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Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

Publié le lundi 25 juin 2012 à 00h33min

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Casse-tête pour le gouvernement, dépit et colère des bénéficiaires et usagers du service public. Trouver aujourd’hui un marché public bien exécuté dans les normes techniques et financières et dans les délais dans notre pays, est aussi difficile qu’arracher une touffe de cheveux sur un crâne dégarni. Dès sa prise de fonction en avril 2011, le Premier ministre burkinabè, Luc Adolphe Tiao, préoccupé par le règlement de la crise sociopolitique , s’est aussi très vite transformé en contrôleur de chantiers du Bâtiments et travaux publics (BTP). Dans ce "secteur juteux" des marchés publics, l’Etat se fait de plus en plus duper par de petits malins prêts à tout.

Beyon Luc Adolphe Tiao a ainsi parcouru presque tout le Burkina Faso pour constater de visu l’exécution des chantiers publics et l’état des chantiers exécutés dans le cadre des marchés publics. Les constats n’ont pas toujours été reluisants. L’exécution de beaucoup de chantiers laisse à désirer : longs retards d’exécution, mauvaises exécutions, abandons de chantiers, contrôles défaillants, incapacités techniques, lourdeurs administratives, etc. Nul ne peut oublier les saignées de colère du Premier ministre sur le chantier de l’aéroport de Ouagadougou ou sur celui du Palais de la Culture de Bobo- Dioulasso.

Dernièrement encore, c’est à Bassinko, lors du lancement de la construction de 1500 logements que M. Tiao mettait en garde les attributaires du marché : « Nous ne voulons plus de marchés bâclés ».
Mais comment se fait-il que l’ivraie ait pris le dessus sur la bonne graine ? Cette question mérite d’être posée, tellement aujourd’hui les marchés publics préoccupent l’Etat, dirigeants des entreprises publiques, élus, maires gestionnaires de collectivités locales et territoriales, Exécutif et même nous, simples citoyens usagers ou bénéficiaires des services publics. Quelle parade trouver pour que l’Etat, ses services ou les entreprises publiques ne soient pas là à réparer chaque année les mêmes pannes de véhicules, à changer les mêmes climatiseurs, à boucher les fissures des murs des bâtiments à peine réceptionnés, à coller et recoller les mêmes toits qui coulent dès la saison des pluies venue ? Que faire pour que les encres qu’on vous livre pour l’impression de vos documents soient de bonne qualité et non du charbon de bois moulu ou de la peinture qui, loin de répondre à un besoin, bousillent des imprimantes acquis à coût de millions de francs CFA ?

Comment faire en sorte que les maigres ressources du pays –souvent des prêts- servent à construire des écoles, des hôpitaux, des ponts, des barrages, des routes, bref de grands ouvrages durables qui serviront les générations à venir et non des châteaux de sable ? Comment faire en sorte que les marchés publics soient des solutions durables, définitives et non sources de problèmes ou de difficultés multiples et multiformes ?

Comment faire simplement pour qu’à chaque fois, l’on ne soit pas là à injecter encore de l’argent pour refaire les mêmes routes, les mêmes ponts, reconstruire les mêmes bas-fonds et barrages ?
« Faire du secteur privé le moteur de la croissance » est devenu depuis quelques années une religion pour le gouvernement burkinabè encouragé en cela par ses partenaires privés internes et externes.
Et tout est mis en œuvre pour donner au privé les moyens de participer ou de prendre en charge la construction du pays. L’Etat a réussi le pari de l’ouverture des marchés publics afin de garantir le libre accès à tous. Le principe de l’égalité des chances est désormais une réalité.
Les recommandations des rencontres gouvernement-secteur privé ont permis d’améliorer considérablement le secteur des marchés publics au Burkina Faso, de l’avis même des acteurs.

Cette bonne disposition de l’Etat à faire du secteur privé le moteur de la croissance et du développement durable, a malheureusement aussi occasionné l’apparition d’un nouveau type d’entrepreneurs, d’agents du secteur privé qui semblent les plus nombreux. C’est ainsi que l’on voit des tailleurs soumissionner pour des marchés de construction de routes, de barrages ou d’écoles, des analphabètes, semi-alphabétisés postuler pour des marchés d’études, de ceci ou de cela, des piétons voulant décrocher des marchés d’acquisition de véhicules, etc. Avec le même numéro IFU, on s’engage sur plusieurs chantiers ! On postule pour les fournitures de bureau, mais aussi on veut arracher le marché de fourniture de matériels médicaux aux hôpitaux, on dépose ses dossiers pour construire des puits, des pistes rurales, des écoles. Sur ce dossier des marchés publics en tous les cas, l’Etat semble avoir joué sa partition mais en face…Rien ou presque.

La balle se trouve dans le camp du secteur privé. A lui de s’organiser pour mériter la confiance du gouvernement et de ses partenaires. A lui de tout mettre en œuvre pour que le gouvernement ne dise pas un jour, qu’il a eu tort de lui faire confiance. Les bailleurs de fonds, sont très regardants sur l’utilisation faite de leur argent. Cela pourrait justifier les coups de gueule du Premier ministre suite à des défaillances constatées dans l’exécution des marchés. Parce que la mauvaise exécution des marchés publics coûte beaucoup d’argent au contribuable et remet gravement le développement du pays en cause. Que le secteur privé ne nous parle pas de la corruption des agents publics.

C’est aujourd’hui un argument très faible. Tout le système de lutte anti-corruption aussi bien au niveau de la société civile que gouvernementale existe pour qu’un entrepreneur ne soit plus arnaqué par un fonctionnaire . Aujourd’hui, la moralisation de la vie publique fait que chaque agent public pris dans une quelconque indélicatesse est sanctionné à la hauteur de son forfait. Au privé de jouer sa partition, de faire en sorte que le partenariat public-privé soit un vrai tandem et non un marché de dupes. Et cela passe par la sensibilisation et la formation des acteurs du privé. Les marchés publics ne doivent pas être perçus comme une occasion de se remplir les poches en se contentant de faire de l’approximatif ou de l’à-peu-près parce que « c’est l’Etat ».

Les marchés publics ne sont pas une sorte de caverne d’Ali Baba où on vient puiser sans contre partie, de quoi se construire un autre duplex, s’acheter un véhicule de rêve, se payer des voyages de noces…Non. C’est plutôt un engagement vis-à-vis d’une institution ou de l’administration publique, un engagement vis-à-vis d’un pays, d’un peuple.

Il s’agit de se montrer digne et fier de participer ou d
e contribuer à la construction du pays et non de se prendre pour plus malin que les autres en posant des actes délictueux.
Face à la situation actuelle, il est impératif que l’Etat, le principal perdant se dote d’un meilleur arsenal juridique pour se protéger des marchands d’illusions. En effet, la plupart de ces travers observés dans l’exécution des marchés publics restent presque impunis ou le sont très faiblement. En guise de punition pour un marché mal fait ou non exécuté, la seule sanction est la suspension du fautif ou son interdiction de participer aux appels d’offres pendant quelques temps.

Cela n’est pas assez dissuasif. D’ailleurs, la faiblesse des textes fait que les dispositions règlementaires sont vite contournées par ces individus qui ont plus d’un tour dans leur sac. Capables d’une véritable ébauche d’énergie pour enfreindre les textes, ils se contentent du strict minimum quand il s’agit de bien faire, ce pour quoi ils se sont librement engagés. Suspends-les aujourd’hui, demain, ils reviennent postuler pour un autre marché en changeant simplement la dénomination de leur entreprise, souvent avec le même numéro d’immatriculation au registre du commerce ou des marchés publics.

Heureusement qu’à côté de ces usurpateurs du titre d’opérateur économique ou d’entrepreneur qui se baladent dans nos villes avec leur entreprise dans des sacs délavés, il y en a qui font consciencieusement leur travail. Oui, malgré les chantiers mal exécutés, les fausses fournitures de bureau, il y a des acteurs du privé très professionnels. La preuve, on a vu encore le même Luc Adolphe Tiao féliciter et encourager les entreprises qui font du bon travail.
Oui, il existe des entrepreneurs qui font l’exception. Bien que n’étant pas les plus nombreux, ces derniers se caractérisent par le sens du devoir et du travail bien fait, la conscience professionnelle, le respect du bien public, l’amour du pays… Ils sont Droits, Réglos et Honnêtes (DRH). Ceux-ci constituent une espèce très rare. C’est donc une espèce à protéger et à promouvoir à tout prix dans l’intérêt du pays.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 25 juin 2012 à 07:51, par La Vérité Libère En réponse à : Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

    Très bel article, ce qui ressort dans cet écrit est tout à fait juste. Espérons que cela ouvrira les yeux de certaines autorité, car la vraie justice, c’est la juste répartition des richesses d’un pays.La difference entre un pays developpé et un un pays sous-développé,ou emergeant se trouve simplement dans leur manière de passer les marchés. A ce propos j’aurais souhaité monsieur le journaliste que vous mettiez l’accent sur le secteur minier.
    Sachez-le peuple burkinabé, des fonctionnaires honnêtes et compétents ont été injustement enlevé de leur poste, des citoyens honnêtes ont été extorqué par des fonctionnaires malhonnêtes, des commerçants honnêtes ont fermé boutique tandis que des commerçants véreux prospèrent impunément, des entrepreneurs honnêtes sont déçus d’avoir été honnêtes. Dans un tel climat, dites moi si l’économie du Burkina peut bien se porter ?. Le plus écœurant, c’est quand les mentors de la mafia internationale et leurs filleuls sortes pour dire que le Burkina avance à 02 chiffres. ce n’est pas eux qui sont bêtes, mais c’est ceux qui les crois qui sont cons.

  • Le 25 juin 2012 à 10:59, par tièkadiyé En réponse à : Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

    Je trouve que votre article manque de profondeur pour un sujet aussi préoccupant que sensible. Je ne vois pas l’objectif d’un tel article. Non plus ce qu’il apporte de plus dans la perception ou la dénonciation des phénomènes de corruption et d’enrichissement illicite.

    On a pas besoin d’un arsenal juridique particulier pour réprimer les entrepreneurs indélicats. Seule la volonté politique fait défaut. Et vous faites bien de mentionner que la grande majorité des entrepreneurs sont malhonnêtes. Cependant, dans votre propension à vous donner bonne conscience (puisque vous êtes un journal du gouvernement), vous excusez le gouvernement qui n’a jamais eu le courage de sanctionner quiconque au motif selon vous, que les dispositions juridiques répressives n’existent pas.

    Avez-vous lu tous les textes relatifs aux marchés publiques ? Avez-vous consulté des magistrats ? Des fonctionnaires chargés des marchés publiques ?

    Il aurait fallu aller au bout de votre logique. Par exemple le théâtre de Luc à l’aéroport et à Bobo, pourquoi n’a t-il pas joint l’acte à la parole en sanctionnant les les fautifs ? Aujourd’hui il y a aussi le canal de Sarfalao et on l’attend de ce côté aussi. Les dispositions juridiques existent, contrairement à ce que vous soutenez. Il ne s’agit pas simplement d’exclure ou de suspendre les mauvais exécutants des prochains marchés.

  • Le 25 juin 2012 à 13:05, par Le Vérédique En réponse à : Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

    Le problème des journalistes burkinabè c’est leur façon bien superficielle de traiter les sujets aussi serieux. A moins de vouloir chanter les éloges du premier ministre, tout ce qui est décrit ici est du connu. Maintenant, il faut avoir le courage de dénoncer que l’Etat et son gouvernement jouent habilement un rôle de pompier-pyromane dans le secteur du btp. Tant que les entrepreneurs serieux ne percevront pas convenablement les décaissements de fonds liés aux travaux, tant que le gouvernement va s’employer à escroquer en aval et en amont les attributaires des marchés, tant que ceux-ci seront cooptés pour des financements politiques ou occultes, tant que les entreprises seront des prêtes noms, tant qu’une part du financements des travaux retournera dans les poches des agents du trésor ou des TP, les griefs énoncés dans cet article seront légion. Les pouvoirs publics burkinabè jouent la comédie devant des bénéficiaires désemparés et seul ce journaliste semble ne l’avoir pas compris. Il faut arrêter la farce. La force publique donne la lattitude au gouvernement de sanctionner quand il y a maquement. Pourquoi il n’en use pas. Réfléchissez un peu avant de vous livrer à des inepties pareilles.

  • Le 25 juin 2012 à 13:55, par Yam pa séké En réponse à : Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

    Pauvre burkinabè. Vous réclamez des Maky Sall à cor et à cri et quand il y a le plus petit bémol, vous tombez à bras raccourcis sur les auteurs. Avez-vous seulement conscience que vous contribuez à creuser votre tombe ici au Faso, car c’est vous même qui découragez toute dissidence ?
    Vraiment minable. Aucune chance d’alternance avec une telle mentalité de bas quartier.

  • Le 25 juin 2012 à 16:03 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Marchés publics, marché de dupes

    J’ai lu avec attention votre article, mais, je suis resté sur ma faim. Je trouve que l’analyse est incomplète, car, il aurait fallu abordé l’article dans tous ces aspects. Dans l’article, seuls les acteurs du secteur privé sont incriminés, alors qu’une grande responsabilité incombe à l’administration. D’abord c’est l’administration qui attribue les marchés publics en connaissance de cause. Ensuite, c’est elle qui a le pouvoir de contrôle et de sanction. Enfin, c’est l’administration qui a la responsabilité du respect des lois et textes législatifs. En outre, vous n’ignorez pas dans quelles conditions les marchés publics sont octroyés. Tous ce que vous reprochez au privé se fait avec la complicité des agents de l’administration et cela au plus haut niveau. Je crois qu’il faut avant d’aborder un thème aussi important, il faut le faire sans parti pris car le secteur privé aussi bien que l’administration, sont responsables au même degré quant à la mauvaise exécution des marchés publics. Faites un tour à Ouaga 2000 et vous verrez que toutes les villas de l’impunité n’appartiennent pas qu’aux opérateurs économiques. Eux au moins ont le courage de visiter leur chantier en plein jour. Les autres le font nuitamment.

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