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IL FAUT LE DIRE : Sans mémoire, toute administration publique est sans âme

Publié le mercredi 4 juillet 2012 à 00h34min

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Avenue de l’Indépendance de Bobo-Dioulasso : un fonctionnaire des impôts se livre à une tâche pour le moins inhabituelle. Il surveille étroitement un lot de documents trempés et exposés sous les rayons du soleil à l’entrée d’une division fiscale, histoire de récupérer ce qui peut l’être encore. En face de lui, des enfants qui entendent profiter du moindre moment d’inattention pour dérober ce qui leur semble être des gadgets. Cette scène assez insolite pour l’étranger est pourtant des plus banales dans certains de nos services de l’administration publique. A la vue des documents essentiels traînés par négligence, ou laissés à la merci des intempéries, c’est à se demander si leur gestion n’est pas le dernier des soucis des premiers responsables.

On ne parle même pas d’archivage dont l’enjeu est de taille du fait qu’il s’agit d’assurer la conservation de façon pérenne et fiable, de documents échus, dans le but de pouvoir à tout moment restituer l’information à des fins de preuves ou en cas de contentieux par exemple. Il est plutôt question ici de documents d’usage courant qui ont besoin d’être mis en sécurité et être immédiatement disponibles pour les usagers. Mais la situation est déconcertante dans la ville de Sya. Déjà en 2008, la plupart des services publics avaient été pillés et vidés de tous leurs papiers. Tels des déchets ordinaires, le reste a été purement et simplement entassé dans des couloirs, comme on peut le voir dans certaines mairies.

Bien évidemment, la conséquence de ce qui n’est rien moins qu’un désordre organisationnel voire institutionnel, se fait sentir parmi la population. Malheur à qui viendrait à demander une pièce d’état civil par exemple, dont la demande avait été introduite avant les manifestations contre la vie chère de 2008 ou les inondations de 2010. Il n’y a aucune trace ! On peut admettre que certains agents n’aient pas été formés pour constituer et gérer la mémoire du service public dont ils sont responsables, mais cela ne les dispensent pas pour autant de la responsabilité d’assurer un minimum de traçabilité aux documents qu’ils reçoivent ou qu’ils émettent.

Cela relève du bon sens. Ces mêmes agents, comme c’est le cas dans les services d’état civil de la mairie de Bobo-Dioulasso, tentent même de tirer profit du désordre. L’usager désirant se faire établir des copies d’extraits d’acte de naissance est généralement « conseillé » de laisser 1000 ou 2000 F CFA à celui qui est chargé de fouiller les archives pour retrouver l’original. L’informatisation de l’état civil de la municipalité, entamée en 2010 avec l’aide de la coopération décentralisée, attendra encore tant que la situation de désordre actuel continuera d’être monnayée. Le cas de la ville de Sya n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres.

En effet, combien d’usagers ont été confrontés à des pertes ou disparition de dossiers dans les méandres d’un ministère ? Combien d’agents sont tombés par un grand hasard quelque part dans un couloir, sur des documents personnels et confidentiels les concernant, comme par exemple un bulletin de salaire ou un acte administratif ? Ne soyez surtout pas surpris qu’un proche de bonne volonté vous rapporte votre feuille de paie qu’il n’a pas voulu laisser traîner plus longtemps quelque part ! Il est encore difficile de se faire une idée de l’ampleur des documents précieux ayant été détruits suite aux graves inondations du 1er septembre 2009 à Ouagadougou, et à l’intérieur du pays par les actes de vandalisme enregistrés durant la crise sociale du premier semestre de 2011.

A part la cinémathèque africaine qui a fait l’objet d’un peu d’égards, la priorité, somme toute légitime des autorités, était ailleurs. Le Burkina Faso, pionnier dans l’adoption d’un plan national de bonne gouvernance en 1998 doit s’atteler à consolider ses assises : la construction d’une administration publique efficace disposant d’une mémoire disponible et permanemment accessible. Pour l’instant, les services de documentation font figure de parents pauvres dans cette administration. Peut-être que les différents responsables ont encore besoin de savoir la durée pendant laquelle un document est d’intérêt administratif, historique ou juridique. Pour notre part, nous estimons que tout ce qui contient une information, une indication ou un témoignage sur un fait est toujours d’importance.

Et les différentes pièces administratives reçues ou émises par les services publics sont chargées d’informations qu’il faut savoir conserver et gérer comme il se doit. Par delà les services de documentation, les pouvoirs publics ont organisé en 1979 les Archives nationales ouvertes au public, et fait obligation à toute structure publique de verser ses documents une fois échue la durée d’utilité administrative, pour les besoins de la recherche historique dans ce lieu de conservation.
La mémoire dans nos sociétés est un devoir pour chaque citoyen, car l’oubli est source de danger, les mêmes erreurs pouvant se répéter. Rien que pour ça, la nécessité de revoir la conservation et la gestion des documents publics s’impose d’elle-même.

Mahamadi TIEGNA (camerlingue78@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 5 juillet 2012 à 10:46 En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Sans mémoire, toute administration publique est sans âme

    votre article est très lourd à lire, vous pouviez faire une synthèse pour faciliter la lecture. Sinon le sujet est réellement ce qui se passe dans les administrations. Il faut ajouter le manque de secret professionnel ce qui fait que l’État n’est plus respecté puisque chacun connais tout.

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