISSIRI En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    La jeunesse Burkinabé en particulier celle dite intellectuel (Les élèves et étudiants) a toujours été au cœur des grandes luttes socio-économiques et politiques de notre pays. Ils ont toujours agirent avec bravoures au coté du peuple pour le progrès du pays des Hommes intègres. En témoigne la révolution d’octobre 2014. Cette jeunesse intellectuel difficilement corruptible et manipulable à été découragé et mise a l’écart sur la scène politique par le régime de la quatrième république en vue de mieux exploité l’analphabétisme de la grande majorité de notre peuple. C’est dans ce contexte que la MPP agissant en qualité de parti responsable, expérimenté et sachant que l’avenir de se pays se trouve entre les mains de la jeunesse a décidé d’inscrire cette jeunesses au cœur de son programme de société.
    ‘’Plus rien ne sera comme avant’’ est un ensemble de mot, mais c’est aussi un comportement qui ne laisse pas indifférent ceux qui ont véritablement a cœur de faire émerger les aspirations du peuple Burkinabé surtout celle de sa jeunesse intellectuel. Le MPP en plus de mettre en place une école de formation politique ouvertes à toutes et à tous (Centre International de Formation Politique Kwame Nkruma) a entrepris la mise en place de structure de base dans le monde éducatif en vue de mieux se rapprocher de ceux-ci et permet de compléter leurs savoirs en matière de conscience politique.
    Dans les pays ou la jeunesse est valorisé pour préparer qualitativement l’avenir comme le Japon, les jeunes intègrent la politique dès le lycée car pour être utile a ton pays il ne faut pas seulement se contenté d’être techniquement compétent mais il faut aussi être politiquement conscient afin que tes convictions et tes choix politiques soient au profit du pays plutôt qu’être a la solde d’un groupuscule de gangster sans cœur ni âme.
    Crée des cellules MPP dans les lycées et collège montre réellement que le MPP placera la question de l’éducation scolaire et universitaire comme axe clé de développement et que les élèves et étudiants à travers ces cellules trouverons des solutions définitives aux préoccupations liés a leurs intérêts matériels et moraux. Vivre le MPP.

  • Le 24 février 2015 à 13:22, par issilondres En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    On commence par les politiser au Burkina, ensuite pour les récompenser, les oncles magouillent en France ou ailleurs pour les faire venir. Les soi-disant oncles vous font croire que leurs neveux sont boursiers et de les aider à vous porter garant pour leur arrivée et hébergement en France . Et tout le monde y gagne sauf des "fariné" comme moi, sauf les élèves et les étudiants fils de pauvres. J’ai été personnellement "grugé" à mon insu dans une telle trafique en 2008. Alors,y en a qui feraient mieux de ne pas trop s’étaler ici sur LeFasonet en parlant d’un champ qu’il semblent bien connaître et défendre. On se connait tous de loin ou de près en tant que Burkinabè. Une objection ?

  • Le 24 février 2015 à 18:25, par Lamine En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    Commentiaire numero 1 : On ecrit pas un article d’opinion pour avoir raison mais pour susciter un debat. Vous qui avez quelque chose a dire, quelle est votre opinion ?

  • Le 29 avril 2015 à 10:25, par Le BOSS En réponse à : Politisation des élèves et étudiants au Burkina Faso : une bombe à retardement

    A L’université les sciences politiques et juridiques y sont enseignées pour permettre aux étudiants de comprendre comment vit un Etat ,de savoir comment les affaires du pays sont gérées c’est déjà de la politique.Donc ne pensez pas que ce sont sont les politiciens sur le terrain qui enseignent la politique aux étudiants.Rappelez vous comment les délégués de classes,d’établissements et dans les universités sont élus.C’est de la pure politique.Vous mêmes au sein de votre famille ou votre entreprise vous avez une politique que vous faites donc personne nulle part est apolitique.

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