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IL FAUT LE DIRE : Les pesticides se vendent comme des beignets au Burkina Faso

Publié le jeudi 3 mai 2012 à 01h24min

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La campagne agricole s’annonce au Burkina Faso, avec l’installation des premières grandes pluies. Un moment d’angoisse sans doute pour les paysans, qui se triturent déjà les méninges quant à l’achat des pesticides et des intrants pour augmenter leur rendement. Les vendeurs des produits phytosanitaires, eux dont le nombre augmente d’année en année, se frottent les mains. Car cette activité, au regard de la floraison des points de vente des pesticides dans nos villes et villages, est devenue très lucrative. Elle a pris de l’envol depuis la signature en 1992, par les Etats membres du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), de “la Réglementation sur l’homologation des pesticides commune aux Etats membres ”.

Selon une étude intitulée « Effet des pesticides sur l’activité microbienne d’un sol ferrugineux tropical du Burkina Faso » menée par Baba Ouattara, Paul W. Savadogo, Ouola Traoré, Bazoumana Koulibaly, Michel P. Sedogo et Alfred S. Traoré, la quantité de pesticides utilisés dans notre pays a été évaluée à 2533 tonnes, avec un taux de croissance annuelle estimé à 11%. Une forte demande qui vient comme la réponse à une agriculture précaire, qui peine à satisfaire les besoins alimentaires d’une population sans cesse croissante. « Action 80 DF », « Rocky 500 », « Lambdacal P212 E », « Conquet C 88 », sont les noms de pesticides bien connus, auxquels il faut ajouter hélas, ceux importés frauduleusement des pays voisins et très souvent commercialisés au-delà de la date de péremption.

Le phénomène est beaucoup plus inquiétant dans les zones de production du coton où les paysans, sous prétexte que les pesticides qui leur sont vendus sont très chers, se les procurent dans les pays voisins. Dans la région des Hauts-Bassins par exemple, on peut voir les pesticides exposés un peu partout dans le centre-ville de Bobo-Dioulasso, comme dans les marchés des petits villages. Au Sud-Ouest, les marchés et lieux de réjouissances populaires, servent à écouler ces produits chimiques. Il est vrai que les terres au Burkina Faso sont surexploitées et les méthodes culturales non appropriées, ce qui fait que l’apport d’éléments nutritifs pour les enrichir se justifie. Mais accepter ou laisser pousser les points de vente des pesticides, n’est-il pas dangereux ?

Autrefois les pesticides distribués par les agents d’agriculture et utilisés sous leur encadrement, sont de nos jours vendus par des commerçants et autres marchands de rue dont le seul souci est de se faire de l’argent. Sans se soucier des règles de conservation, ces distributeurs les exposent au soleil, à l’humidité et souvent à d’autres sources de chaleur, avant de les proposer aux clients. Cependant, les experts affirment que l’usage des pesticides, même avec précaution, peut présenter des risques pour l’homme et la nature. A cela s’ajoutent les mauvais conditionnements, l’appât du gain au mépris de la vie humaine, la falsification des dates et les faux conseils des vendeurs, une autre réalité sous nos tropiques. « C’est quand c’est périmé que c’est plus efficace », a confié un paysan qui possédait une boîte d’insecticide hors délai.

Le plus grave, c’est lorsque les populations utilisent les pesticides venus de pays voisins avec des notices de mode d’emploi écrites en anglais, ce qui ne facilite pas la compréhension quant à l’utilisation. Vendus dans les marchés, les boutiques, les lieux de réjouissances, le boom des pesticides est bien aujourd’hui une réalité qui n’échappe à aucune région. On est même amené à se demander s’il n’ y a pas de lieu de former des gens spécialement pour le traitement des champs. Il y a de quoi, car des révélations comme « tel produit ne se vend qu’une fois la date expirée », « telle personne pulvérise en mangeant », « elle autre fait le mélange avec son doigt », inquiètent. Et cela plus encore quand par exemple, des produits destinés au coton sont utilisés pour traiter des aliments que nous mangeons parfois crus, sans prendre toujours le soin de bien laver, par ignorance ou par imprudence. Les bidons et boîtes vides ayant contenu des pesticides sont vendus et utilisés, après avoir été lavés sommairement, pour être utilisés comme unités de mesures de certaines boissons locales.

Par conséquent, chez nous, l’origine des maladies telles les cancers, les troubles nerveux, et même la stérilité et certaines malformations sont à rechercher par là. Il est impérieux qu’on prenne le problème à bras-le- corps. A défaut de donner le monopole de la vente aux directions régionales et provinciales de l’agriculture, on pourrait par exemple associer quelques grossistes bien identifiés et encadrés. Ainsi, des missions de contrôle pourront s’effectuer pour voir si les normes sont respectées, notamment le respect des dates de péremption. Les distributeurs agréés quant à eux, avec l’appui des sociétés productrices de ces produits, devront veiller à ce que les bidons qui sont pour l’heure jetés dans la nature et souvent utilisés à d’autres fins, soient rassemblés à leur niveau.

Il faudrait également sensibiliser les paysans à l’approche de la campagne agricole, pour une utilisation saine des emballages. Si rien n’est fait, le laisser-aller dans la commercialisation et l’utilisation des pesticides sera à la longue, lourd de conséquences pour nos populations.

Tielmè Innocent KAMBIRE

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 3 mai 2012 à 13:54, par MWINESOBANFO En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Les pesticides se vendent comme des beignets au Burkina Faso

    BONJOUR.Notre agriculture est un v&ritable paradoxe.Je me demande souvent à quoi ont servi nos multiples ministres de l’agriculture dépuis l’indépendance.Les pesticides risquent de nous étouffer pendant que les fertilisants et autres engrais sont inexistants.Essayez seulement de faire produire un demi-hectare de maîs pour vos bésoins de consommations ;la première difficulté à laquelle vous serez confrontés reste l’acquisition de l’engrais.Vous risquez meme de vous retrouver en taule si vous n’y prenez garde.Un paradoxe pour un pays qui se dit agricole.^Nous vivons tout simplement une dictature des sociétés cotonnières qui ont le monopole de l"importation des engrais et une démission totale d’un ministère dit DE L AGRICULTURE qui ne peut mettre à la disposition du brave producteur les engrais dont il a bésoin.Résultat:nous connaitrons chaque année la famine à répétition.

  • Le 3 mai 2012 à 18:41 En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Les pesticides se vendent comme des beignets au Burkina Faso

    Les pesticides comme les médicaments de rue ne devraient pas se retrouver dans la rue car combien de burkinabè tombent malades ou pire en meurent ? Mais, depuis un quart de sièce, avec le même président, sur beaucoup de plan, on ne progresse pas mais régressons. A quand un ministre de l’agriculture qui fera la promotion de l’agriculture biologique ou l’agroécologie dans ce pays ? Ces dernières sont les seules capables de permettre le véritable développement de la production agricole dans ce pays tout en permettant de faire face aux changements climatiques.

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