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Reportage : ONG « AYUDA DIRECTA -SAFANÉ » Burkinabè de fille et de cœur ! (1/2)

Publié le mercredi 2 mai 2012 à 02h06min

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Tout a commencé en 1969. A 21 ans, alors infirmière Immaculada arrivait à Safané (centre ouest du Burkina) avec l’ONG catalan MEDICUS MUNDI pour une mission de coopération sanitaire. L’impact fut énorme ; c’est alors que celle qui voulait servir dans l’humanitaire partout dans le monde s’est vu briser son rêve grâce à l’attachement qu’elle a senti pour notre pays. « …Finalement le Burkina Faso a été et restera ma seule expérience comme coopérante ; à part l’Algérie où j’ai exercé un peu (…) pourquoi dois-je aller ailleurs s’il y’a beaucoup à faire là où je suis déjà ? »

Répondra-t-elle lorsque je lui demandai ses autres expériences au niveau international. Depuis 43 ans donc, Imma (affectif) est présente au Burkina à titre officiel ou privé mais toujours avec le même objectif : l’humanitaire. Cependant, avant de parler des actions humanitaires de l’ONG en faveur de Safané, j’aimerais bien vous révéler la petite histoire de Madame Immaculada PUIG I VICENT. J’ajoute que c’est après mon insistance qu’elle a voulu en parler.

Ainsi donc, c’est lors d’une de ses visites à Safané il y’a 14 ans qu’Imma reçoit les sollicitations d’un père désespéré à cause de la maladie de sa fille de 6 ans. Elle décide alors de les faire partir en Espagne afin de procurer les soins adéquats à la fillette. Ce qu’elle considérait au début comme un coup de main ponctuel à une famille s’est transformé en coup de foudre entre elle et la fillette. « Il faut qu’on soit clair ; moi je n’ai jamais eu l’intention d’adopter un enfant puisque j’avais déjà deux filles biologiques. Mais avec Marceline, il y’a eu cette sorte de connexion qui dissimilait mal le sentiment mère-fille que nous éprouvions déjà l’une pour l’autre », martèle- t-elle.

Les parents biologiques de Marceline savaient dorénavant que leur petite fille était dans de bonnes mains. Quant à Imma, elle était très enchantée de pouponner une fois de plus un bout de choux adorable que même ses propres filles appelaient déjà affectueusement leur « nouvelle petite sœur ». Des années passèrent, Marceline est complètement remise de sa maladie. Devenue adolescente saine et très européanisée, elle n’est pas moins ancrée dans sa culture originale. Imma a tout mis en œuvre pour qu’elle garde intact toutes ses racines : « j’ai toujours tenu à ce que Marceline conserve tout ; lorsque nous voyagions à Safané, je lui faisais prendre toujours un grand bain socioculturel. A chaque fois, Je l’intégrais au groupe des filles de son âge lorsque celles-ci jouaient ou faisaient les travaux domestiques. Je m’effaçais le plus souvent possible afin qu’elle puisse vivre intensément les retrouvailles avec ses vrais parents ».

Avec sa soeur

C’est ainsi que du haut de ses 20 ans aujourd’hui, Marceline peut paraître parfaitement comme une jeune étudiante de Nasso ou de Zogona ; qui parle Marka (sa langue paternelle), français et anglais mais oui il est vrai, le tout avec un accent très espagnol. Qui dit mieux ?

Diriez-vous sans doute que le parcours de ces deux familles ressemble plutôt à une légende urbaine ; ou seulement la belle face d’une pièce de monnaie ? Non ; il y’a eu aussi de dures moments. Imma nous racontait comment elle devait se battre annuellement pour renouveler la carte de séjour de sa filleule. S’il est vrai que la voie la plus aisée était l’adoption officielle pour éviter ces tracasseries administratives, notre coopérante de Safané a voulu faire les choses dans les règles de l’art. Bien qu’elle disait à qui voulait l’entendre qu’elle était la « maman » de Marceline, bien que Marceline était complètement devenue une petite sœur chérie pour ses deux premières filles, Imma voulait vaille que vaille conserver les choses à l’état originel par respect pour les parents biologiques. Marceline doit rester Marceline ; fille d’un Safanois et d’une Safanoise bon teint. Mais voilà ; bien souvent les choses ne sortent jamais exactement comme nous les planifions. Imma nous raconte : « Lorsqu’elle se préparait à fêter ses 18 ans, nous avons longtemps échangé à propos de son avenir.

Mère et fille

D’abord elle et moi, ensuite moi et ses parents et enfin tous ensemble dans l’objectif de préparer l’avenir de notre fille. Une chose c’est d’être un mineur mais dès la majorité les données peuvent changer drastiquement pour un étranger en Europe. Car quoiqu’on fasse ou qu’on dise, Marceline demeurait juste une étrangère de plus qui devait à chaque fois renouveler ses papiers au risque de se confronter à un rejet du prolongement de son séjour en Espagne. Il fallait donc décider rapidement avant qu’elle n’atteigne l’âge de la maturité. Et je crois que nous avons pris la bonne décision ; juste à temps ».

Toujours au titre des difficultés, ajoutons que durant la période de l’adolescence la tension mère-fille montait constamment d’un cran à cause de la classique crise d’adolescence connu de tous. « Maman » n’appréciait guère le snobisme à tout va de « bébé » (surtout pendant les voyages en Afrique) et « bébé » voulait affirmer sa personnalité par-dessus le marché. Aujourd’hui, la jeune femme se rappelle de ses comportements enfantins qu’elle raconte comme de simples anecdotes mais avec une note de regret. Nous l’avions bien compris de toute façon ; le choc culturel étant dur à supporter pour une adolescente noire très occidentalisée. Ça crée forcément un conflit intérieur. Mais comme à une autre époque bien lointaine « maman » avait vécu ce même choc, donc du haut de cette expérience elle a pu gérer et canaliser la personnalité de sa jeune fille.

Revenons à la décision tardive d’adoption pour dire que c’est finalement pour des questions pratiques que Imma a dû faire ce qu’elle a toujours évité malgré l’insistance routinière de ses grandes filles et malgré le souhait constant des parents de Marceline. A 18 ans Marceline devenait officiellement la troisième fille d’Imma au grand bonheur des deux grandes filles. Aujourd’hui Marceline a 20 ans et rentre à l’université car elle a pris du retard à cause du fait qu’elle est arrivée malade et analphabète à 6 ans. Aussi, a-t-elle déjà accumulé des diplômes en formation professionnelle officielle ; donc déjà apte à travailler.

Et lorsque j’ai demandé à Imma si elle avait un plan pour le futur de sa fille Marceline, elle répond sans ambiguïté : « Elle est très bien préparée à présent pour affronter n’importe qu’elle études supérieures de son domaine. Marceline a du punch et du caractère ; elle veut aller jusqu’au bout. En même temps elle garde aussi les pieds sur terre. De toute façon c’est elle qui décide maintenant de son avenir. Elle pourrait décider de vivre et travailler ici ou là-bas ; tomber amoureuse et se marier à quelqu’un d’ici ou de là-bas (…) moi je serais très enchantée si elle se mariait à un Burkinabè… ».
Oh….. m……..rde ! Pourquoi n’ai-je plus 20 ans, moi ? Pensai-je !
(à suivre…)

Roland Zongo Sanou (Correspondant en Espagne)

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