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CONDAMNATION DE JACQUES CHIRAC : Quel effet sur les chefs d’Etat africains ?

Publié le lundi 19 décembre 2011 à 01h20min

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La condamnation à deux ans de prison avec sursis de Jacques Chirac, ancien président français, passe pour un véritable événement, et le premier du genre même dans une grande démocratie comme la France. Certes, le procès et le verdict tombent tardivement parce qu’arrivés à une époque où le condamné est au crépuscule de sa vie. En tant qu’humain, l’on ne peut s’empêcher de compatir à la douleur d’un septuagénaire qui, après avoir rendu service avec dévouement à sa nation, est rattrapé par des erreurs commises il y a plus de 20 ans.

Tout le mérite du dénouement de cette affaire d’emplois fictifs à la mairie de Paris dont l’ancien président de l’Hexagone est désigné par le tribunal comme le principal cerveau, revient à la Justice française. Celle-ci a su incarner avec brio l’image de pays des droits de l’Homme que l’on a toujours collée à la France. L’institution judiciaire française est restée égale à elle-même, sans se laisser influencer, ni par le titre révolu de magistrat suprême ni par celui encore valable de membre du Conseil constitutionnel français du prévenu.

Malgré la requête de relaxation introduite par le parquet au profit de l’ex-maire de Paris et ses neuf co-prévenus, les juges ont tenu à conduire l’affaire jusqu’au bout. Les conclusions de leurs investigations ont révélé de façon claire que le président français le plus proche de l’Afrique a bel et bien « détourné de l’argent public pour servir ses ambitions politiques ». Les trois chefs d’accusation dont on accablait ce dernier sont en effet ceux de "détournement de fonds publics", d’"abus de confiance" et de "prise illégale d’intérêt" pour 19 des 28 emplois fictifs concernés.

Au regard de la lourdeur des charges qui pesaient sur l’accusé, l’on ne saurait reprocher au tribunal correctionnel d’avoir eu la main trop lourde en prononçant cette sentence. L’intéressé lui-même a décidé de ne pas faire appel du verdict, même s’il a tout de même contesté le jugement tout en reconnaissant n’avoir plus la force nécessaire pour poursuivre sa défense. L’homme dont la condamnation fait couler beaucoup d’encre et de salive, n’est donc ni ange ni diable, et ce qui vaut également la peine d’être retenu de lui, au final, c’est l’image d’un homme d’honneur. Car, après la perte de son immunité présidentielle, il n’a rien fait pour entraver la machine judiciaire et a fait preuve d’une disponibilité appréciable en se comportant en justiciable ordinaire.

N’eût été la délicatesse de son état de santé, il aurait assisté à son propre jugement comme lui-même l’avait souhaité. Une façon peut-être pour lui de se racheter et de contribuer à la manifestation de la vérité. Vu d’Afrique, un tel comportement responsable et citoyen demeure encore une vue de l’esprit, un vœu pieux formulé par les assoiffés de vraie démocratie, mais dont la concrétisation tardera sans doute à se positionner dans les starting-blocks. L’idéal serait pour ce cas isolé français de faire école afin que le continent noir puisse en tirer quelques leçons. Pour avoir posé un acte certes répréhensible mais pas aussi grave qu’un crime de sang, le président Chirac a été jugé.

Certains de ses compatriotes n’ont pas hésité, non contents de sa condamnation, à réclamer sa démission du Conseil constitutionnel. Alors que sous nos tropiques, pareille infraction serait passée pour un non-événement ou, tout au plus, un incident de parcours vite étouffé par le traditionnel interventionnisme. Même avec les mains maculées du sang innocent de leurs compatriotes victimes d’exécutions extrajudiciaires, des chefs d’Etat africains bénéficient ou sont sur le point de bénéficier d’une retraite dorée aux frais, bien entendu, de la princesse. La levée de l’immunité qui fait de lui un justiciable comme tout autre citoyen, ne s’abat, dans le Berceau de l’humanité, que sur ceux qui sont en disgrâce vis-à-vis des pouvoirs en place.

Elle est même utilisée par les régimes à démocratie de façade comme une arme de dissuasion pour avoir à leur merci les potentiels concurrents et autres contempteurs. Les dirigeants africains sont tellement passés maîtres dans l’art de copier les mauvais exemples que l’on se demande si ce qui est arrivé à leur ancien homologue d’outre-mer aura réellement sur eux l’effet escompté. Conscients qu’ils finiront par payer sur terre leur cruauté, ils trouveront à coup sûr un bien triste moyen de se prémunir contre une éventuelle justice des hommes. Au lieu d’opérer la mue nécessaire pour éviter de subir le déshonneur de l’inquisition, les dirigeants, obsédés par le pouvoir et l’argent, préféreront s’éterniser au pouvoir.

« Le Pays »

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Vos commentaires

  • Le 19 décembre 2011 à 13:41 En réponse à : CONDAMNATION DE JACQUES CHIRAC : Quel effet sur les chefs d’Etat africains ?

    Chirac, un homme d’honneur ? Vous vous foutez de nous ou quoi ? Un homme reconnu coupable de pratiques hors la loi, condamné pour ça et vous dites qu’il est un homme d’honneur ? On voit que vous n’avez pas suivi de près cette affaire quand vous dites qu’il n’a rien fait pour entraver la marche de la justice et qu’il aurait aimé être au tribunal pour se défendre ; je vous apprends que si le procès a lieu maintenant, c’est que ses avocat et la parquet qui dépend du ministre de la Justice a tout fait pour que le procès n’ait pas lieu ; ils ont multiplié les recours et il a fallu faire attention pour ne pas faire un faux pas dans la forme ! Et puis, quand ils ont tout épuisé leurs arguments, on a sorti son état de santé, disant qu’il est malade ; qu’il ne se souvient plus de ce qu’il a fait ! Mais quand Bourgi a dit qu’il a pris de l’argent avec les dictateurs africains, il a retrouvé bizarrement la mémoire pour démentir ! Non, là vous désinformez les Burkinabè sur le cas Chirac

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