LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

Publié le lundi 29 octobre 2012 à 23h32min

PARTAGER :                          

. . . depuis les années 1989-1990, la violence entre étudiants a fait irruption à l’Université de Ouagadougou avec la floraison d’associations et de syndicats d’étudiants concurrents qui n’hésitent pas à rouler de la mécanique pour imposer leurs vues. Depuis cette époque, les débats démocratiques et les échanges d’idées contradictoires, qui caractérisaient les étudiants et le milieu estudiantin, ont commencé à s’effriter au profit de la violence, . . .

Au total, même si on peut estimer que les sanctions sont lourdes, l’attitude des étudiants, qui consiste à faire dans la surenchère pour obtenir leur levée, n’est pas pour arranger les choses. Si par ailleurs on peut comprendre que, dans le souci de vouloir sauver l’année académique, l’Etat travaille à l’apaisement, il n’est pas judicieux qu’il joue directement au médiateur.

Avec la sortie du Syndicat national autonome des enseignants-chercheurs (SYNADEC) du 17 octobre dernier rejetant par avance toute idée de révision à la baisse des sanctions infligées par le Conseil de discipline de l’Université de Koudougou à 16 étudiants jugés coupables à divers niveaux d’actes de violences et d’atteintes à l’honneur et à la dignité d’enseignants et d’étudiants, il faut dire que le gouvernement a du pain sur la planche, lui qui s’est autoproclamé et intronisé médiateur dans cette énième crise qui frappe l’Université de Koudougou. Il faut le dire, et tous le reconnaissent d’ailleurs, sauf les étudiants mis en cause, ce qui les aggrave davantage, les faits sont inacceptables et méritent sanctions.

Dans le fond comme dans la forme, il est proprement inadmissible de tolérer que des étudiants s’en prennent à leurs enseignants en usant de violences même verbales. Sur le sujet, il n’y a pas lieu de polémiquer et de prendre le risque d’ouvrir une boîte de pandore dont il ne pourrait sortir que du mauvais. En la matière, on sait comment ça commence mais nul ne peut prévoir comment ça pourrait se terminer.
Les cas des universités de Côte d’Ivoire, principalement d’Abidjan où la violence était devenue le principal outil de communication entraînant leur fermeture, sont là pour nous enseigner et nous inciter à ne rien entreprendre qui pourrait favoriser la violence dans nos universités. Cela d’autant plus qu’entre étudiants, elle est déjà en train de devenir l’argument principal quand une partie d’entre eux décide d’aller en grève.
Il est un fait que depuis les années 1989-1990, la violence entre étudiants a fait irruption à l’Université de Ouagadougou avec la floraison d’associations et de syndicats d’étudiants concurrents qui n’hésitent pas à rouler de la mécanique pour imposer leurs vues.

Depuis cette époque, les débats démocratiques et les échanges d’idées contradictoires, qui caractérisaient les étudiants et le milieu estudiantin, ont commencé à s’effriter au profit de la violence, d’abord verbale par des menaces et des pressions morales de toutes natures puis des voies de faits caractérisées à travers des piquets de grèves constitués de « loubards » qui maniaient du gourdin, jusqu’à des courses poursuites et des séances de bastonnades entre étudiants. Par la suite et pour être sûrs que leurs mouvements seraient suivis à 100%, les étudiants grévistes ont commencé à s’en prendre directement aux enseignants qui osaient donner des cours pendant leurs grèves en perturbant lesdits cours et en exerçant des pressions psychologiques contre eux.

Les Assemblées générales des étudiants, qui étaient naguère des moments de joutes verbales enflammées au cours desquelles on faisait et refaisait le monde, sont rapidement devenues des foires de surenchères, avec des pressions ouvertes et directes sur tous ceux qui prônent la raison. Même les directions des associations ont fini par être submergées par les « groupes de pression » qui n’hésitent pas à les accuser d’être « vendues » à l’Administration ou au Pouvoir lorsqu’elles préconisent la négociation ou l’arrêt des mouvements de grèves. Dans un tel contexte, la violence a vite fait de prendre le pas sur les débats démocratiques et la raison tout court.

Naturellement, les mouvements, les grèves et toutes les manifestations de revendications prennent des formes violentes et intransigeantes et sont décidés par des minorités qui les imposent à la majorité. Ainsi toutes les manifestations sont suivies à 100% quels que soient leurs initiateurs et leurs objets. Telle est la réalité du mouvement Estudiantin depuis quelques années. Le temple du savoir et de l’intellect est devenu un lieu d’intolérance où l’argument de la force prime sur la force de l’argument. Malheureusement la situation évolue de mal en pis avec à l’appui une complaisance coupable ou, à tout le moins, une indifférence incroyable de tous les autres acteurs. A commencer par les enseignants, ceux-là qui ont choisi la lourde mission de former ces jeunes et qui n’hésitent pas à solliciter leur soutien lorsqu’ils engagent des luttes syndicales pour leurs conditions de vie et de travail.

De même d’autres forces syndicales ou de la société civile n’éprouvent aucun scrupule à instrumentaliser le mouvement estudiantin pour faire « corser » leurs activités. Véritable chaire à canon du mouvement de contestation national les étudiants ont ainsi été de tous les combats et de toutes les luttes, bien souvent contre la volonté de l’immense majorité d’entre eux. Voilà comment toute la société est victime et subit à son corps défendant les conséquences directes de ce délitement du mouvement Estudiantin.

Ce qui se vit actuellement à l’Université de Koudougou ne devrait donc surprendre personne. C’est la suite logique et normale du processus en cours depuis des années et que les fuites de responsabilités, les complaisances coupables et même les instrumentalisations ont contribué à faire grandir. Quelque part, nous récoltons tous ce que nous avons semé ensemble. Mais cela ne dédouane pas pour autant les étudiants, car, ici comme ailleurs, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Voilà pourquoi il faut accorder la plus grande attention à la position du SYNADEC qui, sans nul doute, est un cri du cœur devant ce qui a fait déborder le vase.

La sévérité de la sanction, si on la juge telle, se veut certainement pédagogique dans le but de prévenir tout autre acte pouvant aller dans le sens des faits punis. Les enseignants ont choisi de mettre la barre très haute car il s’agit de leur sécurité et de leur intégrité physique. Et ils n’ont pas tort ! Devant des pouvoirs publics qui ont plus d’une fois fait la preuve, ces dernières années, des difficultés qu’ils avaient à défendre leurs agents et même à permettre aux familles de ceux-ci, dans les cas extrêmes, de faire leur deuil en punissant leurs assassins, on peut comprendre qu’ils aient choisi de se prendre en charge ! Comme des grands ! Cela d’autant plus que ce sont les mêmes pouvoirs publics qui jouent les médiateurs et qui leur demandent de mettre de l’eau dans leur vin tandis que les incriminés ne font rien pour inciter à la clémence. Si ce n’est pas un cauchemar ?!

La situation est d’autant plus incongrue que l’Etat peut difficilement promettre à ces enseignants que de tels actes ne se reproduiront plus et qu’il pourrait, le cas échéant, assurer leur sécurité et leur intégrité physique. Par ailleurs, il nous semble que l’Etat devrait normalement être du côté des enseignants tant les faits sont graves et sont symptomatiques d’une forte dégradation de la sécurité à l’Université de Koudougou. Si on en arrive à bousculer un enseignant et à échapper à de lourdes sanctions, que ne se permettra-t-on pas demain ? Si médiation il devait y avoir, elle devrait être l’affaire de toutes les forces sociales qui préconisent un apaisement. La question de la pertinence-même de la médiation se pose, puisque les étudiants ont plutôt opté pour le bras-de-fer avec le corps enseignant au lieu de solliciter des négociations pour alléger voire supprimer les sanctions contre leurs camarades. Cela voudrait dire qu’ils ne sont pas dans une dynamique de reconnaissance de leurs fautes et qu’ils s’estiment dans leur bon droit, ce qui est en soi très problématique et parfaitement inacceptable.

Au total, même si on peut estimer que les sanctions sont lourdes, l’attitude des étudiants, qui consiste à faire dans la surenchère pour obtenir leur levée, n’est pas pour arranger les choses. Si par ailleurs on peut comprendre que, dans le souci de vouloir sauver l’année académique, l’Etat travaille à l’apaisement, il n’est pas judicieux qu’il joue directement au médiateur. Sa place est auprès des enseignants, c’est-à-dire de la légalité ; même s’il est pour l’apaisement !r !

Cheick Ahmed (ilingani2000@yahoo.fr)

L’Opinion

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 30 octobre 2012 à 08:35 En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    parfaitement d’accord avec vous cheick. belle analyse. l’état n’a pas à négocier. il revient aux 16 délinquants de négocier en reconnaissant leur délinquance et en s’en repentant. autrement, on donnera une licence à la force et à la violence.

  • Le 30 octobre 2012 à 09:44, par eltog28 En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    Bien vu mais vous semblez oublier un détail : les conditions de vie et d’étude des étudiant qui se sont dégradées de 90 à nos jours. Donc soyez pas étonnés que la force des arguments laisse la place à l’argument de la force.

  • Le 30 octobre 2012 à 09:46, par soultouka@yahoo.fr En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    Bonne analyse Cheik, ces étudiants sont des délinquants qu’il faut chasser de nos universités. Je pense que si les étudiants persistent à ne pas reprendre les cours, la solution est très simple : Invalider l’année. C’est ce que j’ai vecu en 1999. Camarades, soyez réalistes et acceptez les choses. Vous allez prendre conscience mais il sera trop tard. Demandez à nous autres qui avons lutté en 1999 avec l’ANEB. Chacun est maître de son avenir.

  • Le 30 octobre 2012 à 12:12, par Jocko En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    Pour ce qui est des étudiants de l’UK sanctionnés, ce sont des étudiants, c’est à dire des enfants en formation, et dans toute bonne formation, il y a des sanctions pour entorses aux exigence de la formation..il faudriat donc peut-être épargner les éventuels étudiants sanctionnés qui étaient absents des lieux au moment des faits (à condition qu’ils ne soient auteurs ou instigateurs de certains faits avant d’être absents), et maintenir les sanctions à l’encontres des sanctionnés qui méritent ces sanctions.
    Je crois que l’Etat doit impérieusement prendre des dispositions pour assuerer la sécurité des enseignants et l’effectivité des cours au profit de la majorité des étudiants qui veulent étudier et empêcher la minorité d’étudiants de perturber les cours. ces derniers parlent de non respect des franchises universitaires...Mais c’est eux-mêment qui provoquent cette situation en instaurant la violence et l’insécurité dans les universités parce que la plupart d’entre eux sont des nullards et ne veulent pas étudier.
    Je crois également que dans l’optique de couper court aux arguments avancés par ces faux étudiants fauteurs de troubles, il serait judicieux que l’Etat élabore, adopte et diffuse auprès des universités, un programme pluriannuel d’amélioration des conditions de travail et de vie des étudiants (constructions de cités d’hébergement, d’anphithéâtres, de laboratoires équipés, amélioration de la restauration etc...) et réalise effectivement ce programme dans les délais prévus

  • Le 30 octobre 2012 à 14:14, par mackiavel En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    Cheick n’ a pas été au bout se son analyse. Cette violence est arrivée sur nos campus dans les années 90 avec des vagues de jeunes élevés à la méthode FEECI. (Fedération des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire). Il faut chercher les causes d’un mal avant de proposer le remède au risque de ne s’attaquer qu’aux manifestations.

  • Le 30 octobre 2012 à 15:12, par sacko En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    il ne faut pas se cantonner sur les mots d’une seule personne en l’occurence Mr Segda pour juger. Si vous lisez pluto la declaration de l’enseignant suposé malmené dans ces journaux vous comprendrez la raison que les etudiants ont de ne pas accepter ce verdict. (Eveil-Education n° 210 du 20 septembre au 04 octobre 2012, P. 8 ; Radio Notre Dame de la Réconciliation du 6 octobre 2012 et L’Observateur Paalga n° 8235 du 17 octobre 2012).

  • Le 30 octobre 2012 à 16:08, par Nefer En réponse à : Que va-t-il chercher dans cette galère … l’Etat ?

    Tout à fait d’accord. Analyse pertinente. Sauvons ensemble la morale dans nos universités, car quelque soit la noble cause défendue par ces étudiants à l’origine, ils ce sont laissés débordés par un esprit malsain, mesquin et amorale car penser que l’on peut tout obtenir par la violence et pire dans le temple du savoir, c’est renier toutes les valeurs académiques et donc sociales. L’école étant la source principale de nos valeurs d’aujourd’hui.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique