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Ghana : John Atta Mills n’est pas mort

Publié le dimanche 12 août 2012 à 23h19min

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A Accra, John Evans Atta Mills repose désormais, au bord de l’océan, dans le jardin présidentiel, sa dernière demeure, où il a été inhumé ce 10 août 2012, devant des milliers de ses compatriotes, un parterre de personnalités dont une dizaine de ses pairs africains et dans la pure et ancienne tradition africaine ; qui veut qu’on honore les défunts, notamment ceux qui ont su meubler utilement leur passage sur terre. En cela, John Atta Mills n’a visiblement pas grand-chose à envier à ses devanciers chefs d’Etat africains dans l’au-delà.

On peut même avancer qu’il est parmi les mieux lotis si l’on devrait évaluer l’importance des obsèques des défunts présidents du continent au prorata des années passées au pouvoir. Avec un peu moins de quatre ans à la tête du Ghana, il a pris fonctions le 7 janvier 2009 et est mort le 24 juillet 2012 à l’âge de 68 ans, pas moins de 53 pays ont été représentés à ses funérailles. Même son idole nationale, Dr Kuamé N’Krumah, l’« Osagyefo » (le Rédempteur), malgré son statut de père de l’indépendance de l’ex-Gold Coast et de grand panafricain n’a pas eu cette chance de recevoir autant d’honneurs à sa disparition, lui qui est mort loin de sa terre natale à Bucarest, en Roumanie, le 27 avril 1972.

De la vie de John Evans Atta Mills, l’on peut retenir, essentiellement. Qu’il est né le 21 juillet 1944 à Tarkwa (Côte-de-l’Or). Il a étudié et a été titulaire d’un diplôme en droit de l’Université du Ghana, d’un doctorat en études orientales et africaines de l’Université de Londres. John Evans a ensuite enseigné le droit à l’Université Standford, puis à l’Université du Ghana. Sur le plan politique, c’est en 1988 que le Professeur Mills a été nommé au poste de commissionnaire de l’administration fiscale où il fera ses preuves d’homme incorruptible et intègre. Membre du Congrès démocratique national, il sera élu vice-président de la République du Ghana, charge qu’il va assumer du 7 janvier 1997 au 7 janvier 2001 aux côtés de son ancien mentor, le président John Jerry Rawlings.

Il est par la suite battu par deux fois aux élections présidentielles par son prédécesseur, John Kufuor, respectivement en 2000 et en 2004, avant qu’il ne soit finalement élu président lors du scrutin du 28 décembre 2008. Il prend ses fonctions de président de la République le 7 janvier 2009 avec son successeur actuel, John Dramani Mahama, comme vice-président. Devenu président du Ghana, le natif de Tarkwa ne va guère se démarquer de ses qualités de démocrate, d’homme intègre, de tolérance et de paix. Son parcours politique en lui-même et ses multiples actions louables à la tête du Ghana (Réhabilitation de la mémoire de N’Krumah, relatif développement socioéconomique, etc.)
en disent suffisamment sur sa stature d’homme d’Etat persévérant et dévoué au service de ses compatriotes.

Par son exemple, John Atta Mills, de son vivant, a montré, contrairement à l’imaginaire populaire, qu’on pouvait aussi à force de constance dans ses convictions, réussir en politique sur le continent. Pour peu que l’on laisse au peuple le temps de choisir le moment du sacre présidentiel. Tout dans la conquête du pouvoir d’Etat sous nos tropiques ne se résume pas forcément à la roublardise ou au charisme du leader politique. Le charisme érigé en dogme chez certains pour prétendre à la charge suprême a montré, dans bien des cas, ses limites. Avec généralement ses fâcheux cortèges de dérives autoritaires qui finissent le plus souvent par retourner les peuples contre les auteurs.

Apparemment, pour avoir bien compris cela, Mills dans sa quête du pouvoir suprême a d’abord accepté de prendre tout le temps qu’il lui fallait pour y arriver et s’est ensuite bien gardé pendant sa présidence, de céder aux sirènes du pouvoir absolu. Ce qui ne l’a pourtant pas empêché de rester fermement attaché à la lutte contre la corruption dans son pays. En guise de reconnaissances pour ces qualités d’homme d’Etat intègre, les Ghanéens ne lui ont manifestement pas marchandé leurs reconnaissances. Ils sont sortis très nombreux, par dizaines de milliers pour l’accompagner à sa dernière demeure.

La région ouest-africaine dont fait partie le Ghana, l’Afrique et la communauté internationale ne sont pas en reste, elles qui ont aussi fait le déplacement de la capitale ghanéenne pour saluer la mémoire et témoigner, pour certains représentants de ces ensembles, de vive voix leurs reconnaissances au président Mills ; lui qui, après la prise de ses fonctions, avait d’ailleurs eu l’immense honneur de recevoir en 2009 à Accra le président Barack Obama pour sa première visite officielle en Afrique subsaharienne. « Le président John Atta-Mills était un ami de la Côte d’Ivoire, un ami personnel, avec qui nous avions des relations très étroites, des contacts téléphoniques fréquents. Il a joué un rôle important au niveau de la période de crise électorale et de la période postélectorale.

Il nous a accompagné, il a essayé de tranquilliser les choses, il s’est impliqué. Beaucoup de nos compatriotes étaient au Ghana, il nous a tenu informé de ce qu’il pouvait faire pour maintenir la tranquillité entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. C’est une très grande perte, bien sûr, pour le Ghana et la Côte d’Ivoire, pour la Cedeao, et pour le continent africain. C’était un homme d’Etat apprécié de manière universelle », a indiqué le président ivoirien et président en exercice de la CEDEAO, Alassane Dramane, à son retour à Abidjan. C’est dire qu’au-delà de ses défauts d’humain, imparfait par nature, John Atta Mills, probablement, a été, est, et restera un digne fils du Ghana, de l’Afrique.

Pour tout ce qu’il a fait pour son pays, pour le précieux héritage de paix, de démocratie et de progrès qu’il a donné à son peuple, pour le message de paix qu’il a laissé à l’Afrique, l’on ne dira pas qu’il est mort. Comme les fidèles croyants, l’on dira pudiquement que le Tout-puissant l’a rappelé à lui ; ou tout simplement, John Atta Mills n’est pas mort, pour paraphraser le célèbre écrivain sénégalais, Birago Diop qui a dit dans sa poésie : ‘’Les morts ne sont pas morts (…) Ceux qui sont morts ne sont jamais partis’’. Et Atta Mills sera toujours présent, que ce soit par ce qu’il a fait pour les vivants ou par l’héritage qu’il leur laisse ou encore par ce que les vivants, notamment les Ghanéens, feront pour perpétuer sa mémoire de grand démocrate, d’homme d’Etat intègre.

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 13 août 2012 à 11:15, par Conscience du Faso En réponse à : Ghana : John Atta Mills n’est pas mort

    Effectivement ! John Evans Atta Mills n’est pas mort. De même que le Président du Faso Thomas Sankara. Juste 4 ans ou moins, ces deux présidents ont fait et voilà que tout le monde entier les pleure à jamais. Comme quoi, on a besoin de faire 10 ans, 15, 20, 25 ou 30 ans au pouvoir pour être apprécié de tous. Au contraire, il y en a, après avoir fait plus de 10 ans au pouvoir, à leur mort, beaucoup vont sauter le champagne et crier un ouf de soulagement. On peut faire peu et bien. John Atta Mills et Thom Sank ne sont pas morts.

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