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Comportements de nos ministres : Frasques d’empire

Publié le mardi 1er septembre 2009 à 01h52min

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Une association présidée par un illustre ministre y a lancé sa campagne de reboisement. En présence d’une belle brochette de dignitaires, l’association qui a reboisé à cette occasion a mis en terre environ 300 arbres sur un demi hectare. C’est 7 fois plus petit que la superficie d’un terrain de football. Il resterait un hectare à planter. Pour l’ensemble de sa campagne l’association pense remplir donc un hectare et demi. C’est toujours moins qu’un terrain de foot. L’exploit a eu néanmoins droit à une pleine page, sûrement achetée de quotidien, la couleur en prime. C’est dire que rien que la publicité a coûté à elle seule plus que les arbres qui ont été plantés et la sueur, que l’opération a demandée aux forestiers d’un jour.

On peut même se risquer à penser que la seule tenue du ministre qui menait la manœuvre lui a été facturée un peu plus que le coût réelle de l’action. Si d’aventure il fallait tenir une comptabilité pour les frais de carburant, la ripaille, les cadeaux et tout le reste on atteindrait une belle petite somme pour 300 pauvres plants dont tout le monde connaît par avance le sort une fois que les tams-tams se seront tus. Notre confrère présent sur les lieux a tenu à souligner que la commune rurale de Boni, grande bénéficiaire de cette œuvre de charité « a refusé du monde » ce jour là. Tant de monde pour si peu ! Une autre façon de dire que l’ouverture de la campagne de plantation d’arbres était un bon prétexte à autre chose. Quoi donc ? L’actuel gouvernement est un des plus pléthoriques que le Burkina ait connus. C’est pour cette raison peut-être qu’on sent mieux son manque de dynamisme. Pratiquement tous les ministres ont l’air de gérer sur un train de sénateur de vieux dossiers. Même le Premier ministre qui, à ses premières prises de positions donnait l’air de vouloir bousculer les choses, est revenu à une gestion pépère du quotidien.

C’est à croire qu’autre chose préoccupe plus l’exécutif que les délestages, la crise universitaire, la gouvernance de l’hôpital ou le déficit céréalier qui pointe à l’horizon. Au moment de la composition de l’actuel gouvernement, quelqu’un du sérail avait expliqué qu’il s’agissait d’essayer le maximum de personnes afin de retenir plus tard ceux et celles qui se seront montrés dignes d’être confirmés à leur poste. Plus tard, cela ne peut être que le remaniement ministériel d’après l’élection présidentielle de 2010. On comprend mieux ainsi pourquoi certains ministres sont plus soucieux de leur visibilité que de l’efficacité de leurs actions. Il faut à tout prix être sous les projecteurs, faire quelque chose. Peu importe ce qui est fait. Mais il y a une autre raison. La taille de l’actuel gouvernement s’est imposée en son temps du fait du dosage régional qu’on y lit sans peine. Tout porte à penser à un quadrillage du territoire dont l’objectif serait de rabattre vers une personne bien connue le bétail électoral dont on aura besoin.

Autant on pardonnera donc à un ministre de se contenter des minima dans son ministère, autant on lui tiendra rigueur de ne pas fournir le moment venu son quota d’électeurs et de ne pas trouver une troupe suffisante pour porter les T-shirts qui seront mis à sa disposition. La fébrilité ministérielle actuelle serait alors un jeu de positionnement pour 2010. Mais alors ? Si l’exécutif est déjà en campagne à qui imputera-t-on les frais des virées bucoliques actuelles des ministres ? Au candidat ou au budget de l’Etat ? Mais la confusion de genre ne s’arrête pas là. Qu’un ministre dans l’exercice de ses fonctions draine un long cortège de paysans du dimanche à bord de grosses cylindrées à fond rouge un jour non ouvrable interpelle, surtout si on s’en tient aux récentes prescriptions du Premier ministre sur l’utilisation des biens de l’Etat. Qu’une présidente d’association, fut-elle par ailleurs ministre de son état, pour les activités de son association use de la sorte de ces mêmes biens, pose un réel problème de morale publique, voire de justice. Le moment venu, les observateurs internationaux en toute impartialité salueront la transparence exemplaire de l’élection.

C’est leur droit. Ils sont payés pour fermer les yeux. Mais les institutions républicaines du Burkina Faso ? Que feront-elles ? La CENI verra-t-elle que la campagne a bel et bien commencé sans son approbation ? Le CSC prendra-t-il le moment venu le soins de décompter les plages publicitaires auxquelles nous sommes soumis dès à présent, du temps de parole des candidats qui en auront bénéficié ? La Cour des Comptes sera-t-elle équitable dans la distribution des fonds de campagne en intégrant dans ses calculs le coût de l’usage indu des biens de la République ? La République elle-même saura-t-elle un jour se rappeler le sens de son nom ? Si rien de cela n’est fait, il faut se résoudre à considérer que nous vivons en empire. Mais même dans ce cas, les frasques ont parfois des limites.

Pascal KABORE

L’Indépendant

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Vos commentaires

  • Le 1er septembre 2009 à 05:28, par Le vigilant En réponse à : Comportements de nos ministres : Frasques d’empire

    Mr.KABORE, c’est bien de nous rapporter ce que vous avez écrit. Mais, comment voulez-vous qu’on y réagisse efficacement, notamment, au moment opportun, si vous avez peur (???) de nous dire qui est ce ministre ? Je comprends que dans un climat parfois difficile pour les journalistes, en tant que Homme, vous fassiez preuve d’une certaine réserve, mais vous laissez vos lecteurs...dans leur soif de l’information et, alors, votre vocation de journaliste resterait à parfaire. Le risque surtout étant que, en nous produisant de tels articles, l’on finisse par croire qu’il s’agit simplement d’un..."essai littéraire"...tendancieux. Soyez plus courageux, allez jusqu’au bout de ce que vous écrivez et...appelez un chat un chat, d’autant plus que vous n’inventez rien.!? comme Passék-taalé ! Ou bien ???

    Le vigilant

  • Le 1er septembre 2009 à 13:05 En réponse à : Comportements de nos ministres : Frasques d’empire

    J’ai beaucoup de respect pour l’Indépendant, surtout pour son défunt fondateur, Norbert Zongo. Mais ces genres d’articles, je m’attends le moins à le lire dans vos colonnes. Pourquoi ne pas nommer le ministre ? Que craignez-vous si tant est que ce que vous dites est vérifié ?

    Certaines de vos analyses sont intéressantes, mais d’autres me semblent très peu pertinentes. Il ne faut pas faire de ce joyau, un instrument de la rumeur et de la critique facile. Soyez plus professionnel en l’honneur/en référence à H.S.

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