Nous avons suivi, avec un grand intérêt ces derniers temps, les débats sur la Taxe de développement communal (TDC). Monsieur le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, le plus honnête et le plus civique de tous les Burkinabè, appelle les populations de sa commune au civisme et leur donne un délai pour s’acquitter de leur TDC dans l’intérêt de toute la commune. Passé ce délai, tout citoyen qui n’aurait pas payé la TDC verra son engin retiré et mis en fourrière. A partir donc du 31 mars 2010, dit Simon Compaoré, le citoyen qui ne sera pas à jour, devra payer la taxe due, plus cinquante pour cent (50%) de celle-ci comme pénalité. Exemple : pour celui qui doit payer mille (1 000) F CFA comme TDC, il paiera mille cinq cents (1 500) F CFA une fois passé le délai du 31 mars 2010. Certains citoyens estiment qu’il est tout à fait légitime de payer cette taxe. D’autres estiment au contraire que la TDC est une taxe injuste que les citoyens doivent refuser de payer. Il nous plaît d’apporter notre contribution à ce débat démocratique qui interpelle tout citoyen conscient et consciencieux.

Qu’il nous soit permis d’affirmer d’entrée de jeu que nous ne sommes pas par principe contre les impôts qui peuvent permettre à un Etat responsable de réaliser des programmes de développement au profit des populations. Cette position de principe précisée, il nous revient alors de donner les raisons pour lesquelles il ne sied pas, selon nous, de payer la TDC. Cette position peut paraître paradoxale et choquante. Mais nous vous prions, chers lecteurs, de bien vouloir suspendre votre jugement, et de ne nous condamner qu’après que vous aurez fini de nous lire. Voici, selon nous, quatre raisons qui nous autorisent à ne pas payer la TDC.

La première consiste à préciser le sens du mot civisme. En effet, selon monsieur le maire de Ouagadougou, les citoyens de sa commune doivent payer la TDC par devoir civique. Nous voudrions donner ici le sens du mot civisme pour éclairer monsieur le maire. Le civisme est défini dans Le Petit Larousse illustré comme le "dévouement envers la collectivité, l’Etat". Mais il convient de préciser que ce dévouement n’est pas, et ne doit pas être aveugle. Le citoyen au sens noble est, et doit être capable de discerner les lois justes et injustes, les autorités et institutions légitimes et illégitimes. Par conséquent, le civisme ne consiste pas à respecter les lois injustes. Bien au contraire, si les lois sont injustes, si les autorités sont illégitimes, il devient nécessaire et légitime pour tout citoyen de leur désobéir. Qu’il nous plaise de rappeler ici que les citoyens burkinabè paient déjà suffisamment de taxes pour qu’on les traite d’inciviques parce qu’ils refusent de payer une taxe injuste. Mais en quoi la TDC est-elle injuste ? La deuxième raison est que la TDC est injuste parce qu’elle est une taxe injustifiée.

Elle est injustifiée voire injustifiable car à l’occasion de la dernière rencontre gouvernement /syndicats close le 7 janvier 2010, le gouvernement lui-même avait reconnu que "la taxe sur les véhicules à moteur et les vélocipèdes (communément appelée plaques et vignettes) a été supprimée au lendemain de la dévaluation du F CFA en 1994" et que "pour compenser cette perte de recettes, le gouvernement a institué la Taxe sur les produits pétroliers (TPP)". C’est dire, en termes simples, que le gouvernement reconnaît avoir incorporé la taxe sur les véhicules à moteur et les vélocipèdes dans la structure des prix des hydrocarbures. Mais ce qu’il n’a pas dit aux citoyens, c’est qu’il les a trompés en incorporant cette taxe qui était devenue insupportable et injuste, dans la structure des prix des hydrocarbures. Conscient de cela, le gouvernement annonce la suppression de ladite taxe, alors qu’il continuait de la percevoir à travers la TPP. Ainsi, pendant de nombreuses années, les citoyens continuaient de payer cette taxe sur les véhicules à moteur et les vélocipèdes sans le savoir.

Et c’est exactement la même taxe que le gouvernement veut ramener en la rebaptisant "Taxe de développement communal". Une fois de plus, le gouvernement veut tromper les citoyens en leur faisant croire que la TDC est une nouvelle taxe. En réalité, payer la TDC, c’est payer deux fois la même taxe, puisque la TPP est répartie entre le gouvernement (90%) et les collectivités (10%). Du reste, les syndicats avaient proposé au gouvernement lors des dernières rencontres gouvernement/syndicats de céder aux collectivités au moins la moitié des recettes collectées à travers la TPP (ce qui est une source de recettes plus importantes pour les collectivités que la TDC). Pour illustrer notre propos, prenons un exemple : un citoyen qui consomme un litre d’essence super 91 par jour, paie par jour une taxe de cent vingt- cinq (125) F CFA à l’Etat. Si on multiplie cent vingt-cinq (125) F CFA par trente (30) jours, il paie par mois une taxe de trois mille sept cent cinquante (3 750) F CFA à l’Etat. Si on multiplie trois mille sept cent cinquante (3 750) F CFA par douze (12) mois, on aura comme taxe annuelle payée par ce dernier, quarante-cinq mille (45 000) F CFA. Que chacun essaie d’évaluer sa contribution annuelle au budget de l’Etat rien qu’en payant la TPP.

"Nous payons déjà trop de taxes"

La troisième raison est que le citoyen burkinabè paie déjà trop de taxes. Qu’on nous permette d’en rappeler quelques-unes pour convaincre les plus sceptiques de nos lecteurs. Les impôts indirects que nous payons déjà sont les suivants :
 la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et qui équivaut à 18% du prix de l’objet acheté ;
 la Taxe unique sur les produits pétroliers (TPP) qui est de 125 F CFA sur chaque litre de super vendu à la pompe ;
 les droits de douane ;
 les droits de timbre ;
 la taxe unique sur les assurances ;
 la taxe sur les boissons ;
 la taxe sur les spectacles ;
 la taxe de balayage et d’enlèvement des ordures ménagères ;
 la Taxe de soutien au développement des activités audiovisuelles de l’Etat (TSDAAE), incorporée dans la facture d’électricité, qui est de 327 F CFA par mois ;
 la Taxe de développement de l’électrification (TDE), incorporée dans la facture d’électricité, qui est de 218 F CFA par mois.
 etc. Toutes ces taxes indirectes sont généralement payées sans que le citoyen ne s’en rende compte. Et c’est ce qu’il faut dénoncer au lieu de conclure comme monsieur Mamadou Diallo, expert en fiscalité, que la TPP étant une taxe indirecte, il convient alors que le citoyen paie la TDC qui est une taxe directe. Nous voudrions poser ici deux questions à monsieur Mamadou Diallo : pensez-vous que la taxe indirecte n’est pas payée par l’argent du contribuable ? Est-ce parce qu’une taxe est indirecte que la payer ne grève pas nos maigres pouvoirs d’achat ? Il ne suffit pas d’avoir un titre ronflant d’expert pour avoir l’intelligence requise de comprendre les décisions politiques. La différence entre une taxe indirecte et une taxe directe, c’est qu’on paie la première sans s’en rendre compte et qu’on paie la deuxième en connaissance de cause.

C’est pourquoi la plupart des taxes injustes sont prélevées indirectement. En plus de ces impôts indirects, nous payons aussi des impôts directs qui sont :
 l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) qui est de 12% du salaire ;
 l’impôt sur les bénéfices commerciaux et industriels (BIC) ;
 l’impôt sur les revenus des valeurs mobilières (IRVM) ;
 l’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers (IRC) ;
 l’impôt sur les revenus des fonciers immobiliers (IRF) ;
 l’impôt sur les revenus et honoraires des greffiers notaires (RHGN) ;
 la contribution des patentes ;
 la contribution du secteur informel ;
 la taxe de voirie ;
 la taxe de résidence ;
 la taxe de jouissance ;
 la fameuse Taxe de développement communal (TDC) qu’il faut refuser de payer ;
 etc. On le voit bien, un citoyen qui paie déjà ces nombreuses taxes est en droit de refuser de payer la TDC et avec juste raison. Enfin, la dernière raison pour ne pas payer la TDC relève de notre devoir citoyen. En effet, le bon citoyen est celui qui veille à la bonne gestion des deniers publics et demande des comptes aux gouvernants qui les détournent. De ce point de vue, tout citoyen doit se demander si les taxes qu’il paie déjà sont bien gérées. Si non, il ne peut pas consentir de payer de nouvelles taxes. Or, nos autorités ne rendent pas régulièrement compte de leur gestion des deniers publics. Et pire, même si des rapports de la Cour des comptes les épinglent (comme ce fut le cas de monsieur le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, quand il a réfectionné la mairie de Ouagadougou à un milliard de F CFA alors qu’il aurait pu la démolir et la reconstruire à moins de cette somme), les intéressés restent impunis et narguent les honnêtes citoyens. Si nos gouvernants ont déjà suffisamment fait montre de mal gouvernance économique et politique (cf. le rapport du collège des sages), il ne serait pas alors normal de continuer à payer des taxes supplémentaires pour continuer à les enrichir.

En ce qui concerne monsieur le maire de Ouagadougou, nous voudrions l’interpeller ici à rendre compte de sa gestion de la commune de Ouagadougou, et à rendre transparentes les attributions des parcelles lors des lotissements, qui sont de véritables occasions d’enrichissement illicite (...). Préoccupez-vous donc de la préparation du compte rendu de votre gestion de la commune de Ouagadougou ! Tout cela dit, permettez-moi, chers lecteurs, de conclure ma contribution en rappelant ces sages propos de Karl Marx dans La critique du programme de Gotha : "Dixi et salvari animam meam" ; c’est-à-dire littéralement : "J’ai parlé et j’ai sauvé mon âme". En termes simples, j’ai fait mon devoir de citoyen, je peux mourir enfin en paix ! Moussa DIALLO Professeur certifié de philosophie au lycée Bogodogo

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