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Editions Sidwaya:Et l’intégration sous-régionale et régionale ?

Publié le lundi 10 janvier 2011 à 02h20min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Les opérateurs économiques de l’Ouest du Burkina sont inquiets. Ils devront parcourir 1400 kms environ pour s’approvisionner à Accra (Ghana) contre 750 kms à Abidjan (Côte d’Ivoire), leur port d’attache traditionnel. Cela va se traduire par des surcoûts de production et par ricochet, des prix de consommation à la hausse.

La crise ivoirienne, qui s’installe dans une mauvaise durée, vient nous rappeler l’absolue nécessité de l’interdépendance sous-régionale et régionale. En effet, le pays des hommes intègres, territoire carrefour et encastré est bien placé pour comprendre cette impérieuse nécessité.

Au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, simultanément, maints filières vitales de l’économie tournent au ralenti : le bétail, les céréales, le coton, à l’exportation du côté burkinabè ; et du côté ivoirien, l’attiéké, les fruits, les produits manufacturés auxquels Abidjan nous a habitués : café, savon, huile, pour ne citer que ces produits-témoins. La circulation des personnes et des biens, convenue dans les traités de l’UEMOA et de la CEDEAO est de plus en plus difficile, d’un côté comme de l’autre.

« Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu » aimait répéter Feu Félix Houphouët Boigny, président emblématique de la Côte d’Ivoire, et membre fondateur du Rassemblement démocratique africain(RDA).

Après cinquante ans d’indépendance célébrée un peu partout dans l’allégresse, ne devrions-nous pas nous interroger sur les nécessaires intégrations que nous n’avons pas su ou pu créer ? Intégration qui nous aurait rapproché et nous aurait évité des conflits dûs à nos origines géographiques

Le mouvement social nous parait être en avance sur l’initiative politique sur le terrain de l’interdépendance vécue. Le politique ne gagnerait-il pas à suivre le mouvement social, celui des populations qui ignore les bornes. C’est-à-dire le déplacement continu et spontané des gens à la recherche des solutions idoines à leurs problèmes vitaux.

L’Afrique de l’Ouest précoloniale, si l’on en croit les historiens, sans l’onction d’aucune force ou stratégie politique explicite s’était déjà dotée d’un marché sous-régional à Salaga, au Ghana. De même, des échanges commerciaux importants existaient entre Sikasso, Korhogo et Bobo-Dioulasso. Le sel, le pagne baoulé, le poisson de Tombouctou, la kola, le tabac, le cuir, le cheval, l’âne, les armes et outils en fer, les sciences avérées ou occultes, les objets d’art… allaient d’un bout à l’autre de l’Afrique occidentale. Ces commerçants avaient leurs polyglottes, ceux-là mêmes qui deviendront plus tard les tout-premiers interprètes entre les colonisateurs et les colonisés.

Aujourd’hui, le mouvement social a continué l’élan intégrateur des anciens. Ainsi, pour les artistes, les travailleurs manuels, les commerçants de l’informel, les missionnaires religieux musulmans et chrétiens et les membres des mouvements religieux que l’on continue à appeler « sectes », les groupements associatifs, les clubs de sports, les étudiants, et même pour les amoureux, nos frontières n’ont aucune réalité. Il n’y a que l’homme politique africain pour brandir des drapeaux et faire retracer en les coloriant les frontières pour les rendre visibles et crédibles et surtout créer dans les esprits des barrières et les entretenir par des idéologies xénophobes. La question qui s’impose est la suivante : pourquoi la gouvernance politique ne se laisserait-t-elle pas guider par le mouvement de base de nos populations ?

Il y a bien eu un projet politique intégrateur affirmé par le « Rassemblement démocratique africain ». Ce parti a affirmé son idéologie panafricaine. Dans la réalisation, les hommes politiques qui le dirigeaient ont renoncé à cette ambition pour des raisons diverses. Néanmoins la Côte d’Ivoire, sous la conduite du Président fondateur du RDA s’est muée en une véritable mosaïque de peuples africains.

Au cours de ses efforts de médiation, le Président Blaise Compaoré est allé s’adresser à l’Assemblée nationale ivoirienne. Un conseil de ministres conjoint Burkina Faso-Côte d’Ivoire s’est réuni à Yamoussoukro et a pris des décisions courageuses dans le sens de l’intégration entre les deux pays et de la locomotive de l’intégration sous-régionale. Cela traduit la volonté des peuples de l’Afrique précoloniale et postcoloniale de coopérer dans la recherche de leurs intérêts, de réaliser l’ambition première du projet du RDA, le rassemblement des africains par la voie démocratique.

Le Burkina Faso, un pays carrefour, un pays qui sait donner et recevoir, un pays de culture et d’ouverture, entend développer cette ambition d’intégration. Aujourd’hui, ce qui se passe à Abidjan retarde cette vision que le Burkina et la sous-région se donnent. Elle ne l’hypothèque pas. Car l’avenir de tous et de chacun se trouve dans cette vision de grande ouverture. Vivre ensemble, quelle que soit la forme de la tête de son vis-à-vis ou la mine qu’il fait ? Ou mourir seul ? Il n’y a pas de choix shakespearien.

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 10 janvier 2011 à 05:38, par PIKINI KWAMA En réponse à : Editions Sidwaya:Et l’intégration sous-régionale et régionale ?

    c’est pour que la crise n’en finissent pas et que les pays comme Burkina Mali et autres tournent leurs transactions commerciles que le Ghana a refuse d’aider la CEDEAO dans son intervention militair pour que la cote D’ivoir retrouve de facon fulgurante une situation stable.

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