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Chasser un dirigeant politique du pouvoir ne doit pas être une fin en soi

Publié le vendredi 29 avril 2011 à 01h36min

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“Mon statut actuel est celui d’un simple citoyen, mais je n’ai pas toujours été un citoyen lambda puisque j’ai été, à un moment donné, un des acteurs politiques du gouvernement Lamizana dans un ministère de souveraineté, celui des Affaires étrangères. A ce titre, je me permets de donner ici un point de vue personnel sur une situation nationale devenue préoccupante et dont on parlera beaucoup dans toutes les chancelleries. Ayant été cofondateur du CDP en 1996 j’ai été, comme beaucoup d’autres, un proche du Président Blaise Compaoré patron du CDP à un moment donné.

Mais ayant démissionné du CDP en 2000 pour fonder la CNDP qui m’a porté à l’Assemblée nationale, je ne suis plus un proche du Président mais je reste un citoyen libre gouverné par le CDP et son patron. J’apprécie ici librement la situation nationale. D’aucuns diront cependant que je fais la part trop belle au Président Blaise Compaoré. Soit ! C’est un point de vue que je respecte volontiers tout en pensant que les leaders de l’opposition qui n’ont pas été candidats à la présidentielle de novembre 2011 avaient aussi fait une part trop belle au Président Blaise Compaoré. D’accord pour ne plus lui faire une part trop belle, mais lui faire tout de même une part en toute objectivité. Par ces temps de crise, le départ, volontaire ou « forcé », du Président Compaoré du pouvoir est contre-productif à bien des égards, et je m’expliquerai dans les pages qui suivent.

L’échec d’un grand parti comme le CDP ne peut pas être le fait d’un seul acteur, fût-il président charismatique réélu à 80% des voix. Nous devons oublier nos sensibilités actuelles, taire nos rancœurs pour avoir une pensée saine pour la solution à nos problèmes nationaux. Ne renvoyons pas toute analyse à la politique quand il s’agit d’une situation nationale aussi grave. En dehors de nos évêques qui ont démontré avec des arguments solides et sans passion que la révision de l’article 37 n’était pas une bonne chose pour la nation, qui a dit quoi sur la gouvernance actuelle et sur ce qui se profile à l’horizon 2015 ? Et pourtant, le CDP compte en son sein d’éminents juristes, sociologues et autres avocats et chercheurs.

Même le Président de l’Assemblée nationale, à haute voix, a dit que le maintien de l’article était antidémocratique tout en traitant, entre les lignes, les pays qui limitent le nombre de mandats d’antidémocratiques et tout en déifiant le peuple que le CDP n’a jamais respecté réellement. Nous avons connu des moments de difficultés plus graves et commencions à voir un début de développement, mais qui est gêné par la crise générale. Ne reculons pas, le pire est derrière nous et même si on n’aime pas le lièvre pour ses grandes oreilles, par exemple, il faut admettre qu’il court vite.

C’est la nature du métier qui veu

La politique, dit-on, est diabolique et cousue de mensonges et de crimes divers. Celui qui fait la politique n’est jamais en odeur de sainteté partout. Les uns l’applaudissent sans intérêt particulier (administration), les autres l’adulent, chantent avec la cuillère à la main, d’autres murmurent et protestent. C’est la nature du métier qui veut ça. Nous autres, acteurs, nous sommes obligés de savoir pardonner. Les situations politiques ne se comparent pas toujours et dans toutes les circonstances. Le Burkina Faso n’est pas la Tunisie, n’est pas l’Egypte, n’est pas la Libye ... L’étouffement de la voix démocratique n’est pas total chez nous. Il y a une Assemblée, même si elle est et vote ce que l’exécutif veut. Il y a des organisations syndicales qui peuvent se réunir, revendiquer, marcher... Nos médias privés s’expriment et sont des références pour leurs lignes éditoriales à l’extérieur.

Le verre de la démocratie et de la bonne gouvernance est à moitié plein. A chacun de le remplir à sa manière dans sa vie quotidienne. Les hommes nouveaux ne nous suffisent pas ; il faut qu’il aient un esprit nouveau non revanchard pour nous aider et pour nous tirer du mauvais pas qui nous conduit dans les malheurs. Une vraie action politique durable ne doit pas partir de ce qui sent la haine et l’absence d’objectivité ; elle ne doit pas non plus aboutir à la haine et à la subjectivité. Il n’y a pas de bon chef mais de bons collaborateurs qui entourent le chef, dit le Moaga.

En dehors des Refondateurs qui ont dénoncé certaines erreurs du CDP pour le changement, qui dans ce grand parti a levé le doigt pour dénoncer ce qui ne va pas ? En dehors de la sortie courageuse de Salif Diallo, qui de l’entourage du Président a proposé quelque chose pour améliorer la situation ? Quel ministre, accusé à tort ou à raison, a osé mettre son portefeuille en jeu pour se mettre à la disposition de la Justice pour crédibiliser le gouvernement ? Quel Député élu quatre fois est-il prêt à céder son fief électoral à un autre pour que celui-ci fasse ses preuves ? Quel Directeur général mis en cause dans une malversation avérée a eu la pudeur de démissionner ?

Tout le monde dans le parti majoritaire se conduit comme dans un parti unique. On se tait pour sauver sa place. C’est vrai que Blaise Compaoré fait beaucoup pour l’extérieur mais c’est à la demande de ses pairs. Est-ce un mal, fallait-il refuser ? La faim actuelle n’est pas née au Burkina Faso, elle est mondiale et même aux USA on trouve des gens qui ont faim ou qui ne mangent pas à leur faim. La fin de la faim viendra de la fin de l’égoïsme, de l’indifférence face aux problèmes nationaux de la cupidité des hommes.

Aucun homme politique, de lui-même et de son équipe, ne peut éliminer la faim dans un pays. Malgré la bonne saison pluvieuse, les prix du mil, du maïs et d’autres céréales n’ont pas baissé au Burkina Faso. Ceux qui ont de l’argent bien ou mal acquis achètent à vil prix chez les paysans, stockent et revendent plus cher plus tard. Le gouvernement peut amoindrir ce mal, mais ne peut pas le supprimer malgré plusieurs tentatives pour contrôler nos céréales. Il vient du village le plus reculé et le plus pauvre.

Nos militaires ont raison ; ils luttent contre la corruption, la mauvaise gouvernance, l’impunité, l’injustice, des maux qui ne sont pas le seul fait de Blaise Compaoré. Chacun à sa place peut et doit lutter contre ce mal, surtout quand il a une responsabilité. Lorsqu’un ministre se permet de démenotter un fonctionnaire reconnu coupable dans les couloirs du Palais de justice parce que ce n’est pas « n’importe qui », tout homme responsable tombe des nues et dit que la Justice est aux ordres, sans se tromper.

Tant qu’il y aura dans ce pays la peur de dire la vérité, de peur de déplaire, de peur de perdre un avantage, la mal-gouvernance persistera et on ne devrait pas accuser un seul homme, fût-il Président. Tout l’entourage du Président Blaise Compaoré, à quelques rares exceptions, est fait de faux amis politiques gourmands (opérateurs économiques, féroces milieux d’affaires) qui souhaitent que le festin continue et s’abstiennent par conséquent de donner des conseils constructifs.

Aucun pouvoir ne peut négliger impunément ces soldats...

Le ton apaisé, les mesures d’apaisement sont une indication de la volonté de bien faire du gouvernement. Ne personnalisons pas nos problèmes et sachons nous mettre au-dessus de nos subjectivités ; il y a une main tendue du pouvoir, différente d’une main de fer ; il faut la saisir et instaurer un dialogue constructeur pendant qu’il est temps. Nos militaires assurent notre sécurité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il ne faut ni les pourrir ni les diviser pour mieux régner, mais leur donner ce à quoi ils ont droit et le minimum vital.

Il n’est pas bon d’aller en banque quand les militaires touchent leurs salaires virés. On se bouscule, on s’insulte grossièrement, on menace le caissier pour toucher quelquefois moins de 500 F CFA. Certains ont des familles, beaucoup sont mal logés en ville. Aucun pouvoir ne peut négliger impunément ces soldats... Aucun coup d’Etat militaire n’est salutaire, mais quelquefois il se justifie face à un certain comportement. La Révolution a fait du bien et des dégâts, mais elle a permis la reconstruction d’un pays, quoi qu’on dise.

Entouré de bons collaborateurs et débarrassé du poids négatif successif de courtisans de faux amis, le Président Blaise Compaoré fera un meilleur et dernier quinquennat. Tous ces gourmands qui le poussent à réviser l’article 37 font du mal à Blaise Compaoré et à tout le pays, et c’est à cause d’eux que les manifestants s’attaquent aux symboles de l’Etat et aux biens des gourous du pouvoir. Le peuple n’est pas aussi bête ni aussi “bétail électoral” que l’on pense. Dans la situation actuelle, le départ précipité du Président Compaoré est totalement contre-productif et nous embarquera vers des horizons incertains.

En effet, dans ce genre de changement pour changer, changement visant une personne et non pas nécessairement tout un système pourri, on sait comment ça commence mais on ignore comment ça se termine et c’est toujours le peuple, ce machin dont on parle mais que personne ne se décide à respecter, qui paye cher. La Révolution a suffisamment fait la casse utile et inutile ; il y a un début d’émergence malgré le contexte difficile. Continuons dans ce sens puisque le pouvoir, conscient de la situation, nous invite à des réflexions pour une amélioration à travers les réformes annoncées et préparées avec tous les partis.

Un départ politique pour être heureux a besoin d’une relève crédible et fiable. Blaise Compaoré est un militaire, chef d’Etat et chef de parti, entouré de personnes poursuivant des intérêts personnels et n’osant pas dire la vérité comme Salif Diallo. L’opposition combattue et battue et que personne n’a le courage de soutenir face au parti-Etat ne peut pas être, pour le moment, une relève sûre. Deux candidats opposants se sont distingués à la dernière présidentielle avec 8% et 6%. C’est insuffisant pour gouverner une si grande diversité d’opinions. Il y a beaucoup de sankaristes mais tout le monde n’est pas sankariste et nos populations tannées par les chefs coutumiers affiliés au pouvoir actuel ne seront pas prêtes à soutenir un Peulh capable mais dont l’ethnie est stigmatisée à tort.

Ceux qui cassent actuellement et réclament justice n’ont pas trente ans

Un capitaine ne quitte pas un bateau qui coule. On ne “dégage” pas un capitaine aussi connu dans la sous-région et ailleurs... d’un bateau qui coule, surtout quand beaucoup de passagers assument une part de responsabilité dans la panne. Le moment n’est pas opportun pour un départ du Président Blaise Compaoré, surtout après tant de casses, de vols, de pillages qui sonnent le glas de la mort de la morale publique. Nous avons senti moins et nous sentirons de moins en moins la crise ivoirienne en raison de la stabilité et de l’autorité qu’on nous attribue. Ceux qui ont fait la révolution du 4-Août avec de bonnes intentions avaient trente ans et tendent maintenant vers la cinquantaine. Ceux qui cassent actuellement et réclament justice, militaires comme civils, n’ont pas trente ans. Ceux qui pensent pouvoir gouverner en cas de besoin n’ont pas encore 50 ans.

A 73 ans je ne souhaiterais pas faire un saut dans l’inconnu avec des gens sans expérience, poussées par la faim, la pauvreté, la haine. Un bel outil performant entre des mains inexpérimentées peut devenir un explosif. A l’issue de ces mouvements, nous conseillons au Président Blaise Compaoré, dont nous ne souhaitons pas le départ maintenant, de faire en sorte que le prochain gouvernement soit un gouvernement de transition composé d’hommes et de femmes compétents non compromis de quelque manière que ce soit, soucieux du bien public, et ayant une bonne moralité et un peu d’expérience dans la gestion de l’Etat.

Un tel gouvernement conduit par un vrai Premier ministre compétent ayant plus de liberté d’action et de décision doit faire plus d’Etat que de politique et combattre réellement la corruption, l’impunité, la fraude sous toutes ses formes. Il doit rendre l’Armée plus professionnelle, plus républicaine, plus protectrice du peuple et de l’Etat. Comme le Président, l’Assemblée nationale ne doit pas être dissoute dans un contexte aussi trouble.

Le Président Blaise Compaoré doit absolument s’abstenir de se représenter en 2015 pour éviter des ennuis à lui-même, à ses compagnons qui ont tous trempé, qui dans le crime, qui dans le crime économique, qui enfin dans l’incapacité de conduire nos affaires d’Etat. Le gouvernement de transition devrait s’atteler, avec l’Assemblée nationale qui ne doit pas être dissoute, à trouver des conditions de sortie honorable (amnistie générale) pour tout ce monde qui nous a plus ou moins mal gouverné depuis vingt ans et qui n’ont pas tous démérité. Ce n’est pas en deux décennies que nous aurons une démocratie acceptable, quand certains pays l’ont bâtie au prix d’un siècle de combat avec des milliers de morts. Compte tenu de tout ce que j’ai dit plus haut, je ne participerai pas aux mouvements qui s’annoncent pour le 30 avril 2011.

Ouagadougou, le 19 avril 2011

Alfred Kaboré

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 29 avril 2011 à 20:23, par nasser En réponse à : Chasser un dirigeant politique du pouvoir ne doit pas être une fin en soi

    tu ne participera pas au mouvement c’est ton problème
    et vous savez pourquoi on est toujours dans des problèmes c’est tous simplement parce qu’on est malhonnête quand tu t’en prends au peules il t’ont fait quoi ? pour ce lui qui se réclame le sagesse et qui a des idées ethniques comme tu la prouvé je suis désolé ! j’ai 70 ans !!!!!!!!!!!! je m’excuse au près des autres mossis pour dire que le moiga ne pas plus sage que le peul sur tout en matière de gouvernance l’histoire l’a prouvé. bien vrai que je n’ai pas 70ans mais je ne tiendrai jamais ces propos sur tout quand on se réclame la sages

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