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Autorité de l’Etat : Un serpent de mer ?

Publié le jeudi 5 avril 2012 à 00h57min

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En moins d’un semestre, le pays avait connu plus de manifestations violentes avec destructions de biens publics et privés, de décès et blessures d’hommes et de mutineries qu’il n’en a connues tout au long de son histoire. Tout était prétexte à manifestation dans la rue avec pour ligne de conduite de faire autant de destructions que possible. Au total, on peut affirmer que l’accusation de manque d’autorité de l’Etat repose beaucoup plus sur des impressions que sur des faits. Certes, il reste encore des efforts à faire mais tout indique qu’on est dans la bonne direction. Cela d’autant plus que les populations commencent à comprendre que la démocratie n’implique pas que des droits.

Il y a un an, le Burkina Faso vivait une situation particulièrement difficile avec une succession de manifestations violentes qui ont fait craindre le pire, tant certains faits étaient attentatoires à la dignité humaine et proprement inacceptables. En moins d’un semestre, le pays avait connu plus de manifestations violentes avec destructions de biens publics et privés, de décès et blessures d’hommes et de mutineries qu’il n’en a connues tout au long de son histoire. Tout était prétexte à manifestation dans la rue avec pour ligne de conduite de faire autant de destructions que possible.

Mais le plus terrible aura été ces militaires dans les rues pillant commerces et domiciles privés et y mettant le feu après leurs forfaits. Dans un tel contexte apocalyptique, plus que l’autorité de l’Etat chacun craignait pour sa propre sécurité, rien ne pouvant garantir celle-ci puisque les forces de défense et de sécurité apparaitront comme les plus à craindre. En effet, non seulement on baignait dans une totale irrationalité mais en plus le pouvoir semblait comme dans la rue, avec en prime une violence gratuite et un ras-le-bol de l’immense majorité qui ne savait pas à quel saint se vouer. Depuis ce temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.

Au point que certains semblent oublier d’où on vient comme si le pays se réveillait juste d’un simple cauchemar et qu’il n’avait jamais cessé d’être l’ilot de paix sociale tant envié dans la sous-région et même au-delà. Pour d’autres par contre, on revient de si loin qu’il serait quelque peu indécent de faire la fine bouche et de trop se formaliser devant les mouvements sociaux et les revendications de toutes sortes émaillées de violences qu’on continue d’enregistrer ici et là. Il faut dire que depuis la période de braise de 2011 et en dépit du retour manifeste à la paix sociale, il se passe rarement un trimestre sans que quelque part au Burkina, une partie de la population se fasse entendre en dehors des cadres et formats admis par la République.

Si ce ne sont pas des populations qui s’élèvent contre des bavures d’agents de l’Etat, contre les lotissements, etc., ce sont des jeunes qui réclament des emplois, des infrastructures, …, des élèves qui exigent des solutions à leurs problèmes, etc. On a ainsi l’impression que la chienlit joue les prolongations, que la situation est toujours volatile et que tout peut de nouveau nous tomber sur la tête. Un sentiment diffus de crainte que certains expriment sans prendre de gants comme pour exorciser définitivement ce passé. C’est vrai qu’on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu.

En interpelant le Premier ministre Luc Adolphe TIAO sur le sujet le 29 mars dernier, à l’occasion de son discours sur la situation de la Nation, des députés, toutes tendances confondues, expriment justement ce sentiment. C’est dire qu’il mérite une réelle attention et nombreux sont les Burkinabè qui ont besoin d’entendre les décideurs pour se forger leur propre opinion, dans le sens de se rassurer davantage ou dans celui de mesurer la longueur du chemin qui reste à parcourir. L’un dans l’autre, on peut dire que Luc Adolphe TIAO aurait pu et même dû se poser la question et y répondre si elle ne lui avait pas été posée. En effet, sa réponse est d’une limpidité pédagogique et contribuera certainement à rassurer nombre de Burkinabè. Il le fallait parce que derrière l’opinion si évidente « d’absence d’autorité de l’Etat » se cache une foule de réalités qui se tiennent les unes les autres malgré des antinomies.

En effet, cette opinion exprime, quelque part, un sentiment de laisser-aller de la part de l’Etat, ce qui fait le lit de la prolifération des actes de vandalisme qui accompagnent les revendications des populations et la propension de celles-ci à se faire justice pour un oui ou un non. Cette impression s’appuie sur la récurrence des manifestations spontanées, l’absence des forces de l’ordre pour les endiguer et l’impunité dont semblent jouir les auteurs d’actes de vandalisme même lorsqu’ils sont interpellés. Elle se justifie aussi par le sentiment d’impunité dont se prévalent les manifestants ce qui exaspère l’immense majorité des populations qui se démarquent de leurs actes surtout lorsque ceux-ci portent atteinte à leurs patrimoines.

Et le Premier ministre d’expliquer que contrairement à l’impression de vide de l’Etat, celui-ci intervient dès les premiers instants des conflits en privilégiant les négociations, la sensibilisation et le dialogue. Ces actions permettent non seulement de travailler à des solutions apaisées mais aussi et surtout d’éduquer et de placer les différents protagonistes devant leurs responsabilités. Au regard du contexte, cette méthode est beaucoup plus avantageuse d’autant plus que l’Etat se donne les moyens de réajuster son action en cas d’échec. Confondre cela à un manque d’autorité est allé un peu trop vite en besogne.

Dans le sens contraire, on a l’impression d’une politique de deux poids deux mesures du fait de la célérité avec laquelle l’Etat sanctionne ses agents lorsque ceux-ci sont fautifs ou ont des comportements qui prêtent à confusion. Militaires et policiers radiés par centaines, divers agents révoqués, poursuivis devant les tribunaux et condamnés, nombreux responsables relevés de leurs fonctions à la suite de manifestations des populations ou de conflits privés, … toutes choses qui amènent certains à craindre que les agents de l’Etat ne se découragent et ne rechignent à faire leur travail de peur d’erreurs qui pourraient les conduire à devoir s’expliquer.

Il faut en convenir l’Etat a eu la main si lourde que certains se croient revenus à la période révolutionnaire où pour un rien un agent était sanctionné. Mais l’attitude du gouvernement s’explique naturellement par sa double volonté d’affirmer l’autorité de l’Etat et de ne pas accorder de prime à l’impunité. Les agents peuvent difficilement invoquer un acharnement contre eux ou une chasse aux sorcières puisque tous ceux qui ont été sanctionnés l’ont été sur des faits clairement établis ou des appréciations politiques légitimes.
On ne peut donc pas en déduire que l’Etat cède devant la « vox populi » et sacrifie ses agents pour le simple plaisir des populations. Au total, on peut affirmer que l’accusation de manque d’autorité de l’Etat repose beaucoup plus sur des impressions que sur des faits.

Certes, il reste encore des efforts à faire mais tout indique qu’on est dans la bonne direction. Cela d’autant plus que les populations commencent à comprendre que la démocratie n’implique pas que des droits. Elle est aussi synonyme de devoirs, comme elles l’exigent en direction de ceux dont les actions nuisent à la paix sociale. C’est à ce prix que l’autorité de l’Etat que chacun appelle de ses vœux sera une réalité vivante pour tous.r

Cheick Ahmed (ilingani2000@yahoo.fr)

L’Opinion

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