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BURKINA : Propositions pour une justice indépendante

Publié le vendredi 24 décembre 2010 à 01h27min

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"Construction d’une gouvernance responsabilisée sur le fondement d’une justice libérée". Tel est le voeu des auteurs de l’écrit ci-dessous, qui font des propositions pour une Justice véritablement indépendance au Burkina.

" La question des réformes, portée haut par des acteurs politiques et de la société civile depuis quelques années, a fini par s’inscrire comme une nécessité incontournable dans les agendas politiques. Le chef de l’Etat en personne, a ainsi fini par en reconnaître la pertinence à travers son appel solennel du 11 décembre 2009, invitant les citoyens à réfléchir à l’approfondissement de la démocratie en vue de la renforcer. La campagne de la présidentielle ne pouvait pas ne pas résonner des préoccupations liées à ces réformes, surtout que l’UNDD a mené une contre-campagne principalement basée sur celles-ci. Tenant compte de ces réalités et nous inscrivant en droite ligne de la demande de pause pour repenser les principes de notre gouvernance nationale, nous croyons qu’un nouveau contrat social ne peut s’écrire qu’en se fondant sur une justice indépendante.

La Constitution burkinabè de la IVe République, en ses articles 124 à 136, consacre le pouvoir judiciaire, confié aux juges et exercé sur tout le territoire du Burkina Faso par les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif déterminées par la loi : le pouvoir judiciaire est indépendant. On ne parle pas d’autorité judiciaire mais de pouvoir judiciaire, ce qui n’est pas banal à relever. Cependant, il a été constaté une justice partisane inféodée par le pouvoir politique qui fait et défait le juge ; Le Burkina Faso fait face à une justice à deux vitesses suivant que l’on est riche ou pauvre ou selon les convictions politiques du justiciable. Le juge se trouve face au peuple et est désavoué. Le juge se trouve face au juge à travers des guerres de clan. Le peuple désabusé ne fait plus confiance à la justice.

Et pourtant, la justice est le baromètre du développement, la loi étant la prévision de tout investissement sécurisé. Lorsque le peuple est animé de ce sentiment d’injustice, le pays entier court un risque de déstabilisation. En tout état de cause, il sied de restaurer une justice fiable au service du peuple et cette refondation concerne tous les acteurs de la Justice en commençant par les magistrats.

I/ DES MAGISTRATS

Le pouvoir judiciaire est exercé par les magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif ; Cependant ce pouvoir ne jouit que d’une indépendance de façade.

1) Le pouvoir exécutif a une grande influence sur le pouvoir judiciaire

Les ordres viennent de l’Exécutif et passent comme une lettre à la poste. Le magistrat qui veut de la promotion se laisse transformer en passoire.

Les ordres sont de plusieurs types : - ordre de poursuivre ;
- ordre de ne pas poursuivre ; - ordre de juger dans un sens guidé.

Pour parer à cette situation, il faut revoir la composition du Conseil supérieur de la magistrature dont le président est le président du Faso et le vice-président le ministre de la Justice qui donne toujours son avis sur l’avancement du magistrat. La carrière du magistrat est donc en jeu s’il ne se plie pas aux ordres reçus de l’Exécutif, d’où les démissions souvent intervenues en guise de protestation. Une magistrature indépendante passe par un Conseil supérieur de la magistrature indépendant, sans présence de l’Exécutif qui biaise le fondement de la séparation des pouvoirs.

2) Le politique marque le judiciaire

Suivant l’article 35 de la loi organique 36-2001 AN du 31 décembre 2001 portant statut du corps de la magistrature “ il est interdit aux magistrats en activité d’être membres d’une formation politique et/ou exercer des activités politiques”. Devoir de réserve oblige. Cependant, il est à noter que des magistrats ont des accointances notoires avec des partis politiques. Ils flirtent avec des politiciens qu’ils couvrent judiciairement les rendant intouchables ou au profit de qui des décisions judiciaires sont prises en violation de la loi. Ainsi, la justice devient partisane, dessert le peuple au profit du politique encore, dans l’objectif d’acquérir des avantages injustifiés. Il faut donc une formation et une conscientisation des magistrats à cette indépendance du politique pour une indépendance totale du judiciaire. En outre, une réflexion doit être menée sur le Conseil constitutionnel qui est une institution hybride.

II/ DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Suivant l’article 2 de la loi organique 11-2000 AN du 27 avril 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure applicable devant lui, “ le Conseil constitutionnel comprend un président nommé par le président du Faso, trois magistrats nommés par le président du Faso sur proposition du ministre de la Justice après avis du Conseil supérieur de la magistrature, trois personnalités nommées par le président de l’Assemblée nationale ”. Cette institution républicaine a pour haute mission des attributions en matière de régulation du fonctionnement des institutions, de l’activité des pouvoirs publics, d’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant une juridiction, de contrôle des partis politiques, de référendum et de révision de la constitution, d’élections présidentielles et législatives et de prestation de serment, en matière de contrôle des biens et de contrôle de constitutionnalité . Il s’agit d’une institution capitale dans l’organisation de l’Etat. Il faut que l’Exécutif et le Législatif n’aient pas de mainmise sur cette juridiction hybride de l’Ordre administratif. Que par conséquent, l’ouverture même pondérée de sa saisine aux citoyens soit examinée.

III/ DE LA POLICE JUDICIAIRE

La police judiciaire, chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte, est exercée sous la direction du procureur du Faso, par des fonctionnaires de police ou de la gendarmerie, sinon des chefs de circonscription administrative. La police judiciaire concourt ainsi à l’œuvre judiciaire, mais le personnel y relatif relève de ministères différents : - ministère de la Sécurité pour la police
- ministère de la Défense pour la gendarmerie
- ministère de l’Administration territoriale pour les circonscriptions administratives. Dès lors, il n’est pas rare de voir la machine grippée parce que le supérieur hiérarchique de l’officier ou de l’agent de police judiciaire ne partage pas le même point de vue que le parquet. L’officier de police judiciaire a ainsi une double hiérarchie car de par ses attributions judiciaires, il est sous la coupe du procureur du Faso. Cependant sa carrière est gérée par son ministère de tutelle et non le ministère de la Justice. Il y a lieu de réfléchir sur une police judiciaire liée étroitement au pouvoir judiciaire.

IV/ DE LA GARDE A VUE

L’ordonnance 68-7 du 21 février 1968 portant institution d’un code de procédure au Burkina Faso, a instauré une phase d’enquête préliminaire secrète à la diligence du seul officier de police judiciaire qui a charge d’informer le procureur du Faso. L’article 75 de ladite ordonnance fixe le délai de la garde à vue de 72 h, pouvant être prolongé de 48 h avec l’accord du parquet. Cette période est le tremplin à beaucoup d’excès allant des violences aux abus de garde-à vue sans sanction. Il est souhaitable que l’Avocat puisse intervenir à l’enquête préliminaire par assistance du gardé à vue. En ce cas pour les affaires complexes, le délai peut être prolongé à charge de faire déduction en cas de condamnation définitive. Il s’agit là de consacrer pleinement le droit de la défense et d’asseoir une réelle présomption d’innocence."

René Bessolé BAGORO Magistrat

Maître Amédée YERE Avocat à la Cour

Me Florent Serge-Aimé KI Juriste

Me Victor SANOU Huissier de Justice

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 décembre 2010 à 10:32, par le politicien En réponse à : BURKINA : Propositions pour une justice indépendante

    Merciles ga pour vos propositions. Mais sachez que les destinataires sont de mauvaises foi. vous avez toucher pertinemment des faiblesses de notrejustice et par ricochet de notre democratie. Merci encore

  • Le 26 décembre 2010 à 20:26 En réponse à : BURKINA : Propositions pour une justice indépendante

    Vous-mêmes, dans les fonctions qui sont les vôtres, que faites-vous au quotidien pour changer les choses !!???!!

  • Le 27 décembre 2010 à 16:19 En réponse à : BURKINA : Propositions pour une justice indépendante

    Je retiens : Article 75, le délain de la garde à vue est de 72 h soit trois jours, susceptible d’être augmenté de 48 h soit 2 jours, donc au total 5 jours.
    Dans ces conditions, combien de prévenus ont été gardés pendant des mois dans les commissariats et brigades de gendarmerie au-delà de ce délai légal.
    Cela nécessiterait la nullité de l’ensemble des procédures ayant délibérément violé ces principes élémentaires de la procédure pénale. J’invite solennellement tous les avocats à invoquer in limine litis la nullité de toutes les procédures n’ayant pas respesté ces délais de 5 jours.
    Me P.K. Avocat

    • Le 1er janvier 2011 à 18:42, par Jarod En réponse à : BURKINA : Propositions pour une justice indépendante

      j’ai honte à votre place Me P.K.C’est trop facile de demander la nullité de toutes les procédures qui ont fait fi de l’art 75 du CPP.Faites un tour dans les commissariats de police et vous comprendrez.Vous n’êtes pas sans savoir que la théorie est facile mais la pratique difficile.Sans rancune !

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