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EPITRE A ANCAR : "Comment assurer un bon passage à témoin à la génération suivante ?"

Publié le mardi 31 janvier 2012 à 01h00min

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Comme Monstesquieu l’a su faire à travers Les Lettres persanes, l’auteur de cette correspondance use du style épistolaire pour railler le comportement de tout un peuple dominé par la mal gouvernance. Il s’inspire habilement de l’affaire Ousmane Guiro. Lisez plutôt !
Tu es le premier OUVRIER recruté par ton ami, ton frère et ton camarade Amirou pour engager la lutte organisée du peuple. Jusqu’à ton dernier souffle tu t’es montré à la hauteur de cette mission historique, au double plan syndical et politique. Je prenais toujours un réel plaisir à te rendre visite. Oui, j’ai, religieusement, écouté tes enseignements. De toi, je retiens l’image d’un Homme de foi, un croyant au sens plein du terme.

Fidélité, humilité, modestie, détermination, etc. sont, entre autres, tes traits caractéristiques. Au plan syndical et politique, mon admiration reposait sur ta farouche opposition à l’injustice et à l’iniquité et ta volonté d’airain à combattre la corruption. Ta hantise : comment assurer un bon passage de témoin à la génération suivante ?

Grand Ancar,

Depuis ce jour béni de l’an 2012, nous avons eu la preuve, le peuple burkinabè a eu les preuves matérielles (preuves plutôt lourdes) que le Burkina Faso est pauvre mais qu’une poignée de ses fils et filles est plus riche que les riches des pays riches. Désormais, un (1) milliard de francs CFA est appelé un G... La presse, encore elle, a fait, a très bien fait son devoir. Dans la lutte contre la corruption, le Premier ministre, dont il faut saluer l’action, affirme : « Tout se fera avec le peuple », (Le Pays, n° 5031 du mardi 17 janvier 2012). Mais peut-on être rassuré pour autant ? Que nenni ! Puisque dans le même journal, l’un des Hommes de droit les plus brillants du pays (ancien Magistrat, aujourd’hui Avocat) affirme : "Le Président du Faso est engagé dans tout sauf dans la lutte contre la corruption". Et, en effet, avant le présent scandale, des enfants de dignitaires du régime s’étaient bruyamment manifestés en dépensant des sommes folles dans des lieux de plaisir.

La presse s’en est émue mais pas le système qui gouverne. Alors les internautes ont raison : "Quel héroïsme y a-t-il à clamer la capture d’une fourmi dans une fourmilière ?" (Le Pays n° 5033 du jeudi 19 janvier 2012). Alors, pour "la nécessaire remoralisation du Faso des djembé et des cantines" (Journal du Jeudi n° 1060 du 12 au 18 janvier 2012), la route est encore longue. Le prochain pas sera franchi si le nouveau patron des gabelous restaure l’image du corps en réalisant son engagement : "Notre bataille sera de changer le classement du REN - LAC" (Le Pays n° 5032 du mercredi 18 janvier 2012).

Ancar,

Tes compatriotes sont frustrés et dégoûtés par la qualité de la gouvernance du pays qui dure depuis une génération. Tant pour la lutte contre la corruption que pour la défense du bien commun, du VRAI, de la VERITE, de la JUSTICE, les Burkinabè ne se font plus d’illusions : la Justice de leur pays est dans le coma pour les uns, pour les autres, elle a rendu l’âme. En conséquence, dorénavant, ils se rendent justice eux-mêmes. Pire, ils ont choisi l’arme terrible... du FEU (incendies d’édifices, des services publics, de biens privés, etc.). Quand on sait que la sagesse du Mandingue enseigne "qu’il y a une chose terrible au monde qui ne connaît pas la pitié, qui n’a peur de rien, qui n’est jamais rassasiée et que cette chose terrible, c’est le feu." Alors..

Grand Ancar,

Comme tu le sais, je dois la vie sauve à Amnesty International qui m’a accepté comme prisonnier d’opinion en août 1987 (voir son journal Trade Union Bulletin n° 33 daté d’août 1987). Avec la Justice malade (c’est peu dire !) de mon pays, en juin 2010, j’ai été déchu de mon mandat de député, obtenu de haute lutte trois (3) longues années auparavant.

Il est mal aisé de parler de soi- même. Le mieux c’est de faire parler les autres. Sur ce que d’aucuns ont qualifié « affaire OUALI », Maître Batibié Benao, directeur de publication de « Le Sceptre », a écrit un article qui éclaire d’une lumière crue les contradictions (pour ne pas dire plus) du Conseil constitutionnel burkinabè. Tant sur la forme que sur le fond, les Sages (?) ont montré peu de rigueur, de constance. En 2005, le Conseil constitutionnel a répondu très clairement que la loi n’est pas rétroactive (cf. sa Décision n° 2005 - 007/CC/EPF du 11 octobre 2005). C’était tellement clair pour tout le monde à l’époque ! Tellement clair même en 2011, c’est-à-dire plus d’une demi-douzaine d’années après (’l’affaire OUALI" puisque l’Observateur Paalga dans son numéro 7995 du jeudi 27 octobre 2011 (six longues années après 2005) souligne : « ...

C’est connu, la loi n’est pas rétroactive, mais dispose toujours pour l’avenir ». Et pour être encore plus clair « ... ce serait alors un article dirigé spécialement contre le locataire de Kosyam. Pourtant la loi est d’essence impersonnelle. » Bien dit, très bien dit ! Mais alors pourquoi n’avoir pas dit la même chose, la même vérité, pourquoi n’avoir pas fait la même brillante et lucide analyse pour le citoyen lambda de 2010 ? Pourquoi n’avoir pas relevé et dénoncé la jurisprudence à la carte" des SAGES (2005, Juin 2010 et novembre 2010) ? L’Opinion n° 617 du 10 au 16 mars 2010 confirme : « Certes, la non-rétroactivité de la loi nouvelle votée en 2009 portant sur... mais il y a que ce genre de défection pose toujours un problème d’éthique politique... ». Ethique pour éthique, la liste des députés élus en mai 2007 est connue. Les partis politiques au titre desquels ils ont été élus sont connus aussi. Après Ouali, un autre député a changé de parti politique en cours de mandat...

Mais rien, silence radio à ce jour ! En 2009, quatre années après la célèbre décision du Conseil constitutionnel, le Professeur Luc Marius Ibriga, invité aux Journées dudit Conseil s’est interrogé en ces termes : « le gardien du Temple en est-il un ? ». Peine perdue puisqu’une année après, le Conseil constitutionnel opère un revirement. En fin d’année 2010, nouveau revirement ou plus exactement silence absolu des Sages sur le "fondement de l’article 37 de la Constitution, tel qu’il résulte de la révision du 11 avril 2000, mais aussi sur le fondement de sa récente jurisprudence issue de l’affaire OUALI". Merci Maître ! Evidemment "la Présidence n’est pas une boutique où l’on fait ce qu’on veut" (Le Pays n° 4262 du mercredi 10 au jeudi 11 décembre 2008). Et plus encore « l’élection présidentielle, ce n’est pas un bal de farfelus » (L’Opinion n° 646 du 03 au 09 mars 2010).

Comme je n’étais pas candidat, j’ai simplement posé des questions pour que les SAGES du Conseil constitutionnel me répondent quant à la compréhension qu’il faut avoir de l’égalité des Burkinabè devant la loi. La loi est-elle vraiment égale pour tous ? Nos Sages ignorent-ils « le devoir d’ingratitude » au profit du « devoir de reconnaissance » ? Oui, on nous a dit que le Burkina n’est pas le Niger. Au Niger, il est vrai qu’il y avait une "Grande Royale" à la p résidence du Conseil constitutionnel.

Ancar,

Rassure-toi, de nombreux Burkinabè, comme moi, attendent mieux de leur Justice. Cependant, ils savent que de nombreux magistrats intègres et patriotes travaillent pour l’émergence d’une Justice juste et équitable pour tous les citoyens burkinabè de l’intérieur et de l’étranger, tous les citoyens vivant au Burkina Faso.

Grand Ancar,

« Quand l’incubation se prolonge c’est que la couveuse est mauvaise », a écrit Nazi Boni. Que ceux qui comprennent, comprennent car le même Intellectuel a prévenu que :« plus tard, il sera peut-être trop tard ». (Crépuscule des Temps anciens). Quant au Grand résistant Babemba, il a été catégorique avec ses sofas : "Les chemins de l’Honneur et ceux des facilités ne se croisent qu’exceptionnellement, pour ne pas dire jamais".

Louis Armand Mibyèmba OUALI

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 31 janvier 2012 à 10:28, par karebo En réponse à : EPITRE A ANCAR : "Comment assurer un bon passage à témoin à la génération suivante ?"

    Très bonne analyse de la situation nationale. J’ajouterai que pire nous sommes gouvernés et non dirigés par des extraterrestres noirs qui mangent pas ce que doivent manger les burkinabé, ne boivent pas ce que doivent boire les burkinabé, ne portent rien de l’image du pays et le cumul du salaire de toute le carrière du vaillant travailleur est consommé par un seul de leur enfant en une journée sans que celà ne leur inquiète. Mais sûr, ils seront un jour dans la situation que nul ne doit souhaiter à son pire enemi. Ils ne savent même pas que ce qui est arrivé aux autres va les arrivé s’ils persistent dans leur médiocrité. Cette justice ne pourra jamais dire une seule vérité et la douane ne pourra jamais se laver. Leur Directeur actuel a construit sa villa avec quel salaire. Pour moi le seul honnête c’est le paysan.

  • Le 31 janvier 2012 à 13:20, par YEBA En réponse à : EPITRE A ANCAR : "Comment assurer un bon passage à témoin à la génération suivante ?"

    Bien Cher ami Oualy, un adage bien de chez nous, dit je cite :"même si on n’aime pas le lièvre, on doit au moins reconnaître qu’il court vite" pour te dire que la vérité est mensonge pour ceux qui périssent et reste vérité pour ceux qui sont appelés à vaincre ! Ce que tu dis n’est que pure vérité mais entendront-ils ou du moins voudront-ils entendre ?

    En ce qui est de l’indépendance de la justice, chose tant voulue par le peuple, ce ne serait pas demain la veille car combien sont les procureurs qui ont tanté de dire la vérité lors des procès et qui aujourd’hui sont au garage ! Ils sont légion ces autres fonctionnaires combien compétants qui croupissent dans la misière incapaples de faire profiter à la nation entière leur savoir faire et surtout le plus important leur savoir être...
    Bref, frère on a du chemein à faire et l’héritage qui pointe à l’horizon, nous ne le souhaitons pas à notre pire ennemi... Puisse le Dieu de l’univers nous venir en aide !!!

  • Le 31 janvier 2012 à 13:34, par Sidnooma En réponse à : EPITRE A ANCAR : "Comment assurer un bon passage à témoin à la génération suivante ?"

    Cher Ouali, merci encore pour cette pertinente analyse. Seulement en écrivant « Quand l’incubation se prolonge c’est que la couveuse est mauvaise », a écrit Nazi Boni, et que ceux qui comprennent, comprennent ... ils ne sont pas nombreux dans le cercle qui accepteront de comprendre. Qui veux-tu qui comprennent cela, surtout quand on fait délibérément le choix d’attiser le feu sous la marmite en ignorant que le contenu est déjà cuit.
    Par ailleurs, pourquoi t’attends-tu à ce qu’on te traite à égalité avec les autres ? les exemples sont nombreux qui illustrent qu’une seule personne de leur camp vaut mieux, sinon doit être sauvé quand il le faut au bénéfice d’une communauté qu’on sacrifie sans scrupules. Le Président de l’UPC (que j’apprécie au passage) n’a-t-il dit "qu’au Burkina il n’est pas interdit de voler, ce qui est interdit c’est de se faire prendre". Je ne me donne même pas la peine de citer un exemple.
    Quand SEM le Premier Ministre dit « Tout se fera avec le peuple », je reste encore très septique jusqu’au moment où la justice acceptera d’écouter le peuple et d’agir en disant le droit sans discrimination aucune. Là encore je dit, et je pense que le peuple est fatigué de cet aéroport dont les travaux ne finissent pas. Le 31 décembre est passé, et même le 32 décembre a été fêté, et on nous annonce la réception au cours de ce trimestre. Le peuple aimerait savoir à quoi le contrat de ce prestataire l’obligeait ? En sera-t-il de même pour un prestataire lamda ? Bonne chance nous tous dans ce Burkina qui émerge !!

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