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Editorial de Sidwaya : Pour que triomphe la vérité !

Publié le lundi 7 mars 2011 à 00h38min

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Des violences ont secoué le Burkina les 22, 23 et 24 février dernier... Le gouvernement a compris le message transmis par les Burkinabè, particulièrement sa frange jeune et scolarisée et a décidé de prendre le taureau par les cornes. D’autant plus qu’il est de nécessité que justice soit rendue, face à des cas comme celui-ci, où la vérité crève les yeux... ! Ainsi, la lumière sera faite sur « l’affaire Justin Zongo » dans une démarche transparente, et les présumés coupables répondront de leurs actes, les assumeront, pour la paix sociale au Burkina.

Cela se fera nécessairement dans les règles de l’art et dans un esprit de sauvegarde des valeurs communautaires et républicaines. « Pour déjeuner avec le diable, il faut avoir une longue cuillère » dit un adage. Beaucoup de Burkinabè - dont nous - pensaient que le diable de la destruction avait, enfin, fuit la Cité. Quelle ne fut donc pas notre surprise, la semaine dernière, de voir et d’entendre rugir dans nos murs, le démon de la colère. Dès lors, il faut sans doute exorciser le mal à la racine. S’impose alors une réflexion positive et nationale sur ces événements douloureux…

La première erreur serait de s’adonner à la construction d’une géographie de la bêtise : « ça se passe à Koudougou, à Kindi, à Réo… ». Erreur : ça se passe au Burkina, même si de tels événements sont partis d’une localité. Au demeurant, nos enfants sont en train de nous démontrer qu’une telle géographie n’a plus de sens. Si l’épicentre a été Koudougou, l’onde s’est rapidement diffusée sur l’ensemble du territoire. Cela démontre qu’aujourd’hui, nous formons indissolublement la même communauté de sentiments et de volonté, la même communauté d’intérêts matériels et symboliques, le même creuset de valeurs et d’espoirs à tel point qu’un plat de vengeance préparé à Kokologo pourrait se manger chaud à Kantchari.

La deuxième erreur serait de se préfabriquer des boucs émissaires, pensant connaître les mobiles de nos propres actes, et « avoir fini » avec ceux que nous indexons à la vindicte populaire. Montaigne nous avertit, fort utilement, qu’il y a plus de différences entre l’homme et lui-même, qu’entre l’homme et son semblable : prudence dans nos jugements et les élans qui s’en suivent. De « préfabrication », en réalité, nous ne faisons que « postfabriquer » nos ennemis, puisqu’en de pareilles situations, ce sont ceux que nous n’aimions pas depuis longtemps qui portent, par la suite, le pantalon de notre haine, même si le pantalon en question est encore chez le couturier ! Prenons un exemple : qui est le responsable de la Révolution française ? « C’est la faute à Rousseau », dit Gavroche, un personnage des Misérables de Victor Hugo.

Selon Bonaparte également, « c’est lui, Rousseau, qui a fait la Révolution ». L’historien René Guerdan, l’auteur de la présente citation, ajoute : « Louis XVI, quoiqu’en termes plus choisis, ne parlait pas autrement. » Même pour les amis de Rousseau, c’est toujours lui, puisqu’ils célèbrent encore la fête du bonnet de leur brillant ami…

Aujourd’hui, nous comprenons un peu mieux les causes de la Révolution française, et savons que celles-ci ne se réduisent pas aux idées et faits de Rousseau. Le plus important, ici, c’est de ne pas oublier que dans une communauté restreinte où tout le monde connaît tout le monde, comme il en est chez nous, cette manière de se donner des boucs émissaires à bons comptes est suicidaire pour la vie communautaire. Et sans vie communautaire réussie, sans entente et solidarité, où irons-nous chercher notre développement ? Sans la convivialité et le bonheur simple de vivre ensemble, comment vaincre les affres psychologiques de la pauvreté et des conflits de générations ? Comment se sortir des vieux réflexes gérontocratiques – qu’il est loin le temps où notre dite inexpérimentée jeunesse était considérée comme soit disant ignorante ! - dont il faut malheureusement encore tenir compte ?

La troisième erreur serait de sacrifier la vérité sur l’autel d’une entente pourrie, parce qu’« on ne veut pas des histoires », « on ne veut pas déranger certaines forces établies ». Les Anciens disent que quand l’eau sent mauvais, c’est qu’elle héberge un corps étranger. De même, quand l’entente est pourrie, c’est qu’elle essaie de s’accommoder avec ce qui révolte, le mensonge par exemple. En hommes et femmes responsables, aimant leur pays et les institutions qui en font un milieu où il fait bon vivre, avec le temps et la manière, nous devons assumer notre devoir de vérité. Cela peut prendre un an, deux ans et même plus, ce n’est jamais trop tard pour l’éclosion d’une vérité qui sauve. Le Général de Gaulle aurait dit qu’on ne résout pas les problèmes politiques, on les déplace. Restons sous le soleil du Faso pour reconnaître que le mensonge est une denrée très précieuse, une sorte de boisson mortelle : il vaut mieux ne pas en abuser. Et quand on sait que les problèmes font aussi des petits comme des rats, on se dit qu’il est sage d’en déplacer le minimum possible, pour ne pas courir le risque d’en recevoir, en retour, des milliers qui vous tombent sur la tête. Le regretté Sotigui Kouyaté (qu’il repose dans la paix du juste) raconte dans une représentation théâtrale - fort réussie au demeurant - une historiette de sauterelles entre deux enfants, qui s’est tragiquement déformée et amplifiée pour devenir une guerre entre deux communautés ; celles-ci finissant par se décimer comme… des sauterelles !

Dans « l’affaire Justin Zongo » qui s’est amplifiée à partir de Koudougou, il convient de retenir que pour l’essentiel, pour que triomphe la paix, il faut cultiver le bon sens et le sens de la mesure, l’amour de la vérité. Le débordement engendre le débordement, prépare le terrain pour l’injustice et l’anarchie. En s’appuyant sur nos propres ressources culturelles, on pourrait en faire l’économie. Mettons en pratique cette règle d’or qui est affirmée dans toutes les sagesses et dans tous les Livres saints du monde : « Ne fais pas à autrui, ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse… »

Par Ibrahiman SAKANDE

(Email : sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 7 mars 2011 à 02:12 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pour que triomphe la vérité !

    En tous les cas il y a intérêt à ce que cette fois-ci ce jugement ne soit pas rendu par des juges triés sur le volet avec des missions et des recompenses à la clé comme on l’a vu dans l’affaire David OUEDRAOGO. Nous avons tous été témoins de la célérité avec laquelle Mr. Ernest Nongma OUEDRAOGO a été jugé quand il a fait un écrit sur le Palais du Président à Ziniaré. Si on avait actionner le même accélérateur, en ce moment le jugement des commanditaires et exécuteurs de tous les enfants morts depuis le drame récent de Koudougou était terminé.

  • Le 7 mars 2011 à 09:18, par Del En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pour que triomphe la vérité !

    Félicitation pour votre article, c’est si bien dit !
    Del

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