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JUSTICE : "Il n’y aura pas de paix sans justice"

Publié le mardi 16 août 2011 à 01h53min

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Dans l’écrit ci-dessous, l’auteur estime que la justice doit précéder la paix durable. Il fustige "la justice partiale et à géométrie variable" qui renforce chez le justiciable un sentiment d’impunité décrédibilisant l’appareil judiciaire.
Lorsque nous voulons la paix intérieure, nous devons être justes avec nous-mêmes et justes avec les autres ; cette vérité à l’échelle individuelle peut être extrapolée à la dimension d’une société et d’un Etat. Au-delà de la vie chère, la crise sociale qui vient de secouer le pays tout entier est symptomatique d’un Etat où règnent les maux tels que l’impunité et l’injustice. La justice est l’un des piliers de la cohésion sociale dans la mesure où elle fait office de médiatrice dans les conflits opposant les individus entre eux (droit privé) et aussi des individus avec l’Etat (droit public).

Une justice respectable doit être médiatrice et non bourreau, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doit pas sanctionner quand il le faut. La cohésion sociale s’effondre lorsque la justice semble prendre le parti d’un camp plutôt que d’un autre (une famille, une ethnie particulière, une classe politique...) puisque les individus et groupes sociaux incriminés par cette justice aux ordres ne reconnaîtront pas la légitimité de ses arrêts. Dans cette situation de justice partiale et à géométrie variable, on ne peut qu’observer la juxtaposition d’une seconde justice : celle du peuple, bénéficiant d’un respect supérieur. Or, la justice populaire peut se révéler désastreuse et dangereuse en ce qui concerne l’unité populaire, puisque son caractère non formel peut ouvrir la porte à bien des abus et des rancœurs comme cela a été le cas lors de la dernière crise sociale à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, etc.

La justice a le devoir de formaliser et de concrétiser les mesures de rétorsion à l’encontre de ceux qui se sont rendus coupables de monstruosités (qu’ils soient inféodés au pouvoir on non). Il est bon d’instituer une journée nationale de pardon ; mais qui pardonne à qui ? Et pourquoi ? La vérité et la justice s’imposent avant tout acte de pardon. Le pardon est l’aboutissement d’une justice juste et véridique. Lorsque les victimes obtiennent réparation pour les préjudices qu’elles ont subis, elles n’ont plus besoin de se venger par elles-mêmes et peuvent tourner la page d’un évènement douloureux. Le travail de deuil part ainsi sur des bases saines.

Dans le cas contraire, lorsque la justice n’accède pas aux demandes des victimes soit en ne reconnaissant pas le préjudice soit en faisant du dilatoire et de la diversion en mettant en place des commissions d’enquête aux ordres, un fort sentiment d’impunité en résulte, décrédibilisant l’institution judiciaire ; c’est ainsi que se développent des rancœurs indélébiles au sein des familles endeuillées comme les cas Thomas Sankara, Norbert Zongo, Justin Zongo et bien d’autres crimes commis, nécessitant le rétablissement de la vérité et de la justice. Toutefois, si la justice a un rôle indispensable à jouer dans l’instauration d’une paix durable, elle ne doit pas constituer un recours systématique au règlement des différends.

De nombreux problèmes peuvent trouver leur solution dans un cadre extra-judiciaire. Les contentieux familiaux (hors affaires de mœurs), les erreurs médicales et nombre de différends interpersonnels ne doivent pas toujours être résolus par l’intermédiaire de la justice. Nous préférons la paix dans la justice qui est plus durable et favorable à la cohésion sociale et en harmonie avec la spiritualité, à la paix dans la corruption qui est source d’impunité, d’instabilité, de désordre social de malédiction et de sécheresse spirituelle. Avant de déposer ma plume, je laisse cette parole du Prophète Mohammad à méditer pour nos gouvernants, en ce mois béni de ramadan : « Craignez l’invocation de celui qui est injustement traité même s’il est un négateur (Kafir), car il n’y a pas entre cette invocation et Dieu, de voile ». On ne peut être plus clair.

A vous de juger.

Lassané OUEDRAOGO (ouedlas2004@yahoo.fr)

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 août 2011 à 06:59, par Beurk En réponse à : JUSTICE : "Il n’y aura pas de paix sans justice"

    Désolé mais il ne suffit pas d’une journée nationale de pardon parcequ’on a obtenu une quelconque réparation pour des préjudices subis et ainsi tourner la page comme si de rien n’était.Je dis non et non parceque cela ressemblerait à une sorte d’achat des consciences à savoir,je te donne ça et tais-toi.Non,non non.C’est pas comme ça qu’on construit une vie en société sinon les puissants,les grotos vont se croire tout permis.Dans ce cas,on se retrouve plus dans une jungle que dans une vie de respect des uns et des autrres avec nos différences à savoir la cohabitation entre riche et pauvre,entre fort et faible,entre petit et grand.La justice doit être la même pour tout le monde sinon c’est une parodie de justice pour amuser la galerie

  • Le 16 août 2011 à 17:53, par leregard En réponse à : JUSTICE : "Il n’y aura pas de paix sans justice"

    C’est une vérité fondamentale pour une cohésion sociale à quelque nouveau que ce soit : famille, État. Malheureusement au Faso, nos dirigeants se croient être toujours plus malins et sont hypocrites, mais ils se trompent car, ils seront toujours rattrapés par la justice fut-elle divine. C’est ainsi que pour la journée du pardon, on a fait un amalgame en partant depuis les indépendances. Quand, on se retourne et qu’on regarde en arrière, rien ne justifie que l’on considère cette période si non pour noyer le poisson dans l’eau car les seuls régimes qui ont commis des crimes sont ceux qui ont été au pouvoir depuis 1983 avec une transition dans le sang en 1987.Comme le ridicule ne tue pas au Burkina, il s’est trouvé des gens pour dire que leur affectation à Gorom-Gorom est un crime !!! Fonctionnaire de l’État, Goom-Gorom étant une localité du Burkina (la Haute Volta au moment des faits), l’État pouvait, pour des raisons évidentes, les affecter partout y compris Gorom-Gorom. Bien sûr la manière est contestable. Mais dire que cela constitue un crime, c’est quand même un trop gros, même si on cherche à accompagner les vrais crimes commis sous le CNR et depuis 1987. Mais comme les tenants du pouvoir sont cyniques, imbus de leur personnalité (alors que la plupart sont issues de famille paysannes modestes si non, pour les plus chanceux, de familles de petits fonctionnaires), méprisant la population et protégés par l’impunité érigée en système de gouvernance, ils ne pouvaient pas descendre de leur piédestal pour reconnaitre leurs forfaits et demander pardon au peuple ! Moralité, la journée de pardon n’a rien donné. On a, comme toujours, utilisé cela pour se sucrer une fois encore sur le dos du peuple !!
    Comme si cela ne suffisait pas, on nous sert l’amnistie pour tous les anciens présidents. Il y en a que trois en vie : Saye Zerbo, Jean Baptiste Ouédraogo et Blaise Compaoré. Les deux premiers vaquent allègrement à leurs occupations sans que personne ne les inquiète. Ils n’ont rien, en tout cas, côté crime de sang ou économique à se reprocher. Seul Blaise Compaoré reste. Une fois encore, la mascarade, le cynisme et surtout la duperie. On a noyé le poisson dans l’eau pour ne pas regarder en face la vérité. Ceux qui ont poussé à la proposition d’une amnistie, n’ont pas dit pourquoi ? Blaise se reproche-t-il quelques crimes ? Lesquels ? On ne peut amnistier quelqu’un qui n’a pas commis de délits ou de crimes. Qu’on nous dise s’il a commis des crimes. Personnes ne soutient cela et des gens demandent une amnistie taillée pour lui !!Mieux on place les anciens présidents au conseil constitutionnel pour éviter toute poursuite judiciaire par un régime véritablement démocratique qui sera obligé de rendre justice car nul n’est au-dessus de la loi. La preuve c’est que Blaise,alors Ministre de la justice sous le CNR, a jugé le président Lamizana pour des peccadilles (histoire de coca cola acheté plus cher qu’à Ouaga lors d’une mission !!) Le peuple a su donner la réplique en soutenant massivement le Président Lamizana. Le peuple est toujours reconnaissant envers ses dirigeants pour peu que ceux-ci se préoccupent véritablement de sa situation et qu’il vivent près de lui !!
    Tant qu’au Burkina, les dirigeants n’auront pas le courage et l’humilité de reconnaitre leurs fautes et de demander franchement pardon, il y aura toujours cette fracture. Aujourd’hui les enfants, femmes, parents et amis des personnes assassinées attendent. Le temps travaille pour eux surtout pour les plus jeunes. Leur nombre s’agrandit aussi grâce aux naissances et alliances. Ils grandissent alors que les bourreaux vieillissent et certainement ont de moins en moins de supporters. C’est maintenant ou jamais de solder cette page sombre pour ne pas dire noire de notre histoire récente. La culture africaine est très tolérante : il suffit que le président Blaise à la télé reconnaisse avoir commis des actes condamnables qui ont meurtri des cœurs , endeuillé des familles et rendu malheureux des personnes, et qu’il regrette sincèrement ce qui s’est passé puis qu’il demande pardon aux familles. Je ne connais pas une seule famille qui va rejeter sa demande de pardon. On aura alors tourné cette page douloureuse de notre histoire pour qu’enfin nous puissions regarder ensemble dans la même direction. Si non, pour paraphraser quelqu’un " tôt ou tard, il faudra faire face à son passé !" Mieux vaut tôt en toute liberté qu’embastillé comme certains anciens présidents africains le sont aujourd’hui (l’égyptien, et peut-être le tunisien puis le libyen très prochainement !! A qui le tour ?)

  • Le 16 août 2011 à 18:50, par le jeune En réponse à : JUSTICE : "Il n’y aura pas de paix sans justice"

    au burkina les gouvernants semblent avoir la mémoire courte.comment oublier que la crise est la conséquence d’une injustice criarde ! prenez le cas des agents de la fonction publique. comment comprendre qu’un agent du ministère des affaires étrangères de categorie A gagne moins de 100000frs. sans aucune indemnité ! pardon ayez pitié des gens

  • Le 17 août 2011 à 11:45, par Hamane En réponse à : JUSTICE : "Il n’y aura pas de paix sans justice"

    Merci à l’auteur de cet article. sur ce forum, j’avais dit ceci un jour "...je suis un peu de ton avis. la violence est souvent facteur de progrès et le précède. A quoi sert la paix si c’est pour reculer ? c’est pour cela je n’ai jamais aimé tous ces soit disant ambassadeurs de la paix. c’est un opium. un pays dans la paix et sans justice sociale est dans une paix fragile. un pays dans la justice sociale est est un pays dans la paix car, même les idiots sauront que s’ils violent les principes, la justice sociale les rattraperont.
    les meilleurs développementalistes sont unanimes que le dévéloppement c’est la justice sociale, pas le progrès ou la croissance. mais la juste repartition des biens et des services entres les acteurs conformement ou proportionnellement à leurs mérites. on peut augmenter la croissance d’un pays, et les voleurs augmentent leurs parts de vols et les pauvres s’appauvrissent. il y a eu croissance mais il n’y a pas eu développement. Or il peut ne pas avoir de croissance et les voleurs diminuent ou cessent de voler et il ya une meilleure repartition des biens et des services donc un développement..."

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