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Venegda Kassoum : « Jusqu’à preuve du contraire, le président Compaoré n’a pas encore fait cas de son intention de rebelotter en 2015 »

Publié le jeudi 16 janvier 2014 à 01h20min

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Venegda Kassoum : « Jusqu’à preuve du contraire, le président  Compaoré n’a pas encore fait cas de son intention de rebelotter en 2015 »

Chers compatriotes, amis (es) internautes, l’actualité politique de notre pays nous interpelle tous et toutes. Le Burkina Faso est à la croisée des chemins au regard des débats que la mise en place du sénat et l’éventuelle révision de l’article 37 suscitent.

Même hors du pays, il est de notre devoir d’apporter notre modeste contribution afin de donner notre avis sur la vie de la nation. Cela pourrait participer à une prise de conscience des uns et des autres et les guider vers des décisions à même de préserver la paix sociale et la stabilité, gages de tout développement.

La démocratie n’est pas seulement une affaire des politiques. Chacun de nous doit s’interroger sur son apport en termes de démocratie. Cela passe aussi par nos attitudes et nos posts sur les forums qui doivent respecter l’opinion des uns et accepter les débats contradictoires.

En ce qui me concerne, je pense que nous devons concéder au président Blaise Comparé des acquis majeurs en termes de développement (équipements socio-éducatifs et sanitaires, programmes économiques, infrastructures routières, rayonnement de la diplomatie burkinabè...) et depuis une dizaine d’année, la liberté d’expression est une réalité au Burkina.

Cependant, il subsiste encore des insuffisances notamment en matière sanitaire (il suffit de faire un tour à Yalgado pour s’en rendre compte) et la croissance enregistrée autour de 10% n’est pas perceptible dans le panier de la ménagère. Il manque une vraie politique de promotion des start-up et autres projets des jeunes et jamais, le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi criard, d’aucuns pensent (à tort ou à raison) qu’un clan s’est accaparé toutes les richesses et se partage les marchés. Par-dessus tout, la situation des étudiants est une honte nationale.

En dépit de toutes ces insuffisances, j’ai une profonde admiration pour l’homme et un respect incommensurable de la fonction présidentielle qu’il incarne. Un seul homme ne peut tout réussir, et parfois les limites et les insuffisances sont du fait de son entourage. Je ne suis ni juriste ni politologue, mais je sais que le sénat est une institution à même de renforcer notre démocratie. Mais est-ce vraiment le moment de la mettre en place ? Cela aurait pu se faire au lendemain de l’élection présidentielle de 2010 ou après celle de 2015. Une sensibilisation et une large information auprès des populations des villes et des campagnes sur le rôle, le fonctionnement et le coût du sénat est nécessaire.

Nos compatriotes trouvent déjà l’Assemblée Nationale inutile et je comprends aisément leur hostilité vis-à-vis du sénat. Aussi, notre démocratie est assez jeune (pas d’équilibre entre les forces en présence) et nos priorités énormes pour laisser la place à un quelconque sénat.

Le président Blaise Compaoré devra poursuivre les consultations et travailler à la mise en place du sénat après l’élection présidentielle de 2015, pour ne pas être suspecté de le faire à dessein. Avec la nouvelle configuration de la scène politique nationale, le sénat sera une nécessité car l’assemblée nationale ne pouvant contenir toutes les compétences (nombre limité des députés). Il faudra donc trouver d’autres espaces d’expression démocratique avec une représentativité plus large qui prenne en compte toutes les couches de notre société. On comprendra plus tard qu’il avait raison à propos du sénat, seulement, il était en avance sur son temps.

Nombreux sont ceux qui font un procès d’intention au chef de l’Etat sur les velléités de tripatouillage de la constitution. Mais jusqu’à preuve du contraire, le président Compaoré n’a pas encore fait cas de son intention de rébelotter en 2015. Il a précisé que "le peuple sera consulté en cas de nécessité".

Le CDP affiche clairement son souhait de déverrouiller l’article 37, l’opposition et la société civile est contre. S’il y avait affrontement entre les deux, le peuple sera appelé à les départager. Connaissant l’homme, épris de paix, il ne laissera pas la situation pourrir à ce point. Je ne vois pas pourquoi il laisserait défaire ce qu’il a mis plus d’un quart de siècle à construire, à savoir la stabilité et le progrès !

Je reste convaincu qu’il finira par surprendre en renonçant officiellement à un mandat après 2015. Il n’a pas intérêt à le déclarer aujourd’hui car tout un chacun se trouvera une âme de présidentiable et tous se retrouveront à battre le pavé à la recherche d’électeurs potentiels. Nous aurons alors deux ans de campagne présidentielle, ce qui est préjudiciable pour le quotidien des Burkinabé.

Pour moi, cela ne souffre d’aucun débat. La constitution est claire la dessus. Nous voyons passer sur nos écrans, des spots publicitaires nous incitant au civisme et à l’intégrité ; cela passe aussi par le respect de nos lois et la constitution en fait partie.
Ceux qui souhaitent sa révision, le font à dessein pour un seul homme. Aujourd’hui c’est Blaise Compaoré, imaginons que demain nous ayons un président tyrannique qui pille son peuple. Il pourrait régner à vie à moins d’un soulèvement populaire comme le printemps arabe. Le Burkina ne peut se permettre une crise de cette ampleur.

Cette même constitution a prévu des dispositions pour la révision de cet article. Mais est-ce vraiment judicieux de le modifier juste pour faire plaisir à une seule personne ? A la lumière des dernières évolutions de l’actualité politique, il est certain que la voie parlementaire est fortement compromise. Il ne reste plus que le referendum. Mais qu’est-ce qui justifie de nos jours un referendum sur cette question ?

J’ai du mal à comprendre comment, d’un coté on prône la mise en place d’un sénat pour renforcer la démocratie et d’un autre coté, on veut sauter le verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels sous prétexte qu’il est anti-démocratique. Je demande aux éminents professeurs de m’aider à comprendre ce paradoxe.

Ce tripatouillage constitutionnel ternira fortement l’image de notre pays ainsi que celle de notre président. Notre crédibilité s’érodera auprès des pays qui nous respectent, y compris ceux chez qui nous avons œuvré à l’instauration de la paix et de la démocratie. Ce sera un vrai exemple de "fais ce que je dis, mais ne fais pas ce que je fais !" Notre président mérite mieux que ça ! Il a acquis au fil des ans une stature internationale. Il pourra prétendre à des postes au sein d’organisations internationales type : ONU, UA, OIF, etc. Nous devrons tous œuvrer à rendre cela possible à l’image des Sénégalais qui, malgré leurs querelles byzantines, restent solidaires au plan international. Blaise Compaoré, fort de son expérience en résolution des conflits en Afrique, sera un bon ambassadeur de la paix et fera rayonner davantage l’image de notre pays. Il a encore beaucoup à apporter à la sous-région et à l’Afrique. Il est donc temps pour lui d’aller au delà d’une vision simpliste de "Présidentiable" et d’incarner cette attente et cet espoir sous-régional et régional.

Je lance un appel à tous les experts et intellectuels Burkinabé ainsi qu’à ceux de la sous-région afin qu’ils se réunissent pour trouver une porte de sortie honorable à notre cher président.

Aux amis du CDP, il est encore temps de démontrer qu’avec ou sans Blaise, vous pouvez encore engranger des victoires. Ce ne sont pas les compétences qui manquent. Je pense notamment à Djibril Bassolé, Yé Bongnessan, Yéro Boli, Kadré Désiré Ouédraogo, Issouf Ouédraogo, pour ne citer qu’eux. L’alternance au sommet de l’Etat permettra l’émergence d’une nouvelle classe politique, la redynamisation du programme de société et une efficacité des actions de développement.

La démission du trio CDPiste n’est pas une chose étonnante. Pour les observateurs avertis de la vie politique nationale, cela était prévisible et même attendu. Par contre, ce qui l’est moins, ce sont les critiques dont ils font l’objet.

Lors de la démission fracassante de Mme Saran SERE/SEREME du CDP, nombreux sont ceux qui fustigeaient le manque de courage des autres barons depuis qu’ils ont été relégués au rang de conseillers Spéciaux. Aujourd’hui, ils ont fait leur propre introspection, pris leur courage à deux mains (sinon même à trois) et claqué la porte du CDP. Ils font l’objet de critiques (trahison, complot, stratégie...) et cela est dans l’ordre normal des choses.

Je pense humblement que c’est tout à leur honneur de rejoindre l’opposition plutôt que de rester dans un parti qui ne fait plus de la politique selon leur entendement.
Je disais tantôt que cela était attendu car ce sont des bêtes politiques, des hommes de terrains qui ont façonné pendant plus de 25 ans le paysage politique national. Ils ont fait la pluie et le beau temps au burkina. Qui ne se rappelle pas de leurs verbes lors des joutes électorales ? Ils ont encore la force et beaucoup d’expérience à capitaliser et je pense que le CDP a commis une énorme erreur stratégique en les mettant au "garage" pendant qu’ils ont encore besoin de s’exprimer et d’agir.

La création d’un CDP bis permettra un rééquilibrage des forces politiques. Maintenant que les langues se délient et que l’hémorragie à commencé (ça va se poursuivre), toutes les hypothèses sont permises et l’on peut se mettre à rêver (utopie peut-être) d’un rédécoupage du paysage politique. Je rêve notamment d’une forme trigonelle avec un équilibre du jeu politique à l’ivoirienne (PDCI-RDR-FPI) ou à la Sénégalaise (PS-DPS-APR).

En effet, ce nouveau parti en gestation finira par fédérer l’ensemble des transfuges du CDP. Les partis comme l’UPC de Zéphirin Diabré, le PDC de Séré Sérémé, Le Faso Autrement d’Ablassé Ouédraogo devront rejoindre ce CDP bis pour former un front républicain.

Le CDP d’Assimi Kouanda, l’ADF/RDA, l’UPR, le PIB et les autres partis de la mouvance devront se restructurer de façon à faire face à ce front républicain. Ce qui contraindra les Sankariste et autres communistes à s’unir pour un front de gauche.
Tout ceci n’est qu’un rêve et un souhait pour notre démocratie. Je sais que la politique n’est pas une logique mathématique, cependant il est évident que si les acteurs politiques ne se laissaient pas mener par leur tubes digestifs et des intérêts égoïstes, l’on devrait évoluer résolument vers cette configuration. Ce qui donnerait plus de suspens et de punch aux élections et ferait de l’alternance une réalité (avec ou sans limitation de mandats).

Chaque formation politique qui viendrait au pouvoir fera tout pour mettre en œuvre le programme pour lequel elle a été élue. Les élus traiteront les citoyens avec plus d’égard et de respect. Fini l’arrogance et les mots du genre : "si vous voulez, voter pour nous, si vous voulez, ne voter pas..." " on gagne ou on gagne !!". C’est bien parce qu’il n’y a rien en face que ce genre de propos sont proférés.

Imaginons un instant : Rock Kaboréà Kossyam, Salif Diallo à la primature et Simon Compaoré au perchoir, ils voudront travailler à faire oublier leur quart de siècle de gestion du pouvoir décriée aujourd’hui. Réussiront-ils ? Quel projet de société peuvent-ils nous proposer quand on sait que les insuffisances mentionnées plus haut ne sont pas imputables au seul Blaise Compaoré ? Mais avant de pouvoir occuper le fauteuil de leur mentor, ils devront passer par la case « opposants », s’imprégner des attentes du pays réel et mesurer les effets de ce que les opposants historiques leur reprochent depuis des décennies.

Mais ne soyons pas dupes. Il est difficile de croire que les démissionnaires qui ont contribué à faire de Blaise Compaoré ce qu’il est, et qui se sont fait grâce à Blaise Compaoré, puissent lui tourner le dos au moment où il a le plus besoin d’eux. L’hypothèse d’une stratégie politicienne visant à garder le pouvoir entre amis n’est pas à exclure. Le CDP étant en perte de vitesse avec des dossiers troublants (affaires Norbert Zongo, Sénat, article 37...) il est toujours bon d’avoir un autre courant avec soi.

J’ose croire à la bonne foi de ses caciques qui jusqu’à preuve du contraire sont des "présumés opposants" si on s’en tient aux raisons qui les ont poussé à claquer la porte. Si leur combat est juste et animé de bonnes intentions, à savoir l’intérêt supérieur de la nation, ils seront rejoints par d’autres ténors qui n’ont pas encore le courage de se défaire du CDP (Yé Bongnessan, Alain Yoda, Fatou Djendjeré, Melegué Traoré...). Ces désertions doivent interpeller le CDP pour une introspection et une remise à plat de son mode de fonctionnement et ses ambitions. Cette scission peut être une occasion pour Assimi Kouanda et ses camarades et la jeune génération du CDP de démontrer que leurs ambitions sont à la hauteur de leur force.

En conclusion, notre cher Faso est à la croisée des chemins parce que nous sommes dans une phase de transition. A la veille des indépendances, nos parents ont connu les mêmes crispations, cela n’a pas faibli leur combat pour l’indépendance. Nos aînés ont mené la révolution pour une affirmation de notre identité et un éveil des consciences, cela malgré les tensions que l’on sait.

Aujourd’hui, c’est à notre tour de nous battre pour la consolidation de la démocratie, pour un encrage des libertés individuelles et de la bonne gouvernance.

Cette mission est à notre portée et nous saurons la mener à bien, si et seulement si nous ne nous trompons pas d’adversaire, qui n’est ni une personne ni une famille.

VENEGDA Kassoum
Comptable
venbikass@yaoo.fr

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