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Conseils constitutionnels en Afrique : Les “sages” à l’épreuve des turpitudes politiques

Publié le dimanche 5 décembre 2010 à 23h14min

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A quelques heures d’intervalle, entre le jeudi 2 et le vendredi 3 décembre 2010, de Conakry à Ouagadougou en passant par Abidjan, les sages ( ?), entendez par là les juges constitutionnels, ont été au cœur de l’actualité politique.

Appelés respectivement à se prononcer sur des requêtes aux fins d’annulation des scrutins présidentiels des 7, 21 et 28 novembre dernier en Guinée, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, ils ont rendu leurs délibérés sur les contentieux électoraux dont ils ont été saisis. Loin de nous l’idée de nous affranchir du principe sacro-saint qui interdit de commenter toute décision de justice. De commentaires, il n’en sera point donc. Mais de constats et d’observations, oui. Et rien que.

Constats d’abord

Au pays de Sékou Touré, la Cour suprême, dénomination là-bas du gotha de Sages, a jugé les requêtes en annulation du candidat malheureux, Cellou Dalein Diallo, recevables en la forme mais non suffisantes au fond. Elle a par conséquent validé les résultats provisoires, promulgués par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et donnant Alpha Condé vainqueur de la présidentielle guinéenne. No comment !

Au pays des « hommes intègres », le Conseil constitutionnel, l’institution chargée de la régularité des élections nationales et des référendums, a, lui aussi, tranché un recours en annulation introduit par un groupe d’opposants : en sa séance du vendredi 3 décembre passé, la juridiction constitutionnelle n’a pas suivi le tribunal administratif qui, le 25 novembre, avait jugé illégales les cartes d’électeur.

En attendant donc demain pour livrer les résultats définitifs, Dé Albert Milogo et ses hommes ont déclaré le scrutin valide dont les résultats provisoires placent le président sortant, Blaise Compaoré, en tête avec un peu plus de 80% des voix. No comment !

Au pays d’Houphouët-Boigny, l’organe chargé du contentieux en matière d’élection présidentielle a purement et simplement invalidé les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante (CEI). Au terme de moults rebondissements, ladite commission a fini par communiquer, jeudi 2 décembre, hors « délai constitutionnel » et hors de ses locaux, les résultats de ses décomptes : 54,57% pour Alassane Dramane Ouattara contre 45,43% à Laurent Gbagbo.

Dès le lendemain vendredi, le Conseil constitutionnel ivoirien, saisi par la majorité présidentielle (LMP), a annulé pour « irrégularités graves et nombreuses » ; « bourrages d’urnes » ; « votes sous contrainte des armes » ;… les suffrages de sept départements du Nord du pays (fief d’ADO). Dans la foulée, il a proclamé de nouveaux résultats, donnant, cette fois-ci, le président sortant, Laurent Gbagbo, vainqueur avec 51,45% des voix contre 48,55% à son adversaire. No comment !

Observations ensuite

Si en Guinée, l’arbitrage de la Cour suprême est peu suspecté de parti pris, peut-on en dire de même s’agissant de ceux des Conseils constitutionnels du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire ? Difficile, car, pour beaucoup, aussi bien dans ces deux derniers pays que dans bien d’autres en Afrique, quelle que soit leur dénomination, les juridictions constitutionnelles sont des structures au service des princes ; autant donc concluent-ils que Dé Albert Milogo ne pouvait se risquer à remettre en cause la victoire du président Blaise Compaoré, autant soutiennent-ils que Paul Yao N’Dré ne pouvait contrarier le dessein de Laurent Gbagbo.

Mais là s’arrête la comparaison entre la décision d’Albert et le « coup de force juridique » de Paul ; car ce qui vient de se passer sur les bords de la lagune Ebrié est, à tout point de vue, l’expression indécente, crue et cruelle des relations problématiques, voire incestueuses, entre la politique et la justice avec cette dernière dans le rôle d’institution vassale. Or, comme dit l’adage, quand la politique entre au prétoire, la justice sort par la fenêtre.

Créé en France par la Constitution de la cinquième République du 4 octobre 1958, le Conseil constitutionnel dont des membres, y compris son président, sont nommés par le chef de l’Etat, avait pour but d’éviter le « gouvernement des juges » ; une tare congénitale que tempèrent là-bas le contexte politique, l’audace et l’autorité des juges constitutionnels, mais, en Afrique où elle a été transposée par mimétisme aveugle, cette haute juridiction, à divers degrés, est tout simplement une caisse de résonance des pouvoirs monarchisants, une institution dévote. Lorsque les « Sages » se mettent au service des puissants, cela s’appelle tyrannie. Quels que soient les oripeaux républicains dont ils se drapent.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 6 décembre 2010 à 15:25, par article 37 En réponse à : Conseils constitutionnels en Afrique : Les “sages” à l’épreuve des turpitudes politiques

    A chacun son CONSEIL CONTITUTIONNEL, au Burkina les sage ont eu la même attitude qu’en Côte d’Ivoire, mais au Burkina cette élection n’intéressait personne.

    Cette élection ivoirienne a fait oublier la nôtre. D’ailleurs celles de chez nous on va l’oublier, pour parler de l’investiture couplée avec le 11 décembre. Tous les chefs d’Etats qui viendront seront là pour aider le PF à légitimer la modification de notre article 34.

    La seule chose qui peut faire courir le chef que nous avons élu, c’est les médiations chez les autres comme si à l’intérieur du pays il n’y avait pas suffisamment de problèmes.

    Notre article 37 risque de se réveiller et rattraper des gens. Il est clair que le régime actuel va subir les mêmes foudres de la communauté Internationale.

    Il ne faut pas que le médiateur sache que tous les observateurs, même ses amis d’hier le regarde avec de grands yeux.

    Il a beau ne pas vouloir comparer le problème à celui du Niger, personne ne le croit. Maintenant qu’il a atteint sa limite, maintenant que le système n’a plus rien à proposer à nos compatriotes, le régime vieux d’une trentaine d’année est en train de s’essouffler sans se rendre compte.

    Je ne suis pas certain que la CEDEAO accepte encore des gens qui fréquentent les sommets depuis 30 ans. La candidature de KDO n’y fera rien. Le Nigéria veillera avec le Ghana et les pays Francophone comme le Bénin et le Mali.

    Les vieux démons de l’incertitude due à insuffisance démocratique est là, ils étaient en sommeil mais cette fois, le seul espace qui leur reste demeure le Burkina et le Togo, les autres ont payé leur tribu.

    Lorsque la côte d’Ivoire se sera calmée, il est clair que le démon va rappeler au Burkina les constitutions écrites avec des faiblesses pour comploter.

    A qui le tour ?

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