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CRISE SOCIOPOLITIQUE AU BURKINA : "Plus rien ne sera comme avant"

Publié le mardi 16 août 2011 à 01h54min

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Ceci est une réflexion d’un citoyen sur la situation sociopolitique nationale caractérisée par-ci, par-là par des revendications corporatistes avec en toile de fond la vie chère. Lisez plutôt.
"Cousin, Luc nous a eus hein !" me dit ma cousine après avoir constaté la maigre réduction sur son IUTS à la fin du mois. Luc, c’est Luc Adolphe Tiao ci-devant Premier ministre de Haute Volta (devenue Burkina Faso grâce ou par la faute de quelques révolutionnaires en mal d’exotisme) , pays des Hommes Intègres qui ne le seraient plus si je m’en tiens aux différents sondages à venir, menés auprès de certains membres de l’opposition politique, syndicale, religieuse, scolaire, estudiantine, souterraine et je n’en passe pas.

Il faut se dire qu’après l’annonce de cette réduction, beaucoup d’entre nous se sont mis à rêver sur ces 10% de réduction. Beaucoup de crayons ont été usés pour une opération somme toute banale. Selon mon jeune cousin Wahabo, candidat au CEP dont j’ai requis les services, 10% de 4 000 F CFA donnent bien 400 F CFA. J’avoue être tombé dans l’euphorie qui faisait croire que le mode de calcul de l’IUTS était compliqué et que cette réduction équivaudrait à une sorte d’avancement qui ne dit pas son nom. Il faut me comprendre. J’avais sérieusement besoin de cette manne inespérée. Sinon comment comprendre que malgré les avertissements lancés par Wahabo, je puisse continuer de croire que 10% de 4000 F CFA donnent plus de 5000 F CFA ?

C’est vrai que de par le passé, avec la dévaluation du franc CFA pareille aberration mathématique s’est produite où une réduction de 50% a entraîné une multiplication par 2 du résultat final. Mais ça c’est une autre histoire. Cette remarque donc de ma cousine m’a fait un peu sourire. Je n’étais donc pas seul à être tombé dans le panneau du faux calcul de ceux qui ont des contacts au ministère des finances. J’en étais là quand une idée me traversa l’esprit. Rapportée à chaque individu, cette réduction est bien dérisoire (si c’est un euphémisme, prière changer par le terme qui convient) ; mais rapportée au budget de l’Etat, c’est une fortune.

Et c’est là que ça devient intéressant. Voilà comment. Prenons 1000 F CFA comme base de calcul pour tous, vu la diversité des 10% (ça peut être 400, 500, 1 200 ,1 900 F CFA, …). Le calcul se fera avec tous les contributeurs (contribuables si vous voulez. Bon ! Désormais j’utiliserai un seul mot de mon vocabulaire quitte aux puristes de biffer et de remplacer ce qu’ils veulent par ce qu’ils veulent. Figure de style à ma manière.) Il ya au bas mot 60 000 imposteurs (imposeurs ? Imposables ? Je me perds). Donc 60 000 bons gars qui constatent avec allégresse qu’ils ont payé leurs impôts sans même s’en rendre compte. L’Etat n’est tout de même pas bête. Il nous évite les longues files d’attente pour nous acquitter de ce devoir. Sacré Etat !

Toujours là pour nous faciliter les choses. Alors 60 000 X 1 000 = 60 000 000 X 12 = 720 000 000 de F CFA selon toujours Wahabo que je ne vous présente plus. Qui l’eut cru ? De plus en plus intéressant tout ça ! 720 briques sorties des cuisses de l’Etat et jetées dans la rue avant même d’arriver à la maison. Holà ! Que les impatients me suivent jusqu’au bout avant de ramasser leur première pierre pour me lapider. Qu’ils ne disent pas : " C’est faux. Cet argent n’est pas jeté. Ce type ne sait pas de quoi il parle. C’est un vendu, un acheté, un dealer, un gâteau, une soupape de l’Etat. Allons faire un sit-in devant sa classe après l’en avoir expulsé". Concitoyens concitoyennes, ne suivez pas de tels extrémistes ! Parce que si j’ai dit "jeté" c’est parce que peu de gens peuvent dire exactement quel projet ils ont initié pour y injecter ce sale billet de 1 000 F CFA (sale billet qui d’ailleurs les énerve plus que tout autre chose) Hein !

Oui ? Toi qui as commencé à tendre la bouche pour en laisser sortir du pas joli à mon endroit, garde toi de le faire et réponds à cette question on ne peut plus simple. Quel est donc ce projet ? Eh bien ! Je parie qu’il ne va même pas servir pour le lait du petit dernier. Il a plus de chance de tomber sous une table de bar ou entre les mains d’un vendeur de cigarettes bon marché. N’aies pas honte. Il n’y a que toi seul ici en train de me lire. Personne donc ne t’entend. Allez ! Avoue ! Reconnais que tu n’as aucun projet sérieux avec ce foutu billet. Eh bien ! Voilà ! J’ai des solutions (ADO Solutions ?). J’ai un projet pour ton billet : utilise-le pour construire un CSPS ou une école dans un village du Burkina ou pour équiper des hôpitaux.

720 briques par an sur 10 ans cela nous propulse aux encablures de 7 mille briques. Imagine le nombre de CSPS, d’écoles et où d’équipements hospitaliers que cette fortune pourrait nous permettre d’avoir. Des baffles de mon ordinateur j’entends déjà certains s’écrier : "Jamais ! C’est le rôle de l’Etat. De toutes façons, là où je vis il ya déjà un CSPS". Egoïsme suicidaire. C’est ainsi qu’ont réfléchi ceux qui sont accusés aujourd’hui d’avoir volé les ressources de l’Etat pour se la couler douce ou pour mettre leurs rejetons à l’aise pour être finalement surpris par la horde des mécontents civils (excusez-moi les civils mais, comme tous nos politiciens, j’ai peur de nommer les autres. Ils sont capables de tout.

Avez-vous remarqué que personne parmi nos opposants – défenseurs qui veulent être califes à la place du Calife (c’est-à-dire des Iznogoud - lisez à haute voix et traduisez-) je dis donc que personne parmi eux n’a osé citer nommément ces casseurs dont j’ai peur de citer des noms de peur de ne pas m’en sortir entier ? Et ça veut nous gouverner sous prétexte que ceux d’en face sont pourris. Quand on n’est pas pourri on dénonce la pourriture quand elle se présente, mais je sais maintenant qui est couard avant d’avoir eu le pouvoir ; qui ne pourra pas me défendre quand il aura le pouvoir. ( ce type-là, c’est moi) Hey ! Attention ce n’est pas un blanc –seing que je signe là pour les autres hein ? Qu’on se comprenne bien. Fermez la parenthèse !

Cette horde donc qui a tout cassé sur son passage et saccagé des villas cossues, troublant ainsi le sommeil douillet, anesthésié et climatisé de certains rejetons, emportant au passage les ors de leur maman, cette horde-là dis-je, ne connaît pas la loi ou plutôt "s’en fout la loi" sinon, la loi dit de ne pas faire de telles choses. Ne sais-tu pas que tant que ceux restés au village n’auront pas d’écoles ou de CSPS, ils viendront te retrouver en ville ? Non ! Non ! Pas directement chez toi. Mais ils viendront occuper tes lits d’hôpitaux en ville, surcharger les classes de tes enfants que tu destinais à un avenir radieux, exposant tes enfants à une de ces langues nationales à la con qui pullulent dans nos contrées alors que toi, tu fais tout pour que tes rejetons n’aient aucun contact avec le Mooré , le Dioula, le Fulfuldé, le Dagara et que sais-je encore de sauvage .

A la maison c’est le Français. Non tu n’es pas complexé. C’est juste que tu ne veuilles plus te rappeler tes haillons qui t’ont tant traumatisé il n’y a pas si longtemps que ça. C’est humain et ça se comprend. Voilà pourquoi tes enfants ne vont jamais au village. Le risque de contagion y est trop élevé. Quand ces villageois (Quoi ? Vous me suggérez de dire "sauvages" ? Dites- le vous-mêmes. Votre piment ne se mangera pas dans ma bouche.) Quand ils viendront donc ces….. (Complétez à votre guise), l’unique médecin ou infirmier du coin aura bien du mal à s’occuper de votre petit dernier comme il faut. Et votre petit va souffrir ; et entre deux sanglots français vous irez vous plaindre et le médecin vous dira qu’il voit bien que votre enfant a plus de valeur que ce misérable couché là pour la première fois de sa vie sur un lit mais que vu, vu, vu, il ne peut faire autrement.

Et votre petit qui a un malaise (palu, malaria maloxine, metro,… ?) votre p’tit, répété-je, va continuer son râle francophone qui, s’il avait été fait en Mooré aurait été compris par le morveux couché là sans raison qui lui aurait cédé sa place par compassion pour ses pieds non fendillés (ceux de votre p’tit). Ahhh (long soupir) ! Le mal est profond. Je le constate au quotidien avec mes élèves. C’est toujours la faute de l’Etat si tout ne marche pas comme nous l’aurions souhaité. En exercice de "guided essay" (qu’ils redoutent d’ailleurs plus que les MCQ ou (QCM pour les francophilosophes ou carrément "loterie" pour les autres), quand je leur pose une question du genre : "what can we do to kick poverty out of our country ?", ils se concertent tous et décident de commencer par ‘ the government should, the goverement must…’ je leur dis « stop ! The government ne shouldra ni ne mustera rien.

Arrêtez de vous tromper de cible. C’est vous seuls qui musterez. The government n’est pas ici. Cette fuite de responsabilité ne passera pas par moi. » Excusez-moi mais à force de parler anglais, seul, pendant des heures face à des élèves qui n’attendent que le coup de cloche pour les délivrer de ce calvaire, à force donc de parler seul, je finis par mélanger le Français et l’English. D’ailleurs ne me prenez pas pour un mauvais enseignant (âne saignant moi ?). Je vous dis un non sonore et tonitruant. Ce sont les élèves qui ne valent pas grand chose. Moi je suis bon. D’ailleurs à mes devoirs la majorité a moins de 10/20 et tout est concentré entre 2 et 5. Quelle autre preuve voulez vous ? Ceci suffit à démontrer amplement que je ne suis pas responsable du message que les élèves ne comprennent pas. Qu’ils fassent un effort eux aussi ! (soupir !)

En tout cas à la fin de chaque séance, je suis extenué (2e preuve). Qui est donc ce malade qui a osé dire un jour que la responsabilité de la compréhension du message incombe à celui qui le délivre ? Quel ignare ! je vois que ce type ne ferait pas un bon enseignant. Le bon enseignant est toujours en colère, crie pour se faire entendre (mon bonjour aux élèves du lycée Yamwaya de Ouahigouya du milieu des années 80 debut 90 avec Monsieur K.K). Le bon enseignant, continué-je, frappe au besoin ses élèves, est alcolo-résistant et accuse l’Etat, ses collègues, sa femme et ses enfants de lui mener une vie d’enfer. Ahhhhhh ! (très long soupir) excusez ces digressions du sujet principal mais tout se lie et vous allez comprendre pourquoi. Je cherchais une occasion depuis longtemps pour le pousser hors de ma bouche.

Faites une pause et…. continuez de lire la suite. Alors je suggère donc (combien de ‘donc’ ai-je déjà employé dans ce texte ?) que les 720 briques soient fourguées dans une caisse dont je préciserai le mode de gestion plus tard afin de construire leurs hôpitaux à ces……. (Fill in the blanks). Je vois que vous êtes d’accord avec moi. Ce n’est pas tout. Je sais que les énormes émoluments des députés se justifient par le fait qu’ils ont des charges tout aussi énormes : entre autres payer la scolarité des morveux de certains électeurs ou aider à soigner la rage de dent de la fillette du secrétaire général du parti. Je sais qu’aucun député n’a envie de garder tout ce monde dans l’ignorance et la maladie pour pouvoir les faire chanter plus tard. Non ! Ils ne sont pas ceux que vous croyez.

C’est indigne de leur titre. Voilà pourquoi ils sauteront de joie quand ils liront que je propose de les alléger du poids d’une brique par an pour la caisse spéciale. Pour faire court, l’Etat se fera un plaisir de prélever mensuellement le 12e de cette broutille sur leurs émoluments. Pour éviter les oublis dus à leurs multiples déplacements à la base en 4X4 rutilantes même s’ils n’y passent pas la nuit malgré les villas cossues qu’ils y ont. Qui est fou ? Il y a trop de sorciers dans les villages qui ne veulent pas du bien des enfants des autres qui ont réussi. Voilà pourquoi ces villas sont parfois très utiles pour les enseignants du village ou les margouillats et autres salamandres qui s’y livrent à des courses-poursuites très épiques croyez moi. Cette retenue nous fournira 111 briques nouvelles pour le mur d’enceinte de la caisse.

Cela donne 830 briques. Cela suffit pour des ‘chambre-salon-douche-et-wc-externes caissiers. Ah ! Il ya aussi les ministres. Vu qu’ils sont logés, véhiculés ; jardinés, gardés et hydraulisés par l’Etat, ils se doivent de nous aider à prévenir cette ruée des hordes affamées (par qui ?, je ne saurais le dire) vers les ors de leurs femmes. (Enlevez les S si ça vous chante). C’est donc en dansant qu’ils se laisseront délester d’une brique par an. (A la source SVP !) Pour ceux qui auront fait moins d’un an au gouvernement ils se contenteront des 10% d’IUTS. Il faut savoir compatir. N’en abusez pas ! Le PF et son PM donneront aussi, par an, une brique chacun. Normal que ce soit une brique pour eux aussi. Ils ont avec eux l’excuse qu’on ne les a jamais vus émarger lors des séminaires qu’ils président.

Pour les autres, je ne vous dirai pas que les financiers les retrouvent au bureau pour signer pour 4 à 5 nuitées qu’ils ont passées dans leur nid douillet climatisé et non fulaphone à Ouaga alors que le séminaire se déroulait à Réo. Pas question de laisser les ministres faire des promesses démagogiques du genre "moi ministre de ci et de ça, je donne 5 briques par an". Nous ne tomberons plus dans ce piège. Pas question que le PF aussi donne plus que ce qui est prévu. Sinon j’en imagine qui se croiraient obligés, parce que le Boss « a donné tant, il faut que je donne tant » comme cette histoire de ‘J’aime mon pays’ ou chacun se croyait, pour ne pas être stigmatisé (ce qui allait se passer effectivement) se croyait donc obligé d’organiser la même manif parfaitement budgétivore et inutile pour contrer un Blé Goudé au bout du rouleau.

C’est fini hein ! Plus jamais ça ! Heureusement, dans ma zone, la bourrasque scolaire nous a évité ce mélodrame tropical et bananier (bananière ne convenant pour le cas d’espèce). Tout cela réuni nous donne au bas mot 900 000 000 de F CFA par an et sur 10 ans 9 000 000 000 de F CFA, comptez les zéros et vous aurez le tournis. Einstein disait : « la folie c’est faire tout le temps la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Pendant longtemps nous avons laissé notre destinée entre les mains de l’Etat.

Ça n’a pas encore marché. Alors, maintenant, changeons et prenons la destinée de l’Etat entre nos mains et n’écoutons pas certains. Quelqu’un dont j’ai oublié le nom disait que « certains sont si conservateurs que pour eux rien ne devrait être fait pour la première fois ». Eh bien ! Votre conservation (c’est bien de cela qu’il s’agit hein ?) ne marchera plus aujourd’hui. Plus rien ne sera comme avant. Même s’il va falloir utiliser la méthode … douce.

Gourcy le 19 juin 2011

BARRY Pathé, Enseignant à Gourcy

Le Pays

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