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La Commission bancaire de l’UMOA : la transparence et l’indépendance en question

Publié le samedi 15 mars 2014 à 01h28min

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La Commission bancaire de l’UMOA : la transparence et l’indépendance en question

Le système bancaire ouest-africain, perçu comme catalyseur à l’économie émergente, peut-il, dans sa structuration actuelle, inciter à l’investissement privé(IP), l’investissement direct étranger(IDE) et constituer, avec celui des télécommunications, la matrice opérationnelle efficiente à même de porter le fabuleux projet de la « Côte d’Ivoire émergente, à l’horizon 2020 » ?

Censée offrir au secteur un visage mieux assaini et plus transparent, l’union monétaire ouest-africaine, a mis en place, le 24 avril 1990, à Ouagadougou, au Burkina Faso, la Commission bancaire, saluée comme étant l’instrument idoine attendu. Une nouvelle convention, pour renforcer son cadre institutionnel, fut même signée, le 20 janvier 2007, à Lomé, au Togo.

Face aux avatars et aux risques de l’aventurisme grégaire, les impératifs de la réglementation bancaire la rendaient ainsi stratégiquement nécessaire pour réguler le secteur, à l’identique et à l’équité. Mais, 24 années après, la Commission bancaire est-elle en mesure, en ne paraissant pas cette grande illusion, d’accompagner efficacement l’émergence des Etats de la communauté monétaire ? Dans quelle mesure, peut-elle appuyer la Côte d’Ivoire, figure de proue de l’économie sous-régionale, dans son fabuleux projet de « pays émergent, à l’horizon 2020 » ?

Au regard de ses rôle et mission de régulation et d’arbitrage induits, la Coba, habilitée à connaître des litiges qui opposeraient (par le droit), des parties dont les intérêts pourraient compromettre la survie des activités régentées, peut-elle trancher valablement, le cas échéant ? N’y a-t-il pas risque d’hérésie, puisque n’étant pas dotée d’une instance juridictionnelle propre ?

Par exemple, au niveau d’un Etat membre imaginaire, une situation se présente dans laquelle un haut fonctionnaire, proche du secrétaire général, son adjoint ou du Gouverneur, pour des desseins inavouables, saisit la Coba, pour un fait relatif à la gouvernance d’un établissement bancaire. L’institution peut-elle agir, sans risque de compromission dolosive ?

Administrée ainsi par une connexion, sans nom, la mission de surveillance et de contrôle prudentiel, par elle, ne s’en trouverait-elle pas, dès lors, fragilisée, et ses rapports sujets à caution ? Collusion à tous les étages, un tel cas montre que des intérêts tout particuliers ou claniques peuvent confronter ceux, plus largement, des activités régies et les intérêts des agents économiques.
Avant que l’on ne vienne, un jour, à conclure que des « erreurs humaines » sont à l’origine de faiblesses (structurelles), la Coba, un peu comme l’antivirus, le rempart de l’ordinateur contre les programmes malveillants, doit se remettre, au minimum, dans son rôle, par l’impersonnalisation, la transparence, l’équité et l’indépendance, dans son fonctionnement.

Facteur limitant l’indépendance de la Coba, la composition de son cadre institutionnel ; en effet, sur 18 membres délibérants, comprenant outre le gouverneur, 8 représentants des Etats, un représentant de la Banque de France, 8 membres désignés par le gouverneur, soit : 1+8+1+8=18 ; le président « contrôlant, à lui tout seul », 9 voix, au départ, y compris la sienne, prépondérante, en cas d’égalité, soit 10 voix.

Ce sont là autant de préoccupations ou questionnements, préjudiciels, auxquels il urge d’apporter des réponses. Car, les bruits qui en émanent ne sont point rassurants ; ceux-ci feraient même craindre quelque propension à l’arbitraire, au bouc-émissaire dans les rapports produits ; toutes choses qui sont de nature à entacher la crédibilité de la machine du contrôle prudentiel.

Les doutes sont par ailleurs confortées, au plan structurel, par son article 9 portant organisation et fonctionnement. Celui-ci stipule expressément que la Banque Centrale (Bceao, Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) assure le secrétariat, et prend en charge les frais de fonctionnement du secrétariat ; celui-ci est dirigé par un secrétaire général, assisté d’un secrétaire général adjoint, choisis, tous les deux, parmi le personnel de la Banque Centrale, et sont nommés par le président de la Commission, ci-devant le Gouverneur (sic !).

Et, c’est ici, que sont nombreux les avocats de l’émergence qui s’interrogent.
En France, l’autorité de régulation, dénommée « Autorité de contrôle prudentiel et de résolution(ACPR) », mise en place depuis le 21 juin 2010, chargée, entre autres, de l’agrément et du contrôle des établissements bancaires et des organismes d’assurance, veille à la préservation de la stabilité financière et à la protection des clients, des banques, des assurés et bénéficiaires des contrats d’assurance. Elle est une autorité indépendante. Elle a en son sein un organe juridictionnel autonome, appelé à connaître de tous litiges qui lui sont soumis (…)

A l’échelle de l’Umoa, les Etats membres devraient envisager une revue des invariants institutionnels et structurels propres de la Commission bancaire, afin d’apporter les correctifs à même de la doter des mécanismes conformes à ses missions. Quoiqu’il en soit, le concept pays émergent, valant doctrine économique, impose d’aller à l’assaut des « procédures taillées sur mesure ». Pour que, par le rayonnement du secteur bancaire, fasse jour la dynamique de l’émergence.

Par Fousseni N’Guessan*
*Journaliste, éditorialiste à la revue d’Analyses
Stratégiques & Réflexions économiques Africanorama
foussensyllaz@yahoo.fr

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Vos commentaires

  • Le 14 mars 2014 à 20:16 En réponse à : La Commission bancaire de l’UMOA : la transparence et l’indépendance en question

    Monsieur le journaliste, c’est bien d’évoquer des conflits d’intérêts possibles dans le fonctionnement de la commission bancaire. c’est très bien de pointer les défaillances de cet organe de l’UMOA.
    Je veux simplement vous rappeler que la Banque centrale, dans tous les pays du monde, assure directement ou indirectement la supervision et la régulation du système bancaire. Oui ! Dans tous les pays du monde. Sans cela, l’existence de la banque centrale n’aurait aucun sens.
    Votre article garde toute sa pertinence mais je pense qu’il est peut être téléguidé. Rien n’empêche un citoyen floué par une banque d’ester cette banque auprès des juridictions de son pays. Absolument rien !
    De plus, prenez quelques fois le temps de bien vous documenter sur un thème avant d’écrire et de trancher de façon aussi vive. Même bien document, soyez assez prudent car tout n’est pas forcément noir ou blanc.
    Enfin, supposons que la Commission bancaire de l’UEMOA soit composée de personnes indépendentes comme vous le suggérez et que le Gouverneur n’y siège pas. Comment désigne-t-on ces personnes membres de la Commission bancaire ? Par élections au suffrage universelle ? Désignation par les Assemblées nationales des pays membres ? Nominations par le pouvoir exécutif de chaque pays membre ? Voyez-vous, lorsqu’on pousse et à force de pousser et chercher, on peut toujours remettre en cause l’indépendance de la Commission.
    En conclusion, il est clair que des situations flagrantes ou des situations de risques élevés de conflits d’intérêts doivent être évitées. Comment ? C’est la question à laquelle nous devons tous réfléchir.

    Bon courage cher journaliste.

    • Le 22 mars 2014 à 16:23, par fousseni En réponse à : La Commission bancaire de l’UMOA : la transparence et l’indépendance en question

      Merci de l’intérêt que vous avez porté à mon papier, et qui témoigne de l’importance des questions soulevées. Merci d’avoir reconnu la pertinence de celles-ci, et vous êtes, à quelques nuances près, d’accord avec moi pour reconnaître que des réflexions doivent être envisagées aux fins de corriger les faiblesses ou écueils qui entachent l’indépendance de la Commission bancaire.
      Pour autant, convenons que l’indépendance dont il s’agit relève plus de l’éthique, une certaine façon d’opérer conformément aux textes avec un brin de détachement des membres de la Coba vis-à-vis de leur position à la Banque centrale ou toute autre position susceptible d’induire un parti-pris,dans la commission de situation pour laquelle l’organe se serait auto-saisi ou est saisi.
      Pour le reste, sans nous laisser aller à quelque polémique, qui pourrait être in fine sans objet, l’intérêt du débat emporte toute autre réaction émotionnelle.
      Salutations fraternelles !
      fousseni

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