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TDC : La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique

Publié le jeudi 1er avril 2010 à 05h25min

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La tension monte au Burkina à cause du dossier brûlant de la Taxe de développement communal (TDC). Celle-ci, à l’image de l’article 37 de la Constitution sur la limitation du mandat présidentiel, tend à diviser le pays et amène les différents acteurs à se regarder en chiens de faïence. Retenue comme date butoir pour s’acquitter de son obligation « citoyenne », l’échéance du 31 mars 2010 est venue consacrer la division qui se confirme de jour en jour au pays dit des « Hommes intègres ». Les Burkinabè ne font pas la même lecture de la TDC. De plus, chaque camp se sent dans son bon droit.

Il s’appuie en cela sur des références contestées par ceux d’en face. Par ailleurs, certains citoyens paient car ils ont la capacité de le faire. D’autres non. Ils n’en ont pas les moyens, et nombreux sont ceux qui se conforment au mot d’ordre de la Coalition contre la vie chère. Celle-ci refuse de s’exécuter devant une loi jugée injuste tant dans sa forme que dans son fond.

Ces derniers temps, les différents protagonistes ont intensifié les actions de sensibilisation. Les joutes oratoires se sont même multipliées par médias interposés. A coups de déclarations, de textes de lois et de documents de référence, chaque camp y est allé de son argumentaire, convaincu d’avoir raison sur l’autre. Parallèlement, chacun a cherché à mobiliser ses troupes.

Les parties gouvernementale et municipale ont ainsi mobilisé le gros des effectifs des agents publics. Les uns veillent à enregistrer les paiements aux guichets qui sont pris d’assaut aux dernières heures de l’ultimatum. Les autres useront de la répression le cas échéant. De son côté, la Coalition contre la vie chère a incité au non-paiement de la TDC. Elle a appelé ses militants à observer une grève d’avertissement de 48 heures et à venir nombreux à sa marche-meeting à la Bourse de Travail de la capitale. Mais pourquoi cette discorde ? C’est bien la première fois qu’il y a une telle levée de boucliers autour d’une loi. On se sent face à une sorte d’article 37 au plan social. Serions-nous devant une crise institutionnelle, ou un problème de communication mal gérée ? Ou s’agit-il d’une crise de confiance, d’un problème de crédibilité de nos autorités politiques qui se croient tout permis ? A notre avis, le contexte mérite d’être interrogé, la vie chère étant passée par là. Il y a aussi cette lenteur des Burkinabè à s’inscrire sur la liste électorale en vue de l’élection présidentielle de novembre prochain. Le mécontentement tendrait-il à se généraliser ? Auquel cas, la TDC serait-elle la taxe de trop ?

Ce sujet très sensible, ramène en surface les dissensions à propos de l’article 37. Mais surtout, il exhume de vieux dossiers en rapport avec les inégalités croissantes et les cas d’injustice flagrants. En même temps, il montre que l’impunité a la peau dure. En effet, dans les médias, les interventions de citoyens désabusés laissent paraître l’existence de réels problèmes de traçabilité. Trop de questions depuis longtemps et pas de réponses claires sur la gestion des deniers publics. De nombreux dossiers hantent les esprits : le bilan véritable de la gestion de la CAN, l’utilisation faite des contributions patriotiques (soutien aux Etalons, sinistrés, etc. ). On continue à payer des taxes de péages, mais les routes sont continuellement dégradées. Il faut constamment faire appel à des prêts extérieurs et à l’aide étrangère pour s’en sortir. On paie les taxes de résidence, mais aux yeux du contribuable, rien ne change. Où vont les ressources tirées de l’exploitation de l’or à l’heure où les cours montent ? Autant il manque d’informations fiables, autant le contribuable se sent floué. Surtout lorsque les taxes prennent des allures de rançonnements. En période de pré-campagne, cela tend à surchauffer les esprits et à montrer que la rupture est sur le point d’être consommée entre gouvernants et gouvernés.

Si l’élargissement de l’assiette fiscale peut paraître normal, les irrégularités, les cas d’injustices sociales et d’impunité qui se multiplient, contribuent aujourd’hui à son rejet. C’est une réalité que la mal gouvernance se trouve aujourd’hui au cœur de la gestion publique. En tout état de cause, faut-il traquer pour inculquer le civisme fiscal dans les esprits pendant que perdurent l’impunité et les crimes économiques ? La démocratie républicaine attend de la majorité qu’elle gouverne, et de l’opposition qu’elle s’oppose. Mais que faire lorsque la machine se bloque aux dépens de la majorité des sans-voix et des sans-culottes ? Un ressort semble avoir cédé entre gouvernants et gouvernés dans le bras de fer qui les oppose depuis ces derniers temps. A l’arrogance de certains intervenants, semble toujours répondre la détermination du camp d’en face. A la liberté des prix qui semble désormais servir de faire-valoir, est venu se greffer un autre sujet de mécontentement qui réveille les rancoeurs en rapport avec l’impunité, le manque d’alternance et surtout l’opacité dans la gestion des ressources nationales.

La crise tend à prendre des proportions inquiétantes, et il apparaît urgent de mettre en place une structure multipartite permanente de dialogue et de concertation. Elle pourrait regrouper des représentants du gouvernement, des députés de la majorité et de l’opposition, des représentants des communes, ceux de la Coalition contre la vie chère, et des représentants des milieux religieux et coutumiers. Une fois mis en place, le mécanisme travaillera à trouver rapidement une voie consensuelle de résolution de la crise non sans avoir tiré leçon des expériences du passé.

La crise née de la TDC révèle que les Burkinabè sont de moins en moins enclins à accepter ce qui pourrait paraître normal en d’autres temps ou sous d’autres cieux. Les y contraindre en faisant fi des réalités du contexte, conduira immanquablement à l’irréparable. Aux acteurs politiques de comprendre que la désaffection qui gagne les citoyens, ira croissant si rien n’est fait pour trouver des solutions consensuelles à des problèmes de portée nationale.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 1er avril 2010 à 16:00, par poseidon En réponse à : TDC : La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique

    Il est déjà un fait que nous payons et nous contribuons au développement de nos communes. A votre avis, cette demande supplémentaire, qui va nous faire payer doublement la taxe parce qu’elle est déjà inclut dans la TPP (Taxe sur Les Produits Pétroliers) va servir à quoi ?

    Remplir juste les poste du gouvernement sans qu’on n’ai aucune visibilité de son utilisation ?

  • Le 1er avril 2010 à 21:00, par LaVoix En réponse à : TDC : La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique

    J’appelle ça un vrai article. Analyse très pertinente avec des propositions de solutions à la clé.

    C’est ce qui manque à nos hommes politiques, surtout ceux qui disent toujours non sans rien proposer de concret.

  • Le 2 avril 2010 à 01:08 En réponse à : TDC : La nécessité d’une nouvelle gouvernance économique

    Merci au journal le pays pour sa contribution. Nous attendons la contribution des autres organes de presse surtout le doyen qu’est l’observateur palga qui ne propose rien et qui est chaque fois flou sur les sujets les plus brulants et pertinents dans notre pays.

    Merci

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