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La leçon de Lula : Président ça ne s’enseigne pas en amphi

Publié le lundi 4 octobre 2010 à 03h59min

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Un de ses vieux compagnons syndicalistes qui avait goûté aux délices des geôles avec lui, aujourd’hui député fédéral, a voulu lancer, il y a quelques mois de cela, une campagne afin que son ami Luis Inácio Lula Da Silva, dit “Lula”, puisse briguer un 3e mandat, proscrit par la constitution.

Mis au parfum de cette démarche, le locataire du palais de l’Alvorada convoqua son ami et lui dit ceci : “Je ne veux pas, c’est antidémocratique. Et c’est cruel d’être président. Ça satisfait l’égo, mais c’est inhumain”. Une parole que le président brésilien respectera, puisque hier, 3 octobre 2010, ses compatriotes se sont rendus aux urnes pour élire, entre autres, le prochain ou plutôt la prochaine présidente de la République, car, sauf tremblement de terre, ce sera le chef de cabinet et dauphine de Lula, Dilma Roussef, qui présidera bientôt aux destinées des 194 millions de Brésiliens.

Lula se retire et administre ainsi une leçon à ses pairs, surtout de l’Afrique, eux dont la plupart ne rêvent que de présidence ad vitam aeternam et ad libidim. Lula est la preuve vivante qu’on n’a pas besoin d’être normalien ou polytechnicien, encore moins bardé de doctorats, pour gouverner un pays qui vaut 15 fois la France, et surtout le hisser au rang de pays émergent. Il n’y a pas d’université pour président de la République !

Lui, l’enfant pauvre des favelas de Sao Paulo, qui a ciré des chaussures pour entretenir sa famille, puis a été petit mécanicien, a réalisé cette prouesse. Premier président de gauche depuis le coup d’Etat de 1964, Lula a fait grimper le Brésil, pays des inégalités criardes, au rang de 8e économie du monde, en 8 ans !

Le fameux programme Bolsa Familia, qui octroie à 50 millions de Brésiliens le minimum vital, c’est Lula ; le salaire minimum, une sorte de SMIG brésilien, imposé aux chefs d’entreprise, c’est Lula ; l’accès aux biens électroménagers payables en plusieurs mensualités, c’est encore Lula. Avec son slogan “l’espoir a vaincu la peur”, Lula a imposé à son pays une discipline budgétaire, de même qu’une maîtrise de l’inflation et un taux de change flottant.

Bref, grâce à son Programme accéléré de croissance (PAC), plus de la moitié de la population brésilienne fait partie désormais de la classe moyenne.

Et dire qu’au Burkina Faso, par exemple, il n’y a pas de classe moyenne ! La centaine de crésus, pleins aux as, que nous voyons chaque jour que Dieu fait, n’en sont pas une et constituent même à bien des égards un risque systémique pour l’économie burkinabè. Or l’économie d’un pays est toujours tirée vers le haut par cette classe moyenne, et non pas par quelques personnes, fussent-elles milliardaires.

Le Brésil, qui est aujourd’hui un maillon essentiel du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), fait figure de puissance mondiale grâce à l’émergence de cette classe moyenne et grâce à Lula.

Mais il y a l’envers du décor, Lula n’est qu’un homme avec ses défauts et ses limites. Il est loin d’être un démiurge. Politiquement, les acquis du président sortant sont mi-figue, mi-raisin. Certes, il aura réussi le tour de force de maintenir unie la coalition de 21 partis qui le soutiennent. Mais les réformes relatives à l’éducation et à la santé restent à réaliser. Lula est même accusé par ses adversaires d’avoir politiquement fait des compromissions pour être toujours majoritaire au congrès.

La corruption est toujours endémique, et la criminalité est encore prégnante. Des insuffisances qui n’enlèvent rien aux qualités de cet homme qui peut prendre une retraite méritée en savourant sa rabada (queue de bœuf), son plat préféré, arrosée de bière, tout en suivant un match de foot à la télé avec ses amis. Avec en prime une cote de popularité avoisinant 80%. Qui dit mieux ?

Ce genre de président-là, avouons-le, le peuple est prêt à charcuter la Loi fondamentale pour qu’il achève ses chantiers, de vrais ceux-là ; malheureusement, ces oiseaux (rarissimes en Afrique) abhorrent aussi le pouvoir à vie .

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 4 octobre 2010 à 08:55, par Paris Rawa En réponse à : La leçon de Lula : Président ça ne s’enseigne pas en amphi

    « Ça satisfait l’égo, mais c’est inhumain »

    - En Afrique on multiplie sans cesse et de manière antidémocratique le nombre des mandats présidentiels par que ça satisfait l’ego, et c’est confortable. La différence entre Lula et notre président, c’est que deux mandats (de quatre ans chacun) ont suffit à l’un pour faire de son pays une puissance émergée ; alors que pour l’autre, la sortie du sous-développement après 23 ans de pouvoir n’est qu’au stade de projet (peu crédible) et envisagée vers 2020.

    - Quand on ne se foule pas la rate, c’est sûr que le poste qu’on occupe devient confortable et que l’alternance semble être une horreur. Voilà le drame de l’Afrique : nous savons, mais nous refusons. Nous faisons des discours faux auxquels nous-mêmes ne croyons pas. Nous ne cherchons pas à convaincre pour être choisis, nous cherchons à vaincre les faibles et à courber l’échine devant les forts pour conserver ce que nous croyons être un avantage. Au mieux, nous sommes prétencieux, pauvre petit pigeon qui se prend pour une poule ou pire, pour le coq de la basse-cour.

  • Le 5 octobre 2010 à 07:16, par gobnangou En réponse à : La leçon de Lula : Président ça ne s’enseigne pas en amphi

    Effectivement, la cote de popularite de lula est au dela de 80 pour cent et il quitte apres avoir fait grimpe le bresil au huitieme rang mondial des puissances economiques........Blaise apres 23 et bientot 28 aura maintenu le burkina avant dernier du classement pnud et cherche a mourir au pouvoir avec des intellectuels sans cerveau qui nous parle d homme exceptionnel...non trop c est trop et par tous les moyens on va barrer la route a ce crime.

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