LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

EGLISE ET POLITIQUE : Le clergé kényan est bien dans son rôle

Publié le mardi 11 mai 2010 à 01h49min

PARTAGER :                          

Le Kenya est actuellement en train de concocter une nouvelle Constitution, histoire de renforcer son processus démocratique. Dans cette optique, un certain nombre de dispositions y sont introduites. Mais toutes ne font pas l’unanimité des Kényans. C’est le cas de deux dispositions dont l’autorisation d’avortement en cas de menace de la santé de la femme en grossesse et du maintien des tribunaux cadis, ces juridictions spécialement instituées pour les musulmans.

Ces deux dispositions indisposent particulièrement l’Eglise kényane. Et les responsables profitent des cultes pour s’opposer, à travers maintes homelies, à la nouvelle loi fondamentale à cause justement de ces deux dispositions.

Une opposition qui se manifeste par un appel des fidèles à voter "non" lors du référendum sur la nouvelle Constitution prévue pour juillet/août prochain. L’Eglise a complètement mis les pieds dans le plat politique et d’une manière qui ne plaît pas forcément au régime en place. En effet, elle joue ouvertement les opposants et cela a de quoi inquiéter dans un pays où l’on dit que l’Eglise est très influente. Jusqu’au référendum, les cultes prendront des allures de meetings. Cette attitude de l’Eglise kényane vient remettre en cause l’idée selon laquelle l’Eglise ne doit pas faire de la politique.

Dans un pays comme le Burkina, cela a été rappelé par des personnes bien pensantes à la faveur de la sortie des évêques sur l’article 37 de la Constitution relatif à la limitation du mandat face aux intentions de plus en plus affichées par des personnalités de premier plan de le réviser. Les évêques ont essuyé le courroux de ces personnalités pour avoir juste rappelé le contexte dans lequel la limitation du mandat avait été instaurée et dit que la remise en cause de cette limitation ne profite qu’à une minorité. Les prélats avaient été accusés (et continuent de l’être) de faire de la politique, de défendre la thèse de l’opposition et de certaines figures de proue de la société civile.

Si ce qui se passe au Kenya actuellement arrivait au Burkina, on ne sait pas ce que ces accusateurs diraient. En tout cas, on a bien là, la démonstration que l’Eglise peut bien se prononcer sur des sujets politiques et cléricaux, même prendre position, quitte à déplaire aux puissants du moment. D’ailleurs, ce sont ces derniers qui ont tendance à tracer des limites entre l’Eglise et la politique.

Pour eux, l’Eglise fait de la politique quand elle prend des positions qui ne leur conviennent pas. Mais quand elle est en phase avec le pouvoir en place, il n’y a pas de problème. Pourtant, c’est oublier que les responsables, les animateurs de l’Eglise ne vivent pas en dehors des sociétés. Comme citoyens, ils ont leurs opinions sur bon nombre de sujets dont la politique. Tout amalgame mis de côté, ils peuvent bien prendre position, surtout s’ils estiment que les politiques jouent avec le feu. Ils font même de la prévention en ce moment car la plupart du temps, quand il y a des tensions sociales surtout en Afrique, les religieux sont sollicités pour jouer les pompiers ou les médiateurs. Bon nombre de politiques oublient très vite cela, une fois la tension baissée.

Dire aussi que l’Eglise ne fait pas de la politique, c’est oublier par exemple qu’au début de la démocratisation sur le continent noir en 1990, il a été fait recours dans bon nombre de pays, à des archevêques et évêques pour diriger les conférences nationales souveraines. A l’époque, on ne se rappelle pas avoir entendu de protestations contre l’immixtion d’hommes d’Eglise dans la politique. Aujourd’hui, on dénie à la même Eglise d’avoir une opinion politique, de rappeler les politiques à l’ordre quand, par leurs agissements, ils menacent la paix sociale, l’unité nationale, les valeurs morales, etc. Le clergé kényan n’a pas voulu se laisser distraire et n’a pas hésité à descendre dans l’arène politique. Il est bien dans son rôle.

Séni DABO

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 11 mai 2010 à 14:54, par Wendkouni En réponse à : EGLISE ET POLITIQUE : Le clergé kényan est bien dans son rôle

    Encore une fois attention ! L’église et toute les autres instances religieux ont toujours fait de la politique. En Afrique il y’a une volonté du clergé de garder cet espèce de croyance du "Prêtre saint et sacré" dans l’esprit des croyants. Il est bon de dire que hors mis quelques rares états les entités les plus criminelles au monde ont été et sont les religions :
    - IL a fallut la bénédiction du Vatican pour que l’esclavage de l’homme noir soit prospère
    - il a fallut la lâcheté et/ou le silence de l’église pour que les camps de concentration juifs fleurissent
    - c’est avec le soutien du Vatican que la colonisation fut entreprise
    - Il à fallut le soutien et la bénédiction des grandes églises protestantes aux USA pour que BUSH transforme l’Irak en cimetière
    - L’état Israélien à la bénédiction et le soutien des grands rabbins de divers synagogues dans son offensive en Palestine

    N’oublions pas non plus que la religion n’est pas neutre et donc que les religieux défendent le programme politique de leurs institutions suprême. De tout temps la religion à toujours été influencée par l’environnement politique et
    social. Pourquoi continué à se leurrer et à voir l’action de Dieu dans les inepties d’une poignée d’hommes ? Ouvrons les yeux et rappelons nous qu’il existait des vies, des civilisations, des religions, des croyances avant l’arrivé du catholicisme,de l’islam ou de tout autre religion et que même aujourd’hui les organes dirigeantes de ces religions en Afrique ne sont pas libre : ils sont les servants locaux de leur mère patrie institutionnelle et obéissent aux lois qui leurs sont dictées.

    Wendkouni

    • Le 13 mai 2010 à 20:46 En réponse à : EGLISE ET POLITIQUE : Le clergé kényan est bien dans son rôle

      Bel article et bonne analyse.Je ne sais pas ce que Wendkouni. C’est parce que c’est l’Eglise qui parle que ça pose un problème. Même s’il y a avait des religions avant l’arrivée des religions venues d’ailleurs, ce n’est pas cela qui doit empêcher les unes comme les autres de défendre la cause des citoyens. L’Eglise n’est pas en marge de la société ni les autres religions d’ailleurs. Au contraire, elles devraient lutter de concert pour le bien-être des peuples. L’Eglise a commis beaucoup et d’énormes erreurs durant son parcours, cela est vraiment (et elles s’en répent d’ailleurs). C’est justement pour cela qu’elle donne plus de voix quand elle doit parler. D’ailleurs pourquoi c’est l’Eglise seule qui parle et pas les autres ? Est-elle la seule à demander que l’on respecte la dignité de la personne humaine ? Beaucoup de courage !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?