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Editorial de Sidwaya : A l’épreuve du dialogue

Publié le lundi 22 août 2011 à 02h37min

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Feu le Président ivoirien Félix Houphouët Boigny avait, du dialogue en tout lieu et en tout temps, fait son credo. Il ne cessait de répéter « dialogue, dialogue, dialogue ». Ce qui exaspérait bien de ces contempteurs. L’Histoire récente, pour ne pas dire l’actualité de son pays, lui donne raison à titre posthume.
Aussi, parait-il aisé d’affirmer que dans les vies privées et publiques, le dialogue apparaît comme une vertu irremplaçable du bâtisseur, du politique au sens noble du terme, du pacificateur, du rassembleur d’hommes.

La démocratie est-elle autre chose qu’un dialogue permanent, un type de conciliabule citoyen mettant les antagonismes au placard et qui s’est défini et forgé à travers des siècles de débats ?
De l’Agora athénienne, pierre angulaire de la polis, aux différentes assemblées constituantes ou légiférantes en passant par le Forum romain, ces cénacles, lieux de discussions passionnées portées par les orateurs les plus chevronnés se sont parfois, avec les vicissitudes de l’Histoire, transformés en arènes où se sont livrés de féroces et fratricides combats .

Les Burkinabè sont « jeunes » en démocratie, mais leur riche tradition de dialogue et d’ouverture est aussi « vieille » que l’existence de leur vie commune.
Ils savent, comme le dit Amadou Hampaté Bâ, que la parole est comme une bouillie, plat commun que se partagent les membres d’une famille : chacun attend son tour, se sert, et laisse la louche commune faire le tour du cercle des convives. L’attitude de certains hommes politiques burkinabè sur le dialogue national avant, pendant et après les assises du CCRP inquiète : que font-ils avec la louche nationale du dialogue ? La gardent-ils pour eux seuls ? La passent-ils convenablement aux voisins ? Ou l’ont-ils fracassée contre le sol ?
En un mot : que gagnent-ils à plomber l’esprit du dialogue dans le formalisme de la démocratie ?

Dans la logique du dialogue national initié par le Président du Faso, il appartient désormais aux populations à la base de notre société de se prononcer sur les conclusions du CCRP. Pour que ces hommes et ces femmes, terreau de notre démocratie, puissent se prononcer en connaissance de cause, l’élite doit jouer son rôle d’éclaireur auprès d’eux. Y a-t-il un démocrate digne de ce nom qui cracherait sur ce point ? Le pouvoir donne l’opportunité à la classe politique de rencontrer le peuple pour, une fois en passant, lui donner l’information juste.

Qui l’eût cru ? Cela en laisse certains dubitatifs parce que l’initiative vient de celui qui assume le pouvoir d’Etat, objet de tant convoitises. Le proverbe mooré dit pourtant : « Celui qui tient à courir en compagnie d’un ami, ne cache pas à celui-ci le secret des pouvoirs occultes de ses jarrets. »

L’inquiétude des Burkinabè, au fond, n’est plus que le Président Compaoré passe par quelques labyrinthes ou jeux de passe-passe pour modifier l’article 37 lui permettant de se remettre dans la compétition présidentielle, mais comment l’opposition va gérer sa victoire et l’avenir de la démocratie au Burkina si, toutefois, il lui était donné d’assumer la magistrature suprême. Les Anciens constatent que celui qui ne sait pas obéir ne saurait commander. Celui qui ne sait pas saisir l’opportunité du dialogue qu’on lui tend saura-t-il offrir la même opportunité à ceux qui ne penseraient pas comme lui ; ou préférera-t-il se renfermer sur ses convictions quitte à les imposer par quelque moyen que ce soit ?

En politique, il arrive que la bonne cause se nourrisse de mauvaise foi ! Un exemple… Contre « l’horrible » Houphouët, pendant des décennies, le « juste et irréprochable » Gbagbo a décoché ses plus perfides flèches au nom de la liberté, du développement, de la justice, de l’intégrité, de la démocratie … Puis le temps a passé. L’Histoire, l’arbitre des matchs que jouent les rois, a tourné le dos à ses élus pour que d’autres accourent… Et voilà Gbagbo au pouvoir. On a attendu la liberté, la démocratie et le Nirvana, voilà servies l’ivoirité et la confiscation du pouvoir par un clan.

Ceux qui ont vécu l’ère Gbagbo et qui en ont été les victimes racontent l’enfer dans lequel ont croupi toutes les vertus de la refondation ; et même de la vertu tout court. La leçon est tellement cinglante et si proche, poignante, pour que personne, rien qu’à y penser, ne se laisse plus berner par ceux qui n’ont rien d’autre à offrir à leurs concitoyens que les soi-disant torts que leurs devanciers au pouvoir auraient commis.

C’est pourquoi, selon certains politistes du « Cercle », au Burkina, le processus démocratique a atteint un niveau de développement qu’à y voir de près, beaucoup de ses détracteurs intéressés ne pourront honorer s’il leur arrive d’accéder à la magistrature suprême. Lors de la gestion de la crise des mutins, par exemple, des hommes politiques ont pu montrer qu’ils étaient capables de mesquineries, d’étroitesse de vision, le tout enveloppé parfois d’une réaction épidermique.
C’est cette incompétence qu’il faut craindre
et non la révision de l’article 37.

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 22 août 2011 à 09:14, par Tapsoba En réponse à : Editorial de Sidwaya : A l’épreuve du dialogue

    L opposition ne va quand même pas se jeter dans la gueule d un loup qui,lui avance masqué.La confiance doit être réciproque ,ne trouvez vous pas ?Il est bien vrai,comme le disait Joseph Joubert,qu « on peut,à force de confiance ,mettre quelqu un dans l impossibilité de nous tromper ».Mais,Lorsqu on s est déjà fait rouler dans la farine,il y a lieu d être prudent.La balle est plutot dans le camp du pouvoir.

  • Le 22 août 2011 à 16:36, par lapioche En réponse à : Editorial de Sidwaya : A l’épreuve du dialogue

    Espérons que cet éditorial poussera réellement au dialogue, à l’ouverture et à l’apaisement entre les autorités du pays et les partis d’opposition. Le Burkina Faso, pour se relever de la crise qui l’a récemment frappé et pour affronter la récession qui en découlera sûrement, a besoin de stabilité politique. De celle-ci résultera certainement la stabilité sociale. Afin d’aller dans ce sens, il semble opportun que les deux parties se remettent en question sur certains points.

    Il serait bon qu’au sein du CDP l’on se demande sérieusement si encourager Blaise Compaoré à se représenter en 2015, but quasi-avoué de la révision de l’article 37, ne risque pas de réellement attiser jusqu’au brasier les flammes de l’opinion populaire, en substance opposée à cette manipulation de la législation. Pourquoi ne pas laisser la place à quelqu’un qui représente mieux le « changement » tant attendu ? Il serait même possible de temporairement accorder au président sortant certains « privilèges » - une certaine immunité ?- lui permettant, notamment, de terminer les chantiers diplomatiques supranationaux dont il est le maître d’œuvre.

    Du côté de l’opposition, les débats doivent, à mon sens, s’orienter vers la cohésion. Il est difficile, voire même exaspérant, pour un citoyen lambda tel que moi, d’assister impuissant aux divisions, délations, manipulations et malversations qui agitent trop souvent beaucoup des - déjà trop nombreux - partis politiques burkinabè. Afin de tirer le corpus politique vers le haut, il est impératif d’insister sur la réunion, l’intégrité, la bonne gouvernance et l’honnêteté. Seule la mise en commun des ressources humaines, matérielles et intellectuelles permettra aux opposants de proposer une alternative crédible à la gouvernance actuelle.

    Après tout, « l’union fait la force ». Et c’est cette force, cette cohésion retrouvée, qui permettra aux politiques de tous bords de développer leurs aptitudes, faire fructifier leurs qualités, gagner en valeur et cohérence démocratique, sortir de leur « incompétence »…

  • Le 22 août 2011 à 19:48 En réponse à : Editorial de Sidwaya : A l’épreuve du dialogue

    Ce journaliste serait- il un adorateur de l’ homme qui, au nom du pouvoir, a commis les pires atrocites mais a toujours su les cacher par un discours de paix ? Pendant qu’ il parler paix, il cache son long dagger sous son pantalon ; Combien d’ hommes politiques ne sont - ils pas passes sous sa trappe ?
    Je demande au journaliste de ne pas nous servir les lieux communs qui temoignent d’ une jeunessse sans esprit critique que nous avons cote lagune. Au BF, notre jeunesse qu’ on tente de betifier reflechit avec la matiere grise, pas avec la matiere grasse.

    LOP

  • Le 22 août 2011 à 23:59 En réponse à : Editorial de Sidwaya : A l’épreuve du dialogue

    Mon cher DG de Sidwaya, ne confondons pas dialogue et bavardage. Y-a-t-il jamais existe une louche pour cette fameuse bouillie ? Il faut se poser cette avant d’accuser des gens de l’avoir cassee ou gardee.

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