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Angola 2010 : Le mélange explosif de la politique et du sport

Publié le lundi 11 janvier 2010 à 01h59min

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Ça aurait pu tomber sur les Etalons du Burkina, sur les Eléphants de Côte d’Ivoire ou sur les Black Stars du Ghana, les trois autres équipes du groupe B de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2010, qui se dispute depuis hier en Angola, mais le sort a voulu que ce soit les Eperviers qui tombent sous les balles assassines des indépendantistes du FLEC, le Front de libération de l’enclave du Cabinda :

Alors qu’elle avait quitté Pointe-Noire et qu’elle venait vendredi, de traverser la frontière qui sépare le Congo-Brazzaville de l’Angola, l’équipe nationale de football du Togo a en effet essuyé les tirs nourris des rebelles, qui entendaient ainsi se rappeler au bon souvenir de Luanda dont il dénie, depuis 35 ans, la souveraineté sur ces arpents de terre de 10 000 km2.

Bilan : deux morts (l’entraîneur adjoint et l’attaché de presse) et huit blessés dont quelques joueurs. Sanglante intrusion de la politique dans le sport qui a endeuillé la CAN avant même qu’elle ait commencé et qui repose de façon cruelle le problème de la sécurité sur un continent qui accueille, en juin prochain, et ce, pour la première fois, la coupe du monde. Difficile de ne pas y penser alors que l’insécurité est, déjà, réputée être un des problèmes majeurs de l’Afrique du Sud, ce voisin d’à côté.

En décidant d’installer l’un des groupes dans ce problématique morceau de territoire, les autorités angolaises posaient un acte hautement politique : (ré)affirmer leur possession de ces contrées riches en pétrole et montrer aux sceptiques qu’elles étaient pacifiées et sûres. Las !

Pour autant, il faut se garder d’en rajouter une couche. Ce serait oublier que des nations aux moyens humains, financiers et technologiques autrementplus importants ont connu, de par le passé, des situations analogues, au grand dam des sportifs, otages, comme c’est le cas ici, d’une cause qui leur est complètement étrangère, et à mille lieues des valeurs de paix, de fraternité et de communion que véhicule le sport.

Qu’on se rappelle Munich 72 quand le conflit israélo-palestinien s’invita aux Jeux olympiques de cette année avec l’action du groupe terroriste Septembre noir, proche de l’OLP, qui parvint à s’introduire dans le quartier israélien du village olympique et qui déboucha sur un bain de sang. Ou encore, l’équipe sri-lankaise de cricket victime d’un attentat à Lahore dans le Pendjab pakistanais en mars 2009.

Le sport a donc régulièrement été instrumentalisé à des fins politiques, les terroristes profitant des feux des projecteurs du monde entier pour mettre en lumière une quelconque revendication, même si, ce faisant, ils desservent également leur cause.

C’est aujourd’hui au tour des guérilleros cabindais de s’inviter dans une épreuve où ils n’étaient pas les bienvenus. Et de poser d’ultimes problèmes aux organisateurs à deux jours du début de la compétition. Que faire ? Mettre une croix sur cette édition ainsi que le réclamaient certains ?

L’incident est certes gravissisme, mais la Confédération africaine de football (CAF) ne pouvait, évidemment pas, se résoudre à une telle extrémité dont les implications, financières, entre autres, seraient désastreuses. Délocaliser le groupe B, qui était déjà réputé être celui de la mort ? Pas si simple et sauf à avoir prévu un plan B, ça ne s’improvise pas.

Il n’en sera donc rien. Bouleverser les plans aurait du reste revenu à accorder une victoire sur tapis vert aux séparatistes et il ne manquerait plus que le monde du ballon rond leur fasse ce plaisir. Statu quo donc. On va s’amuser, comme prévu, pendant trois semaines. Emmanuel Sheiyi Adebayor et ses camarades, tentés un moment par le forfait, devaient entrer en lice aujourd’hui même face au Ghana.

Tel un parachutiste qui doit aussitôt resauter après un accident dont il a réchappé s’il ne veut pas à jamais être habité par le doute et la peur, les Eperviers avaient certainement envie, après le drame, de montrer que leurs ailes n’étaient pas pour autant brisées, et de rendre quelque part un hommage à leurs disparus.

Lomé en a décidé autrement. La faute à l’irresponsable désinvolture de dirigeants de la CAF après la survenue du drame sur fond de véritable mêlée politico-sportive où il était difficile de se retrouver tant les informations contradictoires se telescopaient. Jusqu’à l’heure où nous tracions ces lignes, on ne savait d’ailleurs toujours pas si le Onze togolais obéirait à l’injonction de son gouvernement qui le sommait de rentrer au bercail ou s’il resterait ainsi que le souhaitaient les joueurs. On se demandait cependant s’ils pouvaient aller contre la volonté de leurs dirigeants, qui ne pouvaient pas, dans tous les cas se déjuger.

En vérité, et puisque les Etalons n’ont pas l’allure de champions, ça n’aurait pas manqué de panache si, après l’épreuve du feu, les protégés du coach Stéphanie Keshi y allaient et qu’ils réussissaient le tour de force de brandire le trophée continental au soir du 31 janvier prochain.

Ça aurait été un ultime et admirable pied de nez aux illuminés qui veulent se faire de la publicité en versant le sang des innocents ; et la preuve par le rectangle vert que les nobles idéaux, ceux que véhiculent notamment de telles joutes, auront toujours le dessus. Et si la partie tournait court, Les Eperviers auraient aurait eu beau jeu de dire qu’ils n’avaient plus la tête à ça, et qu’ils n’ont pu voler haut pour les raisons qu’on sait. Hélas !

Que le régime postmarxiste et autoritaire d’Eduardo dos Santos (aux affaires depuis 1979) ne soit pas à l’abri de toute critique, on veut bien. Mais qu’est-ce que les frères Africains, venus célébrer la fête du football, ont à voir dans ces querelles domestiques angolo-angolaises ?

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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