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Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

Publié le lundi 26 mars 2012 à 02h47min

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« Un modèle de démocratie », « un exemple d’alternance réussie », « un laboratoire de la démocratie », etc. Et d’un seul coup, plus rien ! Rébellion, mutinerie, silence radio, écran noir, prise du palais présidentiel…Quelques instants après, le petit écran se réanime : un groupe de militaires, les yeux rouges, l’air grave, très excités, déterminés, présentent les informations en lieu et place de ceux formés pour.

Diction approximative, lecture scolaire. Le message est pourtant clair et net : « Le régime incompétent … d’ATT » a été destitué. Dissolution des institutions républicaines, couvre-feu…

La junte annonce ainsi sa mainmise sur le pouvoir malien jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, 20 ans après le massacre de femmes et d’élèves qui réclamaient liberté et démocratie, une vingtaine d’années après l’avènement du processus démocratique dans ce pays, le Mali renoue avec son passé trouble. Retour des vieux démons. Retour à la case départ. Le pays du général ATT (Amadou Toumani Touré) a renoué avec une pratique que seule l’Afrique refuse de proscrire en ce 21ème siècle. En ce siècle d’Internet, de la communication sans bornes avec les réseaux sociaux, l’Afrique demeure le seul continent abonné aux va-et-vient archaïques du balancier. Le Mali a été happé par une réalité tristement africaine : un pas en avant, deux pas en arrière. Hélas ! Mille fois hélas.

Dans notre vie de journaliste économique, nous avons visité un jour en Asie, une usine de production d’huile de sésame, fondée en 1725. L’entreprise est dirigée aujourd’hui par deux (2) arrière-petits-fils du fondateur. L’aîné est le P-DG et son frère cadet, le responsable commercial. Le plus jeune de la fratrie a 65 ans. Après leur exposé, nous découvrons que l’entreprise est actuellement classée n°2 dans le pays. « Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ? » Avons-nous risqué comme question. Réponse du P-DG : « dans les 150 à 200 ans à venir, nous voulons que notre entreprise, non seulement existe toujours, mieux, qu’elle soit numéro un mondial » ! La réponse nous a été donnée avec le plus grand sérieux, et de la façon la plus naturelle du monde. Avons-nous bien entendu ? Oui. Il s’agit bel et bien d’un rêve de 150 à 200 ans. Ce rêve est consigné dans des documents.

Les futurs dirigeants de l’entreprise ne vont pas faire de la navigation à vue. La voie est déjà tracée. Il ne reste plus qu’à opérer quelques réajustements, réactualiser certaines données et foncer vers un but, en empruntant le chemin tracé par leurs illustres devanciers.
Pendant qu’ailleurs on fait des projections sur des centaines d’années, l’Afrique, berceau de l’humanité, se complait dans une autre vision qu’on pourrait qualifier de « approche quinquennale de développement » ou « approche décennale de l’existence humaine ». C’est selon, car, même ceux qui ne veulent pas se développer veulent vivre quand-même.

Autrefois chéri et adulé, le Mali est aujourd’hui infréquentable ! Depuis 2008, les Occidentaux ont déconseillé ce pays très touristique, terre-mère du « djatiguiya », à leurs ressortissants. Depuis jeudi dernier, le Mali a été « excommunié » de la CEDEAO, de l’UA, bref, il est au ban de la communauté internationale. Comme en pareille circonstance, l’argent n’aimant pas le bruit, pour reprendre une expression bien connue, les institutions financières ont annoncé la suspension de leur coopération. La Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds monétaire international (FMI),… ont décrété la fermeture de leurs guichets au Mali.

Et pourtant, il fallait seulement un petit mois pour que le processus démocratique malien franchisse un nouveau pallier, une nouvelle étape avec l’élection présidentielle pour la désignation du futur occupant du Palais de Koulouba. Cette étape franchie, et le pays allait accroître sa cote de popularité et de sympathie à travers le monde en matière de bonne gouvernance économique. La junte n’a pas laissé la chance aux démocrates maliens de goûter à ce plaisir, à cette joie. En faisant main basse sur le pouvoir, le pays de Soundiata Keïta replonge dans les profondeurs de l’incertitude et conforte sa place dans le cercle vicieux qui semble contenir l’espoir de bon nombre de pays du continent. Combien de temps faut-il au pays pour rebondir ? En tous les cas, même si le pouvoir d’ATT était rétabli demain, plus rien ne sera comme avant.

Les Maliens ne pourront plus gommer de leur histoire que des soldats ont fait irruption dans leur processus politique.
Il est maintenant à craindre que cette dérive ne conduise le "Navire Mali" vers des eaux tumultueuses avec des risques de naufrage. Loin d’être un acte isolé, les turpitudes maliennes risquent d’affecter la sous-région. En cas de crise prolongée, d’instabilité, c’est la sous-région qui va en pâtir. Cette nouvelle donne risque d’amplifier l’afflux des réfugiés vers les pays voisins. Aussi, la rébellion pourrait connaître un regain de tension. Le climat de cafouillage, de contradiction, de peur, de crainte, mais surtout d’incertitude pourrait profiter à la rébellion. Elle n’a d’ailleurs pas trop attendu. Profitant de la confusion à Bamako, la rébellion a annoncé sa volonté de conquérir d’autres villes au Nord du pays.

Une fois de plus, le continent s’illustre négativement. Même si certains ont vite fait de voir la main du diable dans cette affaire, force est de reconnaître que le diable ou tout autre force maléfique n’agit que sur un terrain favorable. Pendant que les militaires pillent le pays pour rattraper leur retard, le pays tout entier accroît son retard sur le chantier du développement. Un abîme de désespoir ! Afrique, qu’as-tu fait des rêves de grandeur de Kwamé N’krumah ? Pourquoi toujours remettre en cause les acquis ? Pourquoi tes filles et fils rechignent-ils à poser de grands actes ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Nos ancêtres ont construit des pyramides. Nous, nous construisons des châteaux de cartes. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’heure actuelle, au Mali, le mythe de Sisyphe ait pris le dessus sur le rêve du grand Mali de Soundiata Keïta. Faut-il désespérer de l’Afrique ? Non ! Mais pour cela, il nous faut, dans les meilleurs délais, prendre du recul pour visionner le film de notre histoire, et en tirer les leçons et les conséquences. Osons sortir de la routine qui ne nous apporte rien. Un pays avance parce que ses filles et fils réfléchissent, se posent des questions, font de grands rêves

Par Rabankhi Abou-Bâkr Zida (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 26 mars 2012 à 04:02 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    allez-y interroger les maliens sur ce putsch,vous verrez que la majorité est d’accord à part les memes politiciens corrompus et les généraux dodus voleurs. c’est aussi ça la démocratie puisque les maliens dans leur large majorité,approuvent ce putsch. aussi il faut arreter de nous saouler pcq vous savez bien,à moins d’etre malhonnete que les élections ne peuvent pas se faire le 29 avril avec la situation au nord. donc je me permets de vous poser une seule question :
    qui a causé tout ça ?
    pour moi,c’est att et il le mérite

  • Le 26 mars 2012 à 05:31, par Tapsoba En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    Pour début, ce n est pas mal.Espérons que cette même lucidité vous animera lorsqu’il s agira de commenter ou d analyser l actualité nationale.Du courage.

  • Le 26 mars 2012 à 11:31, par gandhi En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    merci pour cette belle réflexion. tu passeras aux yeux de certains comme un révolutionnaire " vu dans son sens péjorative". quand l’intellectuel africain perd le nord, et quand il sacrifie son rêve et répond aux dicta venus d’ailleurs, il devient le valet local de l’impérialisme. aucun pays développé n’as copié son développement chez son voisin. si nous refusions de nous prendre en charge et souffrir un bout de temps pour que demain soit meilleur, nous assisterons toujours à des rebellions, à des révoltes. je dirai qu’il ne faut pas désespérer de l’Afrique c’est les résultats logiques de son mauvais choix aux lendemains des indépendances. l’indépendance qui lui a été donné gracieusement sans luttes et l’élimination et l’écartement sur la scène politique de tous ceux qui ont voulu que les chose se passent autrement que ce que voulais le colonisateur.la traite des nègres et la colonisation loin d’affaiblir l’Afrique devrait lui permettre de prendre ces responsabilité mais hélas. le traumatisme et les blessures se sont cicatrisés dans la peur du maitre. la méthode utilisée par le colon a marché puis ce que toutes reformes tendant à donner sa dignité à l’Afrique sont étouffées soit dans l’œuf soit considérées comme communistes. la révolution est bien pour l’Afrique ça permet un sursaut patriotique et continental pour faire les choses selon nos traditions. tant que nous n’envisagions pas un développement endogène, nous resterons toujours à la traine. le malheur pour l’Afrique s’est que nous ne mettons jamais celui qu’il faut à la place qu’il faut ce qui est contraire à nos traditions. pour changer, il faut faire des sacrifices, il faut se battre, il faut se donner les moyens de réussir son plan d’action. la courte échelle que l’Afrique empreinte depuis produit inévitablement les résultats qu’on connait aujourd’hui. on ne peut que s’en prendre à nous même sinon ça sera toujours un éternel recommencement. et on aura fait un pas en avant et cinq pas en arrière et on sera émergeant que ce mot ne sera plus utilisé pour qualifier un bon développement. la politique adoptée par nos dirigeants est une honte pour l’Afrique mais apparemment l’africain ne connait plus ce que signifie ce terme. les solutions pour le développement de l’Afrique existent. elles seront mises en marche quand on aura fini de vendre nos terre fertiles, nos richesses du sous sol et nos savoirs aux autres parce que la volonté politique nous a manqué pour prendre la bonne décision au bon moment. nous avons assez dormi, il est temps de se réveiller sinon la moelle épinière qui nous gouverne maintenant agit par réflexe et ne peut faire que cela. il faut que le cerveau prenne ses responsabilités. ceux qui gouvernent en Afrique sont incapables de faire des projets à long terme parce qu’ils ne connaissent pas leur histoire. l’exemple des pyramides d’Égypte ou du soudan est palpable que si les géniteur de ces édifices avaient rechignent à court terme comme le font les dirigeants actuels. pour une Afrique nouvelle, il faut : un retour à nos traditions pour bâtir un avenir meilleur sur tous les plans au regard de la science actuelle, apprendre aux africains à compter sur eux même, bannir le complexe d’infériorité enseigné par le colon, donner sa dignité à chaque africain et permettre l’expression de son propre potentiel, s’occuper en priorité notre culture et de l’agriculture pour une autosuffisance alimentaire(sur ce point j’ai l’impression que nos dirigeants nous affament et nous maintiennent dans l’ignorance et la pauvreté pour mieux nous exploiter), construire des infrastructures scolaire et universitaires ainsi que des centres de développement des résultats des recherches. cela doit être un programme à court terme(5 ans), à moyens terme( 10 à 20 ans) et à long terme 50 à 150 voir 200 ans). moi qui vous parle j’ai un projet de développement pour 50 ans à venir pour mon village je le proposerais très prochainement au chef de village et aux autorités locales. les actions parlent d’eux même, il est temps d’agir et voir plus loin que bout de nos nez. si les autres pays des autres continents viennent chercher la matière première chez nous, c’est parce qu’ils ont planifié leur développement sur plusieurs années en avant.
    gandhi

  • Le 26 mars 2012 à 11:36, par Issa En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    Très bel article. Rien à dire. Bravo Mr le Directeur Général.

  • Le 26 mars 2012 à 11:59 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    Un article clair, limpide et qui tranche d’avec ce que nous avions l’habitude de voir ( et non lire).Un bon signe, courage et félicitation. Une nouvelle race de jeunes intellectuels qui peuvent faire bouger un peu les lignes.

  • Le 26 mars 2012 à 13:16, par Aung Sun Suu Kyi En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    maintenant je lis les edito de Sidwaya. au temps du DJ c’etait tout autre

  • Le 26 mars 2012 à 13:31, par Bibèga En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    C’est des articles de ce type qu’on aimerait lire toujours. dans nos journaux.
    Merci pour ce beau travail. Que nos journaleux, ces semblants de journalistes s’inspirent de ces articles et aillent se densifier par la formation.

  • Le 26 mars 2012 à 14:44, par jean En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    On verra !

  • Le 26 mars 2012 à 14:49, par karim En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    Continuez la manipulation et les insultes fortuites à autrui ! Très vite, vous serez démasqué !

  • Le 26 mars 2012 à 14:57, par jeremie En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    AH oui, le prédecesseur de ce DG devait avoir beaucoup de gens sur son dos ! même sa photo n’était plus mis sur lefasonet ! On comprend !Mais l’homme ne saurait détruire ce que la main de Dieu a initié ! Courage à nous tous !

  • Le 26 mars 2012 à 17:45, par rodriguez En réponse à : Editorial de Sidwaya : Faut-il désespérer de l’Afrique ?

    mes double félicitations : pour ta nomination et aussi pour ton édito qui laisse déjà entrevoir ce que sera sidwaya version Zida. reçois les encouragements d’un promo depuis....

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