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SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

Publié le lundi 25 avril 2011 à 22h56min

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La dissolution du gouvernement burkinabè et les changements de commandement opérés à la tête de l’armée traduisent à souhait la prise de conscience par le chef de l’Etat de la profondeur de la crise que traverse le pays des Hommes intègres. Le nouveau Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, était sans doute sur le même niveau de compréhension de la situation nationale quand, à l’aube de sa nomination, il a annoncé la formation d’un gouvernement ouvert et resserré. Mais à la surprise générale, l’ouverture promise n’a pas été effective. Certes, la réduction du nombre de portefeuilles ministériels, qui est passé de 38 à 29, est à saluer en ce sens qu’il peut participer de la réduction du train de vie de l’Etat.

Il n’en demeure cependant pas moins que le nouvel organe exécutif est, au-delà de la personnalité des ministres qui le composent, un répondant du précédent. La configuration ancienne, parti majoritaire-mouvance présidentielle-ADF/RDA, a été reconduite. Loin de nous l’idée de dénier au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) son droit de gouverner avec seulement ceux qui l’ont accompagné dans sa conquête du pouvoir. Toutefois, l’une des importantes voies de recherche de solutions au malaise que vit le pays est la prise en compte de toutes les sensibilités dans les organes de gestion du pouvoir d’Etat.

A défaut de confier ne serait-ce que quelques strapontins à des opposants, Blaise Compaoré, puisque c’est à lui que revient le dernier mot, aurait pu au moins faire recours à des leaders avérés de la société civile en qui se reconnaîtra le Burkinabè moyen. En décidant de ne constituer le gouvernement qu’avec ses fidèles partisans, le président burkinabè a ainsi fait royalement fi des attentes du peuple. Car, aussi bien les élèves, les militaires que les militants des syndicats sont des parties intégrantes de la population. Et à ce titre, leurs revendications doivent être prises en compte dans les grandes décisions concernant les affaires nationales. En plus du pain et de l’eau que ces derniers demandent, ils ont également exprimé leur soif de démocratie, notamment d’alternance.

Une telle aspiration est d’autant plus légitime que les récents événements viennent de prouver que c’est le système dans son essence qui est aujourd’hui décrié. En témoignent du reste les cas de casses et de pillages ciblés de certains domiciles, grands magasins et boutiques de haut standing appartenant à des caciques et autres inconditionnels du pouvoir. Sans être pardonnables ou même tolérables, ces actes de violence que ne sauraient d’ailleurs justifier les motifs de ces manifestations ayant dégénéré, ont leurs réelles causes dans le ras-le-bol de la majorité des Burkinabè. Ceux-ci en ont marre de voir les mêmes têtes dans les sphères de décision, la plupart des manifestants n’ayant connu de président que Blaise Compaoré dont les promesses ("le progrès continu et un Burkina émergent") sont jusque-là restées de pieuses intentions.

Le pouvoir de la IVe République, en 24 ans de gouvernance, a contribué positivement et comme il le pouvait, au développement du Burkina Faso. A son premier responsable de savoir maintenant lire les signes des temps et de préparer une sortie honorable en pensant à quitter le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard. Et le contexte actuel est plus que jamais opportun pour l’enfant terrible de Ziniaré pour prendre une forte et décisive résolution et de façon solennelle. Au lieu de faire dans le dilatoire en adoptant des mesures spectaculaires mais à effet superficiel, juste pour calmer de façon éphémère les troubles, il est temps pour lui de saisir le taureau par les cornes.

Cette importante décision qui pourrait en inspirer bien d’autres peut consister en une déclaration où le chef de l’Etat himself renoncerait catégoriquement à la révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè. Une fois le pas de la conservation du verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels franchi, dans le but de terminer son quinquennat actuel dans la paix, il devra faire le ménage autour de lui. Blaise Compaoré a en effet intérêt à se dégager des serres de son système qui risquent fort de l’étouffer. La crise a peut-être surpris Blaise Compaoré mais certainement pas ses collaborateurs et prétendus admirateurs. Ces derniers, comme l’a rappelé un leader social, abusent des prérogatives de leurs postes et deviennent arrogants, médisants, irresponsables et égoïstes. Ils empêchent donc tout contact utile entre le régime et les autres forces politiques et sociales, enfermant ainsi le premier dans une tour d’ivoire toutes choses dangereuses pour la stabilité, la paix et ils le savent bien.

C’est de cet isolement que le premier magistrat burkinabè doit sortir. Cela passe par l’adoption d’une nouvelle stratégie de communication vis-à-vis de l’opposition politique désormais représentée par un chef de file. Des démarches comme la récente visite du président du Parlement à cette dernière institution pour discuter du sort à réserver à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) doivent être renforcées et empreintes de sincérité.

Il est plus que jamais temps pour le locataire de Kosyam de prouver à ses concitoyens qu’il les a vraiment compris. Il doit mettre au-dessus de tout l’intérêt suprême de la nation pour la préservation duquel il faut une franche réconciliation des populations et une synergie d’actions des composantes de l’Etat de droit. Et c’est à cette tâche que doit s’atteler le père de la nation, qui pourra une fois cette mission accomplie, se retirer du pouvoir la tête haute, avec la conviction qu’il peut y revenir si tel est le désir des Burkinabè. Espérons seulement qu’il en ait le courage et les moyens moraux et politiques nécessaires. De fait, Blaise Compaoré a davantage à se méfier de son entourage et de ses "amis" que de ceux qui lui disent de songer à préparer sa sortie par le haut et dans l’honneur. Il y a un temps pour construire et un temps pour le repos. Et quand le ciel multiplie les signes pour le retrait il est préférable d’en tenir compte. C’est, au demeurant, la voie sublime d’entrer et de s’installer royalement dans l’histoire de son peuple, de son pays.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 26 avril 2011 à 08:05, par Le paysan En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    Merci. Voilà qui est bien dit. La balle est dans le camp du PF. Attendons de voir donc.

  • Le 26 avril 2011 à 09:10, par PS En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    Bonne analyse. Je suis d’accord pour que le Président Compaoré travaille dans le sens de ne pas se représenter en modifiant la Constitution. Cependant, il n’est pas obligé de sortir pour nier la modification de l’article 37 de la Constitution. Il n’a jamais dit qu’il va la modifier et il n’a jamais dit le contraire. Son parti, composé de rapaces et d’ennemis du Peuple en pense et en parle. Il ne se réduit pas au CDP qui n’est plus une réalité politique mais une menace de la démocratie tout comme l’UNIR/PS et d’autres formations politiques.
    Le pays a besoin d’une refondation politique, de nouveaux acteurs politiques, d’une nouvelle administration plus citoyenne et amoureuse de la nation.
    Le système Compaoré tant décrié a comme composantes les partis politiques de tous les bords, les institutions de toutes les tendances, la presse de toutes les couleurs. Pour changer le système, il revient à chacun d’opérer une révolution intérieure, de chasser la haine en lui et de faire preuve de plus d’amour et d’empathie.
    Il ne s’agit pas d’importer ou de créer une nouvelle race de Burkinabè, il s’agit de renaître, de changer notre mentalité, de changer notre perception de la réalité et de cesser notre comportement irresponsable. La faute, c’est les autres et nous, la sainteté. Ce manichéisme ne produit que la douleur.
    Pour l’amour et la paix, le changement doit se faire en nous, avec nous et pour nous.
    PS

  • Le 26 avril 2011 à 10:24, par KRAZA En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    J’apprecie vraiment la muticulosite avec laquelle vous avez redige cet article.Je me permet de depasser le sujet aborde ici pour vous presenter a vous Monsieur le journaliste mes admirations pour votre charisme !L’avenir est dans votre main si vous continuez ainsi.Bonne continuation !

  • Le 26 avril 2011 à 10:25, par KRAZA En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    J’apprecie vraiment la muticulosite avec laquelle vous avez redige cet article.Je me permet de depasser le sujet aborde ici pour vous presenter a vous Monsieur le journaliste mes admirations pour votre charisme !L’avenir est dans votre main si vous continuez ainsi.Bonne continuation !

  • Le 26 avril 2011 à 15:20, par Conscience En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    La situation nationale du moment n’est pas un problème de premier ministre ou de ministres. le veritable problème, c’est le système avec Blaise Compaaoré en tête. Pendant plus de 20 ans, on a laissé faire. Maintenant, trop, c’est trop. Blaise peut s’octroyer tous les postes ministeriels mais si le système ne change pas, ce sera toujours pareil. On suit les choses de près maintenant. Moindre defaillance dans le système, c’est sa demission pure et simple. Sinon, ce qui est arrivé aux autres, lui arrivera même si c’est au prix de nos vies. L’heure des chefs d’Etat de plus 2 mandats est revolue. Ce qui est sûr, d’ici 2015 pour son depart definitif du pouvoir, beaucoup de choses peuvent se passer. Les prochains Jours, semaines, mois nous diront de l’évolution de la situation nationale. A bon entendeur, salut !

  • Le 26 avril 2011 à 15:20, par Pathé Diallo En réponse à : SITUATION NATIONALE : Blaise doit annoncer une mesure forte et décisive

    Je partage votre point de vue et vous félicite également pour cette belle analyse. Espérons seuleument que le PF lira cet article et aura le courage de suivre vos conseils pour le bien de la nation. Comme vous le dites tout n’est pas négalif dans le bilan de ces 24 ans de règne mais il est grand temps, les signaux sont clairs !

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