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PORTE-PAROLE DE CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENTS AFRICAINS : Communicateurs, griots ou avocats ?

Publié le jeudi 2 février 2012 à 00h32min

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La démocratisation suit son bonhomme de chemin sur le continent, du fait de la vigilance et de la détermination des peuples. Toutefois, elle se heurte toujours au manque de volonté politique et à l’incurie des gouvernants. Cela se traduit parfois par des crises ouvertes, lesquelles sont diversement interprétées. Les gouvernants africains qui ont à cœur de contrecarrer les critiques de plus en plus acerbes, privilégient alors la désignation de « porte-parole ». Il s’en suit que les tâches de relations publiques ont aujourd’hui tendance à prendre le pas sur l’information journalistique.

Le rôle de promoteur de l’action gouvernementale découle de plusieurs situations. Il y a d’abord que la demande sociale s’accroît. Ensuite, les revendications pour davantage d’espaces de liberté et de transparence dans la gestion et la gouvernance africaine ne cessent de s’amplifier. C’est qu’à la faveur du développement du jeu démocratique, le citoyen électeur devient chaque jour plus exigeant, mieux informé et...plus critique envers l’action gouvernementale. Enfin, Ies partenaires techniques et financiers sont devenus bien plus avisés et audacieux que par le passé !

Prises au piège de l’avènement d’une presse libre et plurielle, les élites dirigeantes d’Afrique cherchent aussi à échapper à tout prix à l’isolement qui les guette. Le porte-parolat devient ainsi une sorte d’exutoire. Encore une mesure de précaution qui en ajoute à la confusion qui règne dans le travail des professionnels des médias. Reste à savoir si les différents porte-parole sont bien à la hauteur de la tâche ?

Hormis les porte-parole qui représentent les institutions publiques ou privées, on peut distinguer deux types de porte-parole au plan politique : ceux du pouvoir en place et ceux de l’opposition. Les porte-parole qui font partie du système cherchent désespérément à défendre l’indéfendable. Malheureusement, ils se retrouvent bien souvent le bec dans l’eau, et seuls à porter l’anathème quand vient l’heure de régler les comptes. Le travail de porte-parole du gouvernement ou tout simplement du régime se résume bien souvent à celui d’un thuriféraire officiel. Parce qu’en démocratie républicaine, il est inconcevable et de plus en plus difficile de réduire les organes de presse publics en porte-voix et en bunkers de partisans fébriles. Là où le bât blesse, c’est lorsque le porte-parole se met à défendre l’indéfendable.

A l’inverse, ceux qui parlent au nom des opposants croient utile de jouer aux irréductibles. Aveuglés par la soif de prendre leur revanche ou de conquérir le pouvoir, ils n’ont généralement pas de retenue, allant parfois jusqu’à méconnaître l’évidence. Une telle conduite n’a rien de républicain. Elle ne contribue en rien à l’avancée de la démocratie, encore moins au recul de l’obscurantisme. Bien au contraire, elle compromet davantage la libre expression des idées. Il y a donc porte-parole et porte-parole ! Du reste, les différentes crises survenues dans nombre de pays d’Afrique ces dernières années ont montré les limites de cette fonction. On se rappelle ces sorties iconoclastes de thuriféraires de régimes aux abois sur le continent. Non seulement ils n’informent pas sérieusement, mais encore ils ont coutume de jeter de l’huile sur le feu.

Dans la plupart des cas, ceux qui tiennent le crachoir s’illustrent négativement. Les plus zélés font habituellement plus qu’on ne leur demande. Très dangereux, ils agissent aussi comme par peur du maître, ou par devoir de reconnaissance envers ce dernier. On éprouve alors de la peine pour de tels individus qui manquent cruellement de personnalité et d’amour- propre ! On peut en citer pour mémoire : Lambert Mendé de la RD Congo, Mohamar Ben Omar du défunt régime Tandja et Ahoua Don Mello de la Côte d’Ivoire. Beaucoup contribuent, malgré eux, à compliquer la situation. Leur zèle, leur arrogance et la suffisance qui va avec, n’ont d’égal que le mépris avec lequel il considère l’opinion publique, alors vue comme atomisée et dotée de peu d’intelligence. A croire que le pays leur appartient, que le régime ou son chef dont ils se font scandaleusement l’esclave, est éternel !

Il arrive que le poste aille à merveille avec certains individus, doués visiblement de talents, et passés maîtres dans l’art de conjuguer les verbes, autant que manipuler les concepts. Ils parlent avec aisance et assurance de problématiques qui divisent et inquiètent, au point de faire baisser la tension durant les périodes fébriles. Ceux-là savent vous rendre digestes des formules alambiquées, et vous convaincre du bien-fondé de décisions contestables ou même loufoques. On en trouve qui sont sobres ou qui se refusent à certaines bassesses. Le travail du porte-parole rappelle, dans certaines cultures du continent, celui du griot, ce personnage-clé dans la gestion de la communication. Mémoire intarissable dans nos contrées, il aime à rappeler l’histoire, célébrer et magnifier les faits, glorifier les héros. Il est à craindre que comme dans le cas du journalisme, certains ne fassent l’amalgame. La fonction de porte-parole, si elle s’avère utile, ne doit toutefois pas se réduire à une dimension laudative. En effet, cette fonction est noble, en ce sens qu’elle permet aux gouvernants et à l’institution concernée de s’expliquer, de donner la juste mesure des choses en ce qui concerne les prises de décisions. Ce faisant, elle permet de mieux éclairer la lanterne du citoyen, si tant est que la partisannerie mesquine n’enrobe pas les propos du porte-parole. Ce dernier, en raison de l’importance de sa mission, doit savoir raison garder, et faire preuve de discernement autant que de courtoisie.

Dans les démocraties qui se respectent, les porte-parole sont généralement des hommes et des femmes rompus aux tâches de relations publiques. Plutôt que de jouer les pompiers de service ou aux porte-voix zélés, ils savent aller sans fioritures au-devant des choses pour situer l’opinion sur les événements. Point besoin alors de vulgarité. L’information collectée, traitée et livrée, traduit alors le sérieux et la crédibilité de la personne qui la transmet, autant que la rigueur de la méthode, et la profondeur de l’analyse si besoin est. Force est de constater que sous ces républiques bananières, le porte-parolat tend à devenir un refuge pour beaux-parleurs plutôt qu’une source crédible, une référence en matière de prise de position officielle. Avec la partisannerie en plus, le ton qui frise le persiflage, la confusion est vite consommée avec d’autres corps de métier. Vivement que l’éthique et la déontologie reprennent le dessus dans cet exercice qui a aussi son charme.

« Le Pays »

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Vos commentaires

  • Le 2 février 2012 à 11:13, par Pierros En réponse à : PORTE-PAROLE DE CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENTS AFRICAINS : Communicateurs, griots ou avocats ?

    « Les imbéciles ont décidé de rentrer dans l’histoire à reculons » dit Alpha Blondy dans une de ses chansons. Laurent BADO a insulté lors de son interview sur l’affaire guiro le journaliste qui lui demandait des noms en exemples. "ils sont capables de tuer pour leurs intérêts." Dans un contexte pareil un porte-parole n’est pas fou quel que soit son niveau pour ne pas jouer au griots. Où est « Nobert ZONGO » de l’indépendant lui qui a refusé d’être corrompu et de jouer au griot. Vous voulez que qui se fasse buter encore ? Laissez les jouer au griot car c’est le contexte qui l’impose ainsi. C’est dommage, mais c’est ainsi sinon tu empruntes le chemin du voyage sans retour.

  • Le 2 février 2012 à 22:14, par le Naton En réponse à : PORTE-PAROLE DE CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENTS AFRICAINS : Communicateurs, griots ou avocats ?

    Vous avez dit porte-parole si j’ai bien lu.que voulez-vous qu’il dise en dehors de la volonté de celui qui la recrute pou parler a son nom ? même dans les entreprises publiques ou prives c’est le même mensonge pour appâter la clientèle.Il ne sont pour rien, on les paye pour sa.

    LE NATON

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