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Sommet des pays non-alignés : Une appellation mal à propos, aujourd’hui, selon un enseignant

Publié le mercredi 19 septembre 2012 à 22h56min

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Sommet des pays non-alignés : Une appellation mal à propos, aujourd’hui, selon un enseignant

A la faveur du XVIe sommet des pays non-alignés qui s’est déroulé les 29 et 30 août 2012 à Téhéran, en Iran, un professeur d’histoire-géographie, Adama Coulibaly revient, dans cet écrit, sur la genèse du Mouvement des non-alignés. In fine, il estime que cette dénomination n’est plus appropriée et propose à la place, "G 120" pour désigner le Groupe des 120 pays "en voie de développement...".

Le 31 août 2012 le XVlème sommet des pays non-alignés a clos ses travaux à Téhéran, capitale de la république islamique d’Iran. Ce sommet qui s’est déroulé du 29 au 30 août a regroupé près de 120. pays dont 53 africains et avait pour thème : "Paix durable pour une gouvernance mondiale concertée". A travers cet écrit, notre objectif n’est pas de revenir sur les conclusions de ce sommet mais de se demander si le terme non-aligné signifie encore quelque chose aujourd’hui ?

Nous voulons par cet exposé apporter notre modeste contribution à la connaissance de l’histoire de cette organisation et tenter d’apporter une réponse à cette question. Nous espérons que ce travail pourra éclairer la jeune génération qui n’a pas connu la période de la guerre froide ou qui ne l’a pas assez connue.
Notre réflexion va s’articuler autour des points suivants :
1- La création des blocs après la deuxième guerre mondiale 11- La naissance du tiers monde
III- La disparition des blocs en 1991
IV-Le concept de non-alignés en 2012
1 - La naissance des blocs après la deuxième guerre mondiale
De 1947 à la fin des années 1980, le monde est divisé en deux camps diamétralement opposés : l’un dirigé par les Etats-Unis d’Amérique (USA) et l’autre par l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).
En effet la grande alliance des USA, de l’URSS, de la France et du Royaume-Uni contre l’Allemagne nazie ne survit pas après la victoire de 1945. Les Etats-Unis souhaitent un retour à la démocratie dans les pays occupés par l’Allemagne. De son côté, l’URSS vise au-delà de la victoire, l’extension du communisme en Europe en s’appuyant sur la présence de l’armée rouge et sur le rôle important des communistes dans les pays libérés à l’Est et à l’Ouest. Staline, le président de l’URSS, se dit menacé par la bombe atomique américaine qui a détruit Hiroshima et Nagasaki en août 1945.
Finalement entre 1945 et 1947, l’Europe se trouve progressivement divisée en 2 dans le sens Nord/Sud depuis la mer Baltique jusqu’à la mer Adriatique. L’URSS favorise alors l’installation de gouvernements communistes qui se trouvent à l’Est de cette ligne. Un monde bipolaire est en train de se mettre en place. C’est la rupture entre les vainqueurs d’hier. En 1947, les Etats-Unis cherchent par une politique d’endiguement à freiner l’expansion du communisme soviétique et à soutenir économiquement les Etats qui résistent au communisme par le plan Marshall pour leur reconstruction.

C’est la doctrine Truman du nom du président américain élu le 12 Avril 1945 suite à la mort du président Roosevelt. L’URSS et ses nouveaux. satellites refusent le plan Marshall et créent le Kominform, bureau communiste d’information chargé de coordonner l’action des partis communistes européens. Cette tâche est confiée à André Jdanov qui dans sa doctrine affirme en septembre 1947 "au fur et à mesure que nous nous éloignons de la fin de la guerre, deux camps s’affirment : le camp impérialiste et antidémocratique et le camp antiimpérialiste et démocratique" pour André Jdanov, les Etats-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. Ils sont soutenus par l’Angleterre, la France, et tous les Etats possesseurs de colonies tels que la Belgique et les Pays-Bas, des pays au régime réactionnaire tels la Russie et la Grèce et des pays dépendant des Etats-Unis tels que l’Amérique du Sud et la Chine.

Il poursuit s’agissant des pays socialistes : "les forces antiimpérialistes et antifascistes forment l’autre camp : l’URSS et les pays de démocratie nouvelle tels que la Roumanie et la Hongrie". C’est une guerre froide qui oppose désormais les Américains et les Soviétiques. L’Allemagne est le premier enjeu. Deux Etats sont créés en 1949, la République Fédérale d’Allemagne(RFA) par le bloc occidental et la République Démocratique Allemande (RDA) sous la tutelle de l’URSS. Mais quelque part un troisième bloc est entrain de se mettre en place.

II - La naissance du tiers monde

Après la naissance des blocs de l’Ouest et de l’Est, un autre bloc tente de voir le jour afin de se démarquer des deux grands à savoir Washington et Moscou.

En 1955, une conférence afro-asiatique réunit à Bandoeng en Indonésie les dirigeants des peuples colonisés et de la Chine communiste .Ils définissent une nouvelle attitude face aux deux grands, une troisième voie neutre connue sous le nom de non -alignés. Ils refusent de s’aligner économiquement, politiquement et idéologiquement derrière les Etats-Unis et l’URSS.’ Ce nouveau bloc politique qualifié de tiers monde, regroupant l’ensemble des pays pauvres d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, dénonce le colonialisme et exige la décolonisation de l’Afrique. Voici ci-dessous le communiqué final de la conférence de Bandoeng le 28 avril 1955.

La conférence :
1. Déclare que le colonialisme est un mal auquel il doit être mis fin rapidement ;
2. Déclare que la question des peuples soumis à la domination de l’étranger et à son exploitation est une négation des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations unies et empêchent la paix et la coopération mondiale ;

3. Appuie la cause de la liberté et de l’indépendance de ces peuples ;

4. La conférence afro-asiatique déplore la politique et les pratiques de ségrégation et de discrimination raciales qui forment la base du système politique et des rapports humains dans de vastes régions d’Afrique. Considérant la situation instable en Afrique du Nord et le refus persistant d’accorder aux peuples d’Afrique du Nord leur droit à disposer d’eux-mêmes, la conférence afro-asiatique appuie les droits des peuples d’Algérie, du Maroc et dé la Tunisie à disposer d’eux-mêmes et à être indépendants.

La conférence de Bandoeng a été une belle opportunité pour les pays pauvres sous tutelle coloniale. A la clôture de la conférence, Nehru, premier ministre de l’Inde de 1947 à 1964, l’un des promoteurs du neutralisme avec le colonel Nasser(Egypte) et le maréchal Tito (Yougoslavie) parlant de la conférence disait ceci : "Ce qui est important c’est qu’elle a eu lieu".C’était vraiment la toute première fois que ces peuples se retrouvaient pour discuter sur le sort qui leur est réservé dans le concert des nations.

III - La disparition des blocs en 1991

Au début des années 1980 l’économie mondiale vacille. La situation est plus difficile en Union Soviétique où le niveau de vie stagne et la mortalité augmente. C’est dans cette atmosphère de crise que Mikhaël Gorbatchev arrive au pouvoir . Il lance des réformes indispensables à la survie du communisme ; c’est la Perestroïka qui signifie restructuration. Elle a pour but de créer des coopératives, de rendre la terre aux paysans...de libérer les prix, d’abolir la censure et de faire évoluer, URSS vers plus de démocratie tout en maintenant le communisme au pouvoir. Ces réformes mal comprises, provoquent l’effondrement de la production.

La population, touchée par le chômage et l’inflation, critique de plus en plus Gorbatchev. La Perestroïka ne suffit pas à démocratiser l’URSS, ni à relancer l’économie soviétique. La contestation maintenant autorisée, remet en cause le communisme à l’intérieur de l’empire soviétique. En Pologne, le syndicat solidarité contraint le pouvoir communiste à négocier. Des élections libres sont organisées en juin 1989 et en 1990 le leader syndicaliste Lech Walesa est élu président de la République.

Cette victoire traduit aussi la perte de la puissance de l’Union soviétique qui n’a plus les moyens d’imposer son idéologie et sa primauté.

Aussi, la chute du mur de Berlin, en décembre 1989, entraînant la réunification des deux Allemagne en avril 1990 fait tomber une "barrière physique" entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est.
Au fur et à mesure que Gorbatchev connaît des problèmes intérieurs, les Etats-Unis s’imposent comme seule superpuissance .En 1990, les armées irakiennes de Saddam Hussein envahissent le Koweït dont il convoite le pétrole. Début 1991, sous le drapeau de l’Organisation des Nations unies (ONU), les Etats-Unis prennent la tête d’une force multinationale qui rassemble plusieurs dizaines de pays. L’Irak est vaincu en quelques jours.

Désormais, les Américains apparaissent comme l’unique superpuissance du globe .En décembre 1991, l’URSS disparaît officiellement pour donner naissance à une Communauté d’Etats Indépendants (CEI) autour de la fédération de la Russie. La dislocation de l’Union Soviétique réveille les nationalismes dans toutes les républiques autrefois soumises à l’idéologie communiste propagée par Moscou .C’est la fin du monde bipolaire.

IV - Le concept de non -aligné en 2012

Comme nous l’avons signifié dans les lignes précédentes, le terme "non -aligné" est né dans un contexte de guerre froide entre les USA et l’URSS au sortir de la deuxième guerre mondiale. Mais il difficile de faire comprendre à une certaine opinion que le non-alignement est toujours à l’ordre du
jour. Et pour cause les raisons qui ont milité en faveur de la création du mouvement ont disparu depuis 1991. Les deux blocs antagonistes, les USA et l’URSS derrière lesquels les pays non-alignés ne voulaient pas s’aligner ne forment plus qu’un seul, le monde planétaire. D’ailleurs tous ces pays dits aujourd’hui non -alignés sont dans une moindre mesure alignés derrière la mondialisation.

Toutefois, ce qui est important pour ces pays qui se sont retrouvés à Téhéran, c’est que comme en 1955 à Bandoeng, ils ont pour dénominateur commun : la pauvreté, la famine, le chômage, l’endettement, les guerres etc....
Ces types de rencontres sont des cadres de mise en commun des résultats d’analyse des problèmes et de propositions de solutions face aux défis actuels..

C’est pourquoi, au lieu de sommet des pays non-alignés qui ne semble pas collé à la réalité du moment nous proposons par exemple : sommet du G120, sommet des pays "en voie du développement", sommet des pays pauvres etc.

Conclusion

Le sommet des pays non-alignés qui vient de s’achever à Téhéran a permis aux pays pauvres de se rencontrer et d’échanger sur les préoccupations qui empêchent leur décollage économique et social .Il a permis aussi de dire aux pays riches regroupés au sein du G8 et du G20 que les pays sans voix ont un cadre de plus pour se faire entendre.

Le sommet du G 120 doit se réunir de manière plus rapprochée dans le temps (chaque 2 ans par exemple) et non attendre 3 ans si l’on se réfère au sommet de 2009 qui a eu lieu en Egypte.
Bon vent au G 120 !

Adama Coulibaly
Professeur d’histoire-géographie, Chargé de mission au Secrétariat Permanent des réformes politiques/Ouagadougou.
Email : cool_addams@yahoo.fr

BIBLIOGRAPHIE
. Géographie terminale : Le monde contemporain, 3ème fascicule :
L’Asie, l’Amérique Latine et le Sous-développement. Bordas Paris 1980 P .120-126
. Histoire- géographie 3ème : Le monde d’aujourd’hui. Sous la direction de Christian
BOUVET et Jean Michel LAMBIN. Hachette livre 1999
. Histoire-géographie terminale : BAC PRO de Jaques BODINEAU, Frédéric
CHAUVAUD, Bruno JANNIN, Jacqueline KERMAREC, Joël MICHELIN .Edition
Foucher Paris 1997.

. Journal le pays n° 5187 du Lundi 03 Septembre 2012, P.3
. Dictionnaire le Petit Larousse 2009

Sidwaya

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