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Editions Sidwaya : Vers une autre manière de faire de la politique ?

Publié le lundi 23 mai 2011 à 02h50min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Lors de leur rencontre avec les populations de Koudougou, Tertius Zongo et Luc Adolphe TIao, le précédent et l’actuel Premier ministre, ont fait mieux que se parler : ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre, ils ont communié dans la même vision fraternelle. Ensemble, ils ont donné à voir à tous les Burkinabè l’une des plus belles images de leur unité. Petit geste, grands effets ! Serait-ce, au Faso, un revirement dans la manière de faire de la politique ?En cinquante années d’exercice laborieux des souverainetés nationales en Afrique, force est de souligner que trois manières - ou trois moments - ont marqué nos pratiques politiques. Elles sont identifiables à travers ces trois mots : inclusion, opposition et pluralisme.

L’époque de l’inclusion, c’est celle des hommes forts. Elle inaugure les indépendances et est marquée, par endroits sur le continent noir, par des tendances autoritaristes. Il fallait, disait-on, rassembler toutes les forces vives des jeunes nations pour lutter d’abord contre le colonisateur et, ensuite, créer le socle de l’unité nationale, indispensable à la réussite des projets de développement. Cela ne s’obtenait parfois que par le biais d’un bras de fer, le parti unique en est la preuve tangible. « Taisez-vous, suivez-moi, on se développe dans l’unité ». Pendant ce temps, dans les rangs de ceux qui sont ainsi rassemblés, tous les coups sont permis. « Ôte-toi de là que je m’y asseye » : de quoi laisser le champ libre à l’instauration durable de l’opportunisme, de la corruption et du clientélisme.

Il pouvait avoir, en termes d’animosité et de médiocrité, plus d’opposition au sein d’un même parti que ce que l’on rencontre aujourd’hui entre opposants. Tout cela pouvait se distendre au maximum, comme l’a illustré la situation au Dahomey, qui fut dirigé par un triumvirat instauré militairement entre juin 1970 et le putsch d’octobre 1972. Dans le même ordre d’idées, et à la même période, le Ghana voisin voyait les Présidents de la République - de Kwamé N’krumah à Jerry John Rawlings - se succéder à sa tête à un rythme infernal.

L’époque de l’opposition, c’était et c’est toujours celle des partis forts. On l’a observé à l’époque de la Haute-Volta où l’UNDD a tenu le RDA en échec dans son propre jardin. A ces élections glorieuses, le pays a été cité en exemple de démocratie. Il faut cependant préciser que la dictature et la mauvaise foi des partis victorieux, si on n’y prend garde, peuvent être pires que celles des individus. L’homme de parti risque de toujours prendre la défense de l’erreur, pourvu qu’elle soit défendue par son mouvement politique. La conjoncture actuelle, au Burkina, nous semble-t-il, est celle qui tend à préférer la vérité à l’autorité du parti, afin de sauvegarder l’intérêt général, surtout quand celui-ci appelle à la paix, la stabilité, la sérénité, la confiance ou encore la justice.

Nous allons, de ce pas, vers une autre manière de faire de la politique.Cette tendance semble confirmer que nous entrons dans une ère où prévaut un pluralisme ouvert, un dialogue social réfléchi, celui que symbolisent les accolades entre l’ancien Premier ministre et son dauphin. Car le pluralisme, c’est le moment des Etats forts. Zongo et Tiao : deux serviteurs de l’Etat. Et ils en sont hautement conscients. Y a-t-il lieu de se regarder d’un œil torve après que la succession ait été entérinée ? Certains serviteurs de l’Etat burkinabè ont même ardemment souhaité que le déluge et le chaos s’abattent et emportent leur successeur ! D’autres ont eu la témérité d’arracher d’une main ce qu’ils ont semé de l’autre. Quelques-uns , enfin, ont eu à s’offrir les services de marabouts pour exorciser le siège laissé vacant par leur prédécesseur !

En tous les cas, Luc Adolphe Tiao et Tertius Zongo ont donné là l’image idoine et la leçon évidente de ce que devrait être le Burkina politique. L’actuel Premier ministre et son devancier se sont donné la main à Koudougou pour sortir de la crise, se sont réunis sous une même tente - chose inimaginable il y a peu - pour se pencher sur les préoccupations de l’heure. Une image malheureusement quasi absente du passé politique africain, tant il est de coutume de voir ceux qui ont quitté un poste à hautes responsabilités regarder en chiens de faïence « l’ennemi » qui a été désigné pour assurer la continuité de l’Etat. Le partant appelle de tous ses vœux l’échec de son remplaçant ; celui qui prend fonction brûle d’envie de réduire en cendres.

Les meubles du prédécesseur pour clairement signifier la rupture totale.Dans son discours au continent prononcé depuis Accra, le Président des Etats-Unis Barack Obama a soutenu que « L’Afrique a besoin d’Institutions fortes et non d’Hommes forts ». Les enseignements tirés par les politistes et l’expérience que « le berceau de la vie » fait, au jour le jour, de la démocratie, montrent, cependant, qu’il faut des Hommes moralement forts, de la trempe de Mandela par exemple, pour assurer la préservation et le renforcement des institutions… Sinon, c’est le socle de la nation qui s’effondre. Laurent Koudou Gbagbo l’a atrocement démontré il y a peu. Nous avons des raisons de croire qu’avec l’exemple donné par les Premiers ministres Tiao et Zongo, nous sommes entrés dans une zone sécurisée par la vigueur d’âme de nos dirigeants, avec une force qui maintient unis une chose et son contraire dans la pluralité et le pluralisme de leurs sens : certainement une autre manière de faire de la politique

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 23 mai 2011 à 04:55, par Daniel En réponse à : Editions Sidwaya : Vers une autre manière de faire de la politique ?

    Pour un journal d’État, vous devez dépasser ces aspects de "personnes" pour voir plus loin !Les hommes passent, le pays demeure !Changer votre conception qui consiste à toujours "chanter" les hommes !

  • Le 24 mai 2011 à 13:16, par Gédéon En réponse à : Editions Sidwaya : Vers une autre manière de faire de la politique ?

    Lorsque Karol Wojtyla, devenu pape Jean Paul II a commencé son ministère, il a confié à un de ses collaborateurs qu’il faut que le pape sorte, qu’il ait des contacts, qu’il aille à la rencontre des peuples. "Le pape doit aller à la conquête des coeurs de façon chaleureuse et fraternelle." C’est cette image que tentent de nous donner Luc et Tertius je l’espère. Très belle image donc. C’est l’occasion de dire aux autres, politiciens et apolitiques d’aller à la conquête des coeurs des hommes. Non pour des places à l’Assemblée Nationale ou des postes de responsabilité. Non pour l’hypocrisie politique. Mais pour la bonne foi et au nom de notre humanité. Alfred SAUVY a dit clairement qu’aujourd’hui notre monde a beaucoup besoin de tendresse. Les spirituels acclament haut et fort que l’amour est la seule force de guérison de ce monde. Chers politiciens, montrez par moment que vous êtes capables d’humanité et que votre charisme sert à éveiller les consciences et à semer l’amour partout où vous allez.

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