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Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

Publié le mardi 17 août 2010 à 01h24min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Selon certains critiques de la gouvernance burkinabè, nous serions, de plain-pied, entrés dans le cycle de la vipère et dans l’année du singe, c’est-à-dire une période de discorde et une année de mascarade ; une année où les festoiements commémorant les cinquante ans d’indépendance du Burkina Faso constituent un crime de lèse-humanité contre la sébile des démunis ; une année où la liberté d’expression a fait place à la liberté de répression ; une année où la démocratie est devenue matière à comédie, et la comédie, la matière d’une démocratie perdue ; une année où les vices, la fraude et la pourriture des mœurs entrent comme ingrédients recommandés dans le « business » de l’honnête homme burkinabè. Et ce n’est pas fini.

C’est la énième fois qu’on nous le répète. Observons d’abord la manière avec laquelle les critiques de notre gouvernance organisent leurs propos que nous respectons par ailleurs. C’est comme s’ils s’agenouillaient devant un code établi, où les termes d’une convention, qui les obligeaient à se fermer les yeux et à larmoyer, à pleurer sans retenue le sort du pauvre, celui de la veuve et de l’orphelin.

Ces gens-là s’attardent sur les moignons des uns, insistent sur la sébile des autres, et, surtout, font croire à tous les pauvres que leur bonheur est possible ici et maintenant, mais que c’est le gouvernement qui s’entête à les maintenir pieds et mains liés dans la misère. Il faut, en outre, abhorrer une mine de requiem, se faire suffisamment pathétique et langoureux pour ébranler les bonnes âmes devant le comportement débile, voire sénile d’une élite « sans âme » et l’action néfaste du grand méchant loup qui se cacherait à Kosyam.

Est-ce avec de tels larmoiements provoqués par un froid calcul que nous remplirons le tonneau des Danaïdes ? Larmoiements et dissimulations finissent par « révéler » une vérité qu’ils croient cachée mais bien évidente aux yeux des observateurs : parvenir, n’importe comment et à n’importe quel prix, fût-il celui de l’infamie et de la calomnie, aux affaires.

Mais peut-on véritablement être un bon dirigeant ou un bon (et bien) faiseur d’opinion lorsqu’on est incapable de reconnaître le mérite d’autrui ? Peut-on être un bon dirigeant quand on reste cloîtré dans ses humeurs et verrouillé dans soi-même, au point de développer une myopie politique endémique et d’être ainsi incapable de voir et d’applaudir le succès de son semblable ?

Inutile donc, en ce moment, de parcourir le monde, de fouiller le Bénin, le Ghana, le Mali et le Sénégal pour se trouver un certificat de bonne conduite en démocratie. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’on devient le véritable démolisseur des jeunes, celui-là qui ne leur enseigne pas la culture de l’effort, le dépassement de soi, mais qui leur conseille au contraire, l’aigreur et la démission, les raccourcis et le dénigrement.

La meilleure manière d’enseigner la facilité consiste à être soi-même, facile dans ses jugements. « Si vous êtes désoeuvrés, leur dites-vous, c’est parce que le gouvernement est corrompu ; c’est parce qu’un tel a une villa à tel endroit ; c’est parce que tel autre a son enfant au Canada. » Vous ne faites pas d’eux des hommes d’action, mais des hommes de ressentiment.

Vous cultivez en eux l’attentisme, l’étroitesse d’esprit et la haine. Pourquoi ne leur dites-vous pas, par exemple, que du Ghana très démocratique, selon vous, il y a des jeunes comme eux qui viennent au Burkina Faso travailler pour se faire de l’argent afin de pouvoir payer leurs études ?

Le Burkina des 20 dernières années – car c’est bien de ce Burkina qu’il s’agit et non de l’anonyme Afrique - a lutté, les rangs serrés, pour se doter d’un socle institutionnel démocratique solide, pour faire progresser son système éducatif, pour améliorer son réseau routier, pour créer des barrages et booster son agriculture, pour rendre effective la liberté de presse, pour redimensionner sa présence sur l’échiquier international, pour bâtir la paix en synergie d’actions et de pensée avec ses voisins.

Oui … ! Et au fur et à mesure qu’ensemble, nous rencontrions des obstacles, ensemble nous nous remettions à l’ouvrage. Que tout cela ait été réalisé avec vous ou sans vous, le minimum exigeait que vous reconnaissiez ce qui est fait (…). Au lieu de cela, les critiques de notre gouvernance sanctionnent 20 années de marche et d’apprentissage communautaires par une espèce d’épais crachat : « mascarade », ou une flèche assassine comme celle du porc-épic de Junior : « massacre ».

Quant à la liberté d’expression, n’est-ce pas parce qu’elle existe que les critiques affirment, dans leurs écrits et propos libres de toute censure, qu’elle n’existe pas ? C’est tout à fait étonnant ! Un Burkina anthropophage à la solde d’une élite égarée, l’élite, messieurs, dont vous êtes la crème ? Soyons un peu plus sérieux, comme pour parler et pour paraphraser Nietzsche dans le gai savoir , paragraphe 328 : « … la tâche de l’information, comme de la philosophie, c’est nuire à la bêtise et non son contraire ! ».

Les festoiements du cinquantenaire ne sont pas aussi festifs qu’on veut bien le faire croire. Nous avons aperçu un des critiques de notre République dans son village natal, célébrant honorablement les 50 années de l’école dudit village. S’est-on demandé si tous les habitants, alentour, avaient ce jour-là mangé à leur faim ?

Il a suffi que les organisateurs de cette fête aient réussi à marquer le coup, à consolider les liens sociaux, à ranimer l’esprit d’émulation parmi les jeunes du village, à faire voir par la camaraderie et l’exemple, à côté de la réalité de tous les jours, l’idéal et l’avenir (…). L’abondance de demain se prépare aujourd’hui, ensemble, par la concertation et un retour organisé vers les symboles de notre unité. Ce qu’un village peut faire, pourquoi une nation entière n’en ferait-elle pas mieux ? Posons des actes essentiels pour la paix et le développement de notre patrie.

Avec tout le respect que nous avons pour tous les pays que certains aiment à citer au Burkina Faso, comme par dadaïsme inédit, nous continuons de nous demander en quoi, radicalement, ils sont supérieurs à tous ceux qu’ils omettent (bien volontairement … !?) de citer ? Un homme vraiment politique, c’est-à-dire un homme d’action et de décision, épris du bonheur du plus grand nombre de ses concitoyens, devrait pouvoir remettre à Procuste ce qui est à Procuste, et aux critiques ce qui leur appartient : les larmoiements.

Car, si quatre pays ont convaincu certains critiques (…), sur la pratique d’une certaine démocratie, nous citerons, nous, toute l’Asie (à peu près), et tout le Moyen-Orient pour vous convaincre que l’équation que voici est bonne : Un pouvoir fort + une base démocratiquement motivée = développement.

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 17 août 2010 à 05:49, par Sidi l’impertinent En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    Mr Sakande, pourriez vous expliquer je ne sais pas... peut être dans votre prochain éditorial ce que c’est qu’ "une base démocratiquement motivée" ?

    Les Asiatiques et Moyen orientaux dont vous parlez, se sont appuyés sur des dirigeants VISIONNAIRES, RESPONSABLES ET AMOUREUX de leur peuple, et d’une population éduquée et disciplinée pour se développer.

    Mr Sakande, Reformes institutionnelles, OUI, revision de l’article 37 de la constitution NON. C’est de la liberte d’expression, pas de la liberte de repression.

    Salut

  • Le 17 août 2010 à 06:01, par zang+ En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    Salu mon El Adj, je ne te savais pas "matheux", enfin... maintenant il va falloir nous éclairer sur l’equation qui donne un "pouvoir fort" et celle qui donne "une base democratiquement motivée"...
    Courage et courage !!!

  • Le 17 août 2010 à 11:46, par le guerrier En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    je conviens avec vous qu’il faut reconnaitre à ce régime un certain merite.cependant, pensez vous que le Burkina ne pouvait pas tripler son niveau actuel ? Avec un régime qui ne pense qu’à se maintenir,où est la démocratie sans alternance ? Ya t-il un être indispensable,inchangeable ? Bien sûre que non !Je crois qu’il est temps du "change, yes we can".Vous voulez comparez notre pays à d’autres qui sont médiocres que nous. Une leçon mon ami, on ne se compare jamais aux médiocres quand on veut évoluer. Si non on sera toujours satisfait de sa situation.Je vs démande de revoir votre analyse, on ne peu pas parler de liberté de presse à partir du moment votre confrère Norbert Zongo a été assassiné sans suite ...

  • Le 17 août 2010 à 13:37, par Windga Ouédraogo En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    Apparemment vous êtes un homme cultivé. J’en suis d’autant plus consterné que vous cherchiez à défendre l’Indéfendable :
    La présidence à vie ! Nous ne sommes pas au moyen-âge ! 23 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, ça suffit. Pour finir, sachez que vous n’êtes pas obligé de vous prosterner ainsi pour préserver votre fauteuil !!!

  • Le 17 août 2010 à 18:43, par Jean de Dieu En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    Courage dans vos reflexions M. Sakadé ! on sent que certain sont aveuglé dans ce pays et sont prêts à le vendre ! Ce qu’ils oublient, c’est que le Burkina Faso nous appartient à nous tous ! Et tous ce qui y est fait n’est pas forcément mauvais ! Parlant de liberté de presse, c’est parce qu’elle existe qu’ils disent n’importe quoi sur les forum et autres sans censures... Allez ailleurs, vous l’apprendrez à vos dépens comprendrez !

  • Le 17 août 2010 à 20:32, par Le Fils du Pauvre En réponse à : Editorial de Sidwaya : Entre « festoiements » et larmoiements, la caravane passe

    Ohh j’ai pitie pour le Sidwaya. Il y a quelques annees de cela c’etait encore mon journal favori parceque bien qu’etant un journal l’etat il s’efforcait de faire des analyses objectives. Avec l’arrivee de son nouveau DG, c’est lamentable. Le journal a peut etre evolue sur d’autres aspects mais l’editorial c’est du "griotisme". la loudeur du style en lui meme montre que l’auteur ne croit meme pas a ce qu’il raconte. Sinon il aurait exprime ses idees clairement et simplement.
    Ensuite c’est bien de dire que le burkina fait des progres mais quand un coureur en 23 H (pour ne pas dire 23 ans) de course n’a pu faire que 1 km alors que vu sa condition physique et tous les moyens personels et ceux mis a sa disposition par ses amis, il aurait pu en parcourir 500, les flateurs peuvent bien lui dire qu’il a progresse mais la realite est bien la.

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