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Editorial de Sidwaya : Si nous savions !

Publié le lundi 13 février 2012 à 02h33min

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Il paraît anodin, tant on n’y bat, sans tambour ni trompette, mais l’événement est de souveraine importance...
La Triennale de l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique (ADEA) qui se tient en ce moment à Ouagadougou, par la qualité et la quantité des participants et par la pertinence du thème devrait en toute logique tracer les grandes lignes de l’éducation des générations futures.

Les plus hautes autorités de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, une délégation de la diaspora africaine, des structures étatiques en charge de l’enseignement, et des experts de la Corée du Sud se donnent rendez-vous, au pays des hommes intègres, pour réfléchir et prendre des décisions importantes sur l’avenir de notre enseignement, en relation avec le développement durable.

C’est une rencontre destinée à « déplacer des montagnes », à en juger par le thème qui est :« Promouvoir les connaissances, compétences et qualifications critiques pour le développement durable de l’Afrique ? : comment concevoir et édifier une réponse efficace des systèmes d’éducation et de formation ».

50 ans après les indépendances, les Africains se décident enfin à se situer de façon« critique » par rapport au programme d’assimilation que ? la Colonisation a élaboré pour leur domestication. Comment ramer contre l’autorité du temps Pendant qu’ils courent après la résolution de si vieux problèmes, les nouveaux problèmes, aussi cruciaux les uns que les autres, doivent-ils attendre.

Le Professeur Joseph Ki-Zerbo, après avoir consacré toute son existence à l’évolution de ? l’Afrique, s’est demandé à la fin de sa vie, dans une sorte de solennité désabusée :« A quand l’Afrique ? » Il y a des tournants qu’il ne faut pas rater, au risque de continuer à tourner dans le vide comme un engin mis hors orbite.

Les deux tournants stratégiques que l’Afrique a ratés sont, selon nous, ceux de la dynamisation de sa culture et de la réalisation de son unité.
Si ces deux problématiques ne sont résolues, nous craignons que l’Afrique ne continue, très longtemps, à tourner éternellement en rond, sans destination précise. Esseulé et désincarné, chaque Africain devient la proie idéale et facile des requins de tous les océans.

Rendre à l’Afrique sa culture dynamisée et revigorée par des programmes d’enseignement endogène, c’est en faire un continent développé. Les amis sud-coréens présents à cette Triennale diront-ils le contraire, eux qui en 1957 étaient au même niveau de développement que le Ghana, selon les experts ?

Tout développement constitue d’abord un objet et une ligne existants à partir d’un socle traditionnel. Il les prolonge, les embellit, les transforme ou les transfigure, leur donne des dimensions insoupçonnées et une vision inédite. Il n’y a qu’en Afrique où le développement est parti d’une rupture essentielle d’avec le passé, faisant en sorte que l’avant et l’après ne parlent pas du tout le même langage, et que les cultures et la mémoire des peuples ne fonctionnent pas comme des vases communicants. Peut-on alors parler de développement ? Ne s’agit-il pas d’un saut périlleux dans l’espace ?

L’école coloniale handicape l’avenir de l’Afrique sur trois points.
Premièrement, en cristallisant les mentalités sur le développement de la marchandise, et non sur le développement de l’homme. Tout est alors mis en œuvre pour que l’école, les médias, la science, l’art et la religion enseignent qu’il n’y a que ce type de développement qui existe et qui est possible. Maudit soit qui ose parler de critique ! Il n’est pas étonnant que l’on revienne, après s’être dépensé pendant plusieurs décennies sur la notion même du développement. C’est parce qu’il n’est pas humain, qu’il lui arrive de ne pas être « durable. » Sinon, on peut convenir que tout ce qui est humain est durable. La compassion, par exemple, est un sentiment durable, parce qu’il est tout à fait humain.

Deuxième handicap : il y a un gonflement de sens de certains concepts qui, après tout, sont relatifs à l’histoire et au tempérament européens. L’exemple du mot « liberté » et de l’engouement qui l’entoure nous vient en tête. On nous fait croire que la liberté est absence de contraintes, et, pendant ce temps, l’Histoire nous enseigne que l’Europe tout entière a bâti sa liberté sur des contraintes multiformes : des guerres de 100 ans (une folie collective !), une histoire tumultueuse, des pouvoirs autoritaires comme il en existe peu au monde, une entrée dramatique, à partir de la vie rurale, dans la civilisation de l’industrie, une victoire exemplaire du droit sur l’arbitraire. La liberté à l’européenne se trouve tout entière dans sa propre histoire, dans son propre chemin de croix. L’enseigner à la jeunesse africaine en prenant des raccourcis douteux ou comme le veut une certaine école de pensée, c’est se faire du tort. Une liberté qui précède sa propre histoire n’en est pas une !

Troisième handicap, le conditionnement de l’appareil éducatif par l’argent qui, semble-t-il, est la chose qui manque le plus sur notre continent. Pour éviter ce conditionnement, il est fait recours aux autres de financer l’éducation. La chose n’est pas acceptable dans le sens de la souveraineté ! Comme si, en pleine guerre, il faut demander des munitions à ceux d’en face qui nous aiment bien, mais en soldats ! Les Coréens ne manqueront pas d’éclairer les Africains sur ce point, pas seulement sur les sommes colossales qu’ils ont englouties dans l’enseignement, mais surtout sur le sacrifice que chaque Coréen a ?dû faire, pour que le pays sorte aussi vite de la zone de précarité grâce à une école et à une éducation de qualité mondialement reconnue.

Sans aucun doute, les experts le savent, mais la répétition est pédagogique.
Le dire une fois de plus en terre africaine est une répétition utile.
Personne ne dira plus tard « nous ne savions pas »

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 13 février 2012 à 15:43, par Viconte de Drolignac En réponse à : Editorial de Sidwaya : Si nous savions !

    Vraiment mon frère journaliste, tu as vu juste. Il est vraiment tant pour les colonies ou ex colonies de la France de prendre conscience de leur problème qui est fondamental. Quel type d’homme veux- on former pour notre société ? Je le dis parce que d’autres pays Africain qui ont eu la chance d’éviter le joug Français ne sont pas comme nous, ne piétinent pas comme nous.

    • Le 13 février 2012 à 23:25, par BK En réponse à : Editorial de Sidwaya : Si nous savions !

      Il est vrai qu’il n’y a point de bonheur pour ceux qui sont en marge des appétits sociaux qu’imposent la société. Quelle société ? La démonstration rationnelle ici serait difficile mais une certaine hauteur mentale peut mieux la comprendre, les deux dernières éditions de la CAN ont été remportées par des équipes composées en majorité de joueurs évoluant à l’intérieur du continent, ce n’est pas à mon humble avis, le fruit du hasard mais un signal fort pour ceux qui ont un tapis cérébral assez épais. Ce changement sonne le glas des vieilles pratiques et des vieilles logiques qui érigeaient en toute puissance la suprématie des "Pro" Africains dans les meilleurs championnats européens.
      Les Tchipolos-polos viennent de donner une leçon aux continent. La parallèle avec l’éducation ou le développement de l’Afrique n’est pas fausse car si depuis l’école primaire le jeune africain est soumis à une répétition sans fin de Binger, Guillaume, Hitler, Platon, Aristote, Issac Newton... il est claire qu’il se convaincra lui-même que les africains n’ont pas participer à la construction de cette Humanité...
      Il subis constamment le modèle de développement venu d’ailleurs. Il raisonne désormais comme les locataires du mythe de la caverne qui pensaient que la seule et dernière vérité était l’obscurité dans laquelle ils vivaient. C’est pourquoi après avoir été exposés à la lumière du jour ils ont compris qu’ils ont été abusé et que la première vérité n’était pas la seule. C’est cette seconde Vérité que les chefs d’État Africains veulent réaliser en se rencontrant à Ouaga ce lundi 13/02/2012. Comment réussir notre développement si le système éducatif que nous avons adopté est importé et prêt à porter ? Un minimum d’adaptation profiterait aux pays africains. Ailleurs on veut former des informaticiens pour lutter contre les attaques terroriste, ici on a plus besoin d’agents de l’agriculture pour nourrir les populations...

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