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Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

Publié le mardi 22 mai 2007 à 08h40min

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Les chefs traditionnels doivent-ils faire de la politique ? La question a toujours suscité d’interminables débats sans pour autant qu’il y ait été trouvé une réponse définitive. Dans les lignes qui suivent, Jonas Hien pose à nouveau le débat en s’en prenant au parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

"Depuis le début des années 1990, le concept de développement a connu une extension. Il est de plus en plus question de "démocratie et développement". A ces vocables, sont venus se greffer deux autres : "la globalisation" et la "mondialisation". On a dit aux Africains que le développement durable n’était plus possible sans la pratique de la démocratie ; et qu’appliquer les règles de démocratie, c’était respecter les droits humains, accepter l’autre. Et on est parvenu à la rapide conclusion que la vie démocratique était la condition sine qua non pour aspirer à un bien-être. D’où la conditionnalité de l’"aide au développement" par l’ouverture de vie démocratique et du respect des droits humains en Afrique, imposée par les puissances financières. Mais voyons quelle était la préoccupation au lendemain des indépendances.

La préoccupation première des "maîtres nouvellement libérés" était de parvenir, eux aussi, à assurer le développement de l’Afrique, et lui restaurer sa dignité de "berceau de l’humanité". Pour y parvenir, des régimes militaires furent instaurés. Très vite, un système de "développement" fut mis en place : celui de la kalachnikov. C’est ainsi que la démocratie aurait été "développée" en sens inverse, et le bafouement des principes élémentaires de la vie connut également un développement exponentiel.

Au centre des systèmes de gouvernance, on citait deux mécanismes de vigilance : le contrôle du maintien du système à voie unique mis en place et la sécurité visant à étouffer toute velléité d’alternance. Les peuples africains étaient donc traumatisés et vivaient une démocratie et un développement tels que conçus par les "guides éclairés" issus des écoles de la colonisation. Ainsi, on peut comprendre une des raisons pour lesquelles le sommet de la Baule, en France en 1990, a convaincu. A partir de 1990, c’est donc le "renouveau démocratique". Le langage change. On reconnaît avoir travaillé pour l’Afrique depuis les indépendances mais pas avoir emprunté la voie qui conduit à son développement véritable.

Alors, il faut corriger les torts et repartir sur de nouvelles bases, le but étant toujours de parvenir au développement, à l’ordre du jour depuis des décennies. C’est ainsi que la voie de la démocratie telle que le voulait le Sommet de la Baule fut acceptée. Désormais, la démocratie doit conduire l’Afrique à un développement véritable, un continent aux potentialités évidentes.

Par cette "voie de salut", il s’agissait de permettre à chaque citoyen de vivre désormais dans la quiétude, la justice, et de pouvoir exprimer son opinion et opérer son choix démocratique selon sa vision des choses, du monde et des faits, sans être inquiété ou volé de son choix. L’intérêt du nouveau système de gestion du pouvoir d’Etat (la démocratie) visait également à éviter les remises en cause sans cesse faites des politiques de développement par les dirigeants qui se succédaient à la tête des Etats à l’issue de coups de force. Il s’agissait aussi de mettre fin à des pratiques de banalisation de la vie humaine, c’est-à-dire au banditisme politique. Mais quel constat peut être fait ?

Si l’appel à l’instauration d’une "vie constitutionnelle normale" (démocratique) et au respect des droits humains a été entendu par les dirigeants africains, il est à noter que le message ne semble pas bien compris. En effet, les démocraties africaines deviennent de plus en plus ambiguës et dangereuses. Les relents de politiques à voie unique demeurent et les violations des droits humains deviennent de plus en plus inquiétantes : assassinats de citoyens pour différence de point de vue, élections dites démocratiques sous fond de fraude flagrante.

La situation "obscure claire" semble alors se compliquer de nouveau pour les Africains qui, pour se donner du courage et de l’espoir, continuent la dissertation sur le développement durable qui dure à se développer. Alors que faire ? Il paraît qu’un développement qui passe par une voie démocratique est un long processus. Il faut donc patienter pour voir passer toutes les pratiques antidémocratiques et anti- développement. Et puisque le Burkina Faso fait partie de l’Afrique, avec tout ce qui existe comme similitudes dans ces pays, ramenons les choses dans le contexte burkinabè et analysons la vie politique dans notre pays pour nous intéresser à plusieurs aspects : l’existence des partis politiques, leur financement, le discours politique, le comportement des hommes politiques, la vie démocratique elle-même.

De l’existence des partis politiques

Plus d’une centaine de partis politiques existent au Burkina Faso. En se référant aux textes qui autorisent la création des partis politiques, mille partis qui se créeraient conformément auxdits textes ne me dérangent point. Chaque Burkinabè a le droit d’ouvrir son télécentre. Qu’il parle beaucoup en ville et n’arrive pas à remplir son télécentre de clients, c’est son problème. Laissons donc tous ceux qui désirent créer un parti politique le faire. Ils veulent développer notre pays par la voie politique. Il faut même les encourager dans ce sens.

Du financement des partis politiques

C’est là que ça me regarde ! La complaisance avec laquelle le gouvernement a gaspillé notre argent à tous des années durant, sous prétexte que c’était pour permettre à des partis politiques de battre campagne mérite d’être dénoncée. J’ose croire qu’après les élections législatives du 6 mai 2007, un tel gâchis prendra fin. Ce gaspillage d’argent public doit s’arrêter et le financement des partis politiques repensé en ce sens qu’il faut des conditions draconiennes dans le financement des partis, qui tiennent compte non seulement de la représentativité des partis, mais aussi du sérieux de leurs dirigeants.

Et encore que l’expression "campagne de proximité" était à la mode lors des campagnes électorales, cela favorise toutes sortes d’utilisations de ces fonds : on revient de son chantier où l’on vient de faire déverser du sable et gravillon, et on prétend revenir de la campagne de proximité. On disparaît pour échapper aux militants qui attendent aussi de quoi aller battre campagne et on réapparaît pour commencer à parler de campagne de proximité.

Et que dire de ce président de parti politique qui, après avoir touché son chèque pour ces législatives, s’est mis à remercier le gouvernement à tue-tête ? Voici un citoyen qui ne connaît même pas ses droits et qui veut contrôler l’appareil de l’Etat. Le financement des partis politiques est donc à revoir en vue d’arrêter ce gaspillage inutile de fonds publics. Vous verrez si après cela il y aura 30 partis au Burkina Faso !

Du discours politique

La "valeur" d’un homme politique, c’est son discours : la manière dont il s’adresse aux populations, la maîtrise de la ligne politique de son parti, la pertinence de son programme de société, son langage vis-à-vis des partis partenaires ou adversaires, la mesure de la responsabilité vis-à-vis du peuple en tant qu’homme politique. Dans ces domaines, il y a beaucoup à faire. Quand on connaît l’esprit dans lequel certains partis sont créés, on peut leur faire bénéficier de circonstance atténuantes s’ils ne disposent pas de programme de société.

Mais pour un homme politique, le discours politique compte beaucoup. Le discours politique pour un homme politique est ce qu’est la responsabilité sociale pour un journaliste. En politique, il faut parler, mais il faut savoir parler. Il y va de la paix sociale, surtout en période électorale. Sur ce point, j’en veux vraiment au parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), dont les militants ont parfois des attitudes contraires aux principes de la culture de la paix et de la tolérance. Certes, d’autres partis politiques connaissent les mêmes insuffisances.

Mais c’est le parti qui gère mon destin politique qui m’intéresse le plus. Ayant suivi le déroulement des élections depuis les années 1990, je suis en mesure d’affirmer que ce sont les militants du CDP et certains candidats qui n’hésitent pas à des tenter d’empêcher certains partis de battre librement campagne sur le territoire burkinabè. Pendant le mouvement du "Collectif de lutte contre l’impunité", des partisans du CDP ont bastonné des citoyens, les traitant d’étrangers sur leur territoire et les invitant à aller faire grève chez eux.

Pendant ces récentes législatives, ce sont encore des candidats du CDP qui ont tenté d’empêcher certains partis de battre campagne sur ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée. Depuis ces comportements, on n’a pas enregistré une seule fois de condamnation officielle de la part du CDP. Ce n’est pas responsable de la part d’un parti au pouvoir. Un parti au pouvoir doit montrer que son souci quotidien, c’est la paix sociale pour mettre en œuvre son programme de gouvernement. En politique, il n’existe pas de comportement à négliger. Qu’adviendrait-il si des militants à la base de tel ou tel parti venaient à commettre l’irréparable ? Il serait trop tard !

Même si des militants d’un autre parti s’engageaient dans de telles pratiques, il appartiendrait au parti au pouvoir de les rappeler à l’ordre car il est garant de la paix sociale. Mais que des déviations viennent du parti censé appeler à la paix sans qu’une voix officielle s’élève, c’est incompréhensible ! En vertu de quoi un citoyen burkinabè, responsable ou candidat d’un parti politique, devrait au préalable avoir une autorisation d’un candidat d’un autre parti avant de pouvoir battre campagne sur le territoire burkinabè ? Des candidats du CDP ont tenté cet empêchement et leur a laissé faire. C’est inadmissible ! Je le répète, c’est irresponsable de la part du parti au pouvoir.

Autre aspect du discours politique à considérer, la mission constitutionnelle de l’homme politique. Prenons le cas des députés. Les législatives du 6 mai 2007 nous ont permis non seulement d’enrichir notre vocabulaire avec des candidats, mais aussi de mesurer le niveau de maîtrise même de la mission constitutionnelle du député par les candidats à ces postes. En dehors de quelques candidats qui ont tenu jusqu’au bout le discours vrai quant à leurs possibilités une fois élus, la majorité n’a pas œuvré à l’éveil des consciences de ses propres parents en saisissant l’opportunité pour leur expliquer ce qu’était un député, sa mission. Les hommes politiques candidats aux élections politiques gagneraient à convaincre sur la base de la vérité. La politique comme art du mensonge est une conception obsolète.

Un autre aspect qui a manqué aux candidats lors de cette campagne législative, c’est la défense de leur programme de société. En dehors de "Blaise Compaoré gère mal le pays", il n’y a pas eu d’autres arguments. Or, on n’apprend rien aux Burkinabè en leur disant que ça ne va pas au pays. Blaise Compaoré lui-même sait que le pays va très mal, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il a commencé à mal le gérer. Même les enfants de l’école primaire savent cela ! On entend dire que le peuple les aime, qu’on a massivement voté pour eux, qu’ils n’ont pas utilisé les moyens de l’Etat pour battre campagne, etc.

Toutefois, un phénomène intrigant se répète à chaque élection. Et je l’ai personnellement vécu lors de ces législatives : les garages automobiles ont été pris d’assaut à la recherche de plaques d’immatriculation contre des frais plus ou moins importants. Même les plaques à peine lisibles, on en avait besoin. On a voulu obliger un garagiste, j’en fus témoin, à enlever les plaques d’immatriculation de véhicules de ses clients contre paiement, avec la promesse de les restituer à la fin de la campagne.

Effectivement, des plaques d’immatriculation reçues ont été retournées aux mécaniciens auto qui en exigeaient le retour après la campagne. Faut-il croire que dans ce Ouagadougou il existe autant de véhicules sans immatriculation ? Nous avions profité ce jour là pour chercher à comprendre ce phénomène. Et vous connaissez le "nègre" ! Pour montrer qu’il n’est pas n’importe qui, il vous dit avec qui il mange et pour qui il travaille. Arrêtez donc d’insulter l’intelligence de vos compatriotes en affirmant que vous n’avez pas utilisé les moyens de l’Etat.

Je peux vous fournir des preuves inattaquables. Cette parenthèse juste pour attirer l’attention des partis politiques sur la nécessité de disposer d’un programme de société pertinent à défendre lors des campagnes électorales. Les populations savent déjà qu’elles ne peuvent plus rien attendre de ce régime sauf à être proche de la famille présidentielle.

Le mot changement devrait aussi être élucidé afin de faciliter la compréhension des électeurs lors des campagnes. La majorité des partis lors de cette campagne législative a mis l’accent sur son désir du changement une fois élu. L’ambiguïté est venue des partis qui soutiennent le Président Blaise Comporé (J’imagine, car là aussi il y a ambiguïté. On soutient le chef et on déteste les membres de la famille du chef). Pendant que le parti au pouvoir parlait de progrès continu, des partis de la mouvance dissertaient, eux aussi, sur le changement. C’est à se demander ce qu’ils veulent changer, quand ceux qu’ils soutiennent ne parlent pas de changement.

Du comportement des hommes politiques

Un homme politique est un homme public. Et quand il aspire à gérer l’appareil d’Etat, ses propos et gestes doivent compter pour les citoyens. On ne peut pas confier la gestion des affaires publiques à n’importe qui ! Si aujourd’hui le Burkina Faso de Blaise Compaoré va mal, c’est parce que le discours politique des dirigeants actuels est en contradiction flagrante avec la pratique. On se soucie peu des citoyens et on a horreur des critiques. Evoquons ce qui pourrait s’apparenter à une anecdote. Le 6 avril 2007, le gouvernement a organisé la revue annuelle du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.

A l’occasion, la contribution de la société civile était attendue. Comme apport, elle a présenté, entre autres, une enquête sur les infrastructures routières. Il s’agissait d’un sondage d’opinion auprès des transporteurs routiers et commerçants dans les régions de l’Est, du sahel et de la Boucle du Mouhoun et d’entretiens dans la région de l’Est avec les transporteurs, commerçants, de la direction générale des Infrastructures et du Désenclavement, des bureaux d’ingénieurs conseils, des entrepreneurs et des projets.

Lors de la présentation à la revue, des exemples de routes réfectionnées annuellement mais avec des résultats déplorables ont été donnés. De même, il a été montré les inconvénients de l’état défectueux des voies routières. Il n’en fallait pas plus pour susciter le courroux de certains membres du gouvernement, avec en tête le ministre des Infrastructures, qui a lâché publiquement qu’il n’aimait pas ce genre de personnes qui font ce genre de travail. A peine un mois plus tard, voyez ce qui s’est passé sur la route de Dori où il y a eu mort d’hommes ! Certes, le ministre de tutelle n’en impute la responsabilité à personne. Le fait d’attirer parfois l’attention d’un homme politique ou d’un dirigeant peut amener "la foudre".

Pourtant, il faut oser critiquer les hommes politiques qui aspirent à la gestion du pouvoir de même que ceux qui sont déjà au pouvoir. Ils n’y sont pas pour eux-mêmes. Et tant qu’il s’agit d’une œuvre d’intérêt public, il faut oser dire à tel ou tel ministre ou autres qu’il y a problème dans sa "maison". Cela n’a rien de méchant. Et les ministres qui acceptent la critique ont toujours fait du bon travail. Il y a aussi des exemples positifs que l’on peut citer dans ce même gouvernement. Critiquons donc les hommes politiques quand il faut.

C’est pourquoi il faut avoir le courage de dire à monsieur Hermann Yaméogo que s’il est fatigué, il n’est pas obligé de continuer à faire de la politique. Voici un homme politique, candidat de surcroît, en campagne qui appelle ses militants à voter massivement pour lui et qui, dans le même temps, refuse de voter. Hermann Yaméogo a refusé de se donner sa propre voix mais a appellé les autres à lui donner les leurs. Non seulement une telle attitude ne répond à aucune stratégie politique, mais surtout il s’agit d’un manque de respect et de considération vis-à-vis des militants de son parti.

A défaut de participer à la formation politique de ses militants, il faut éviter de tels comportements. Le comportement d’un homme politique doit refléter les aspirations et l’engagement de ses militants.

De la vie démocratique

On a compris maintenant ! La démocratie au Burkina Faso est synonyme d’impunité, d’arrogance, d’impolitesse, de misère. Avec la démocratie, on peut tuer votre parent et vous n’avez pas droit à la justice, surtout si les présumés coupables se trouvent du côté présidentiel. Avec la démocratie, vous pouvez être au courant de la gestion gabegique des fonds publics mais vous n’y pouvez rien. C’est au nom de la démocratie qu’on vous flatte en faisant croire qu’on lutte contre la pauvreté.

L’attitude des jeunes lors de la campagne législative a été un vrai désaveu des hommes politiques en général et des tenants du pouvoir en particulier. Discutez avec les jeunes. Ils sont au courant des magouilles, de Ouaga 2000, de la cité de l’impunité à Somgandé et d’autres choses qu’on ne les soupçonnerait pas de savoir. Ils ne voient pas les bénéficies de cette démocratie hideuse pour les populations du pays réel.

Le plus grave dans tout cela, c’est que la démocratie burkinabè est en train de détruire la seule richesse qui pourrait nous rester : les valeurs culturelles. La prise en otages des chefs traditionnels dans la vie politique est la plus grave bêtise et le plus grand danger de notre démocratie. Cela peut avoir une explication. L’impopularité du président Blaise Compaoré est due à cette haute trahison de son "ami" Thomas Sankara. L’homme se cherchait donc à tous les niveaux. Et avec la démocratie, il lui était difficile d’avoir l’audience des populations lors des élections. Il lui fallait s’appuyer sur les chefs traditionnels pour glander quelque chose pour lui. Humainement, cela est compréhensible. Mais du point de vue de l’avenir du pays, c’est une grave erreur.

Mon avis serait que, protocolairement, le Mogho- Naaba, par exemple, vienne après le président du Faso (pas parce qu’il s’appelle Blaise Compaoré mais même si c’était moi). Certes, l’école du Blanc veut nous faire croire que le chef d’Etat africain est au-dessus du chef traditionnel. C’est du mensonge. Nous avons accepté certaines choses du Blanc à l’école parce que nous voulions des points pour passer en classe supérieure. Maintenant qu’on n’a plus de devoir de passage, revenons à la réalité et reconsidérons nos valeurs traditionnelles. Voyons ce qui ce passe aujourd’hui.

Un chef traditionnel n’a aucun respect de la part des jeunes. Les chefs traditionnels sont considérés comme des politiciens et traités comme tels, parfois même comme de vulgaires citoyens à qui il ne faut pas prêter attention. Quel danger pour la société ! Supposons qu’une crise sociale aiguë éclate au Burkina Faso. A qui fera-t-on recours ? Qui pourra mettre fin au désastre ? Un chef traditionnel est un citoyen comme tous les autres et a le droit de faire de la politique, entend-on dire. Sans nier cette vérité, nous pouvons même ajouter qu’il n’est pas un citoyen comme les autres.

Il est une référence sociale qui doit façonner les autres citoyens vers un idéal d’impartialité commun. En d’autres termes, un chef traditionnel, ce n’est pas n’importe qui. Il est l’avenir de tout un peuple en ce qu’il contribue à réguler la vie et la cohésion sociales. Nous ne devons donc pas exposer ce type de personnes à la maltraitance de n’importe qui. Malheureusement, des chefs traditionnels engagés dans la politique tiennent des propos xénophobes, régionalistes, divisionnistes. Nous gagnerions tous à réfléchir sérieusement sur la chefferie traditionnelle et la vie politique. Je partage en grande partie la vision du professeur Laurent Bado sur le traitement à réserver aux chefs traditionnels par l’Etat. Il faut redonner de la valeur et de la considération aux chefs.

Actuellement, on veut se maintenir au pouvoir. Toutes les pratiques sont permises mais nous courons de grands risques si le tir n’est pas rectifié à tant. Et pour cela, j’en veux vraiment au CDP. Mon avis formel est que le CDP est en train de détruire notre société avec cette implication profonde des chefs traditionnels dans la politique. Je suis lobi. Et en pays lobi, chacun est chef dans sa propre cour et l’exerce, s’il le veut, selon les limites de la clôture de sa cour. Personne n’a d’ordre à donner à qui que ce soit. Mais l’ordre règne car chacun connaît sa place et ne peut pas se tromper, au risque de recevoir tout de suite des représailles à la hauteur de son erreur ou de sa faute. On se demanderait alors ce qui me regarde puisqu’on n’a pas de chef ! C’est l’avenir de mon pays qui me regarde. Le maintien des valeurs culturelles africaines me regarde et j’ai un grand respect pour les sociétés dites organisées ayant donc à leur tête des chefs.

Dans un pays aussi instable que le Burkina Faso où il suffit d’avoir le pouvoir pour chercher à brimer les autres parce qu’ils ne font pas partie de la famille présidentielle, l’existence des personnes de ressources comme les chefs traditionnels est plus que nécessaire. Je n’invente rien. Le dossier Norbert Zongo ne peut pas avancer et on sait pourquoi. Le commandant Bernadin Pooda est en prison parce qu’il n’est pas reconnu proche de la famille présidentielle. Il n’appartient pas non plus à un club proche de la famille présidentielle. C’est ça, la vérité ! C’est tout ce qui l’a envoyé en prison. Si ce n’était que des cas de détournements, ils sont légions dans ce régime et on peut publier ces cas dans les journaux chaque jour et si les accusés estent en justice on ajoute ce qu’on n’avait pas dit jusqu’à ce qu’ils demandent pardon devant le juge. On connaît très bien ce qui se passe dans ce pays. Evitons donc les injustices.

S’agissant de la nouvelle Assemblée, il faudrait que les choses changent. Le peuple a trop souffert de par la faute des députés. Des lois sont votées entre deux pause-café sans qu’on cherche à recueillir d’abord l’avis de ceux qu’on est censé représenter. On ne vote pas de loi dans la précipitation. La presque totalité des candidats aux élections législatives ont mis en avant la jeunesse. J’attends le premier député qui soumettra la première proposition de loi en faveur de la jeunesse.

Par exemple, demander que les émoluments des députés soient réduits, que le train de vie de l’Etat soit réduit et que l’action du gouvernement en faveur des jeunes soit plus visible ; que des députés se constituent en commission de suivi ou de vérification des actions qui vont effectivement en faveur des jeunes. On attend également que les députés aient le courage de dire officiellement à l’exécutif que l’injustice a trop duré avec ce régime ; qu’il y a trop de frustrations. De nombreux jeunes sont dans la détresse parce que quand on n’est pas à côté là-bas, on n’est pas servi. Qu’on se le dise, cette démocratie commence à nous faire trop souffrir, l’action de contrôle du gouvernement par l’Assemblée nationale n’a jamais été effective. Et surtout quand on "caracole" pour être "élu" (car on sait comment ça s’est passé dans certains cas), on doit au moins faire semblant de ressembler à un représentant du peuple.

Le peu de joie que le peuple a dans ce pays, on le doit à la presse. Si celle-ci ne jouait pas son rôle d’information et de dénonciation, on serait tous foutu. C’est pourquoi, pour le moment en tout cas, nous devons reconnaître en Monsieur Luc Adophe Tiao un esprit de patriotisme. Il ne peut pas me convaincre qu’il ne fait pas partie de la famille présidentielle. Jamais ! Mais il sait tellement bien jouer son rôle avec son équipe du Conseil supérieur de la communication qu’on ne s’en rend pas compte. Cela est à son honneur. C’est dire qu’on peut être député du parti au pouvoir et contrôler effectivement l’action gouvernementale pour l’intérêt du pays tout entier. C’est dire aussi qu’on ne voit pas tout en noir dans ce régime. Nous reconnaissons les mérites des personnalités qui sont aussi de la famille présidentielle. Malheureusement, le noir est plus visible que la blanc."

Jonas Hien

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 22 mai 2007 à 11:46, par LaPlume En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

    Plus que parfait ton analyse Mr Hien, très precis. Oui, le pays suffoque parce qu’on utilise tous les moyens pour se faire la place du lion, et le problème des chefs traditionels est ALARMANT, car c’est plus que le tissu social qui est menacé, c’est même la societé dans sa definition qui s’en va par là. Remarquez il y a des zones du Burkina qui n’ont pas de chef traditionels en tant que tels, mais un chef coutumier pour les rituels, eh bien ces societés se créent aussi leur chefs traditionel pour pourvoir être dans cette "cour presidentielle" !! Il y a aussi que certains verraient dans cette epopée de chef traditionesl à la tête de l’Etat comme une assise de certaines zones dans le pouvoir et donc chacun veut marquer son territoire et garder son pouvoir dans le pouvoir... Quelque soit l’idée qui ait entrainé cette situation, c’était la pire, la moins patriotique et apolitique que j’ai jamais vu. Surtout dans un pays comme le burkina qui cherche même ses repères nationales, l’integration interne de ses populations... Seule la tradition et ses representants, et je parle de la vraie pas des nouvelles religions, peuvent nous sortir d’une crise en cas de pepin car elle est basé sur une loi immuable depuis la nuit des temps..SVP ne ne nous detruisez pas toutes nos valeurs au pays, je vous en conjure !!!!!!!

    • Le 23 mai 2007 à 11:07 En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

      Trop tard !! Le ver (le CDP) est dans le fruit (la société dite "civile"). Il va continuer de pourrir et finir par tomber de l’arbre (le corps social)...

      • Le 24 mai 2007 à 00:43, par RŽmi KaborŽ En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

        Eh oui Mes chers compatriotes, nous avons du chemin ˆ faire car la route est longue et perieuse.
        Que va t’il rester ˆ nous les pauvres BurkinabŽ ? Nos yeux pour pleurer ? DesolŽ ! Tous les chefs traditionnels politisŽs hors auparavant ils Žtaient les garants des valeurs et de la sŽcuritŽ de la sociŽtŽ. Un exemple qui montre qu’il nous faut quand meme une institution tradionnelle ou soit disant moderne, est la crise Institutionnelle en Turquie nŽe de la future Žlection du prŽsident de la rŽpublique dont un conservateur rŽligieux voulait se presenter. L’armŽe garante de la la•citŽ a posŽ son non-recevoir voilˆ que les choses sont entrain d’Žvoluer. Alors et chez nous au Burkina-Faso qu’est ce qui pourrait nous sauver en cas de crise majeur ? Rien ! Et Dieu, tu nous entend ?

  • Le 22 mai 2007 à 19:31 En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

    Félicitations Mr Hien. J’ai lu ton article en totalité et je suis d’accord avec toi sur toutes les questions abordées. C’est une analyse objective de la situation et sans passion aucune.

  • Le 22 mai 2007 à 20:47, par Ya Yélé En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

    Hey !!! Vous là !!! Il faut préciser : Il faut écrire ’’Chefs traditionnels MOSSI...’’ et non ’’Chefs traditionnels...’’ tout court, sinon on va croire que tout le monde est dedans or ce sont les chefs mossi qui s’illustrent négativement sur l’échiquier politique. Tous mes respects par contre au Grand MORO qui a su marcher doucement à reculon et à temps.

    • Le 23 mai 2007 à 11:10 En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

      Ahh ouais ?!!! Et le chef de Pô, ou les chefs (ou émirs) du nord pour les faits repris par l’actualité récente ? Et j’en omet d’autres....
      Ils (nos chefs) sont tous dedans comme on dit, même si les Mossis du fait de leur nombre et de leur culture de la hiérarchie verticale s’illustre davantage...

    • Le 30 mai 2007 à 13:47, par akhénaton En réponse à : un sénat pour les chefs

      Le problème est général et mon chère frère ne dévrait pas le circoncrir uniquement aux chefs traditionnels mossé. Le Nubado (chef du gulmu) n’est-il pas devenu député ?, l’Emir de Dori n’a t-il pas été candidat aux dernières législatives ?, y’a t-il pas eu de patriarche Bobo, Lobi, dagara, ... candidats ? Le phénomène est là et il faut en appeler au sens de responsabiltés des chefs quelque soit leur ethnie. Pour moi, il faut que nos illustres garants des traditions ancestrales evitent de se lancer dans l’arène politique, lieu d’intrigues, de mensonges, en somme lieu sans foi, ni loi. Ils devraient rester neutre en vue de pouvoir jouer leur rôle de rassembleur dans leur société respective. S’ils preferent l’assemblée nationale ou les conseils municipaux qu’ils renoncent aux bonnets de chefs traditionnels. Ainsi, on éviterai d’utiliser le bien d’une communauté (le naam) à des fins personnelles politistes inavouées. Leur terrain de prédilection devrait être plutot celui de la sauvegarde de notre culture, du développement communautaire, de la lutte contre les fléaux qui ravagent nos populations, des médiations et réconciliations les crises nationales et régionales.

  • Le 23 mai 2007 à 18:05 En réponse à : > Implication des chefs traditionnels dans la politique : "J’en veux au CDP"

    Bonjour,
    M. Hien, votre article est tout à fait réaliste et objectif. C’est la triste réalité du pays des Hommes "Intègres" qui ont perdu leur intégrité depuis un bon bout de temps.
    Comme vous l’avez dit, tout le monde (même les enfants du primaire) sait ce qui ne va pas dans ce pays. La pauvreté continue à "râtisser large", la vie de plus en plus chère, les cotonculteurs veront le feu bientôt, etc etc.
    A qui la faute ? J’accuse aussi le peuple burkinabè qui refuse le changement. Si nous voyons bien que ça ne va pas depuis des années avec les mêmes dirigeants, alors "Osons le changement" ; c’est tout. Au moins, essayons d’équilibrer les forces. Mais c’est dejà fait. Esperons qu’aux elections prochaines les electeurs soient plus matures. Sinon, c’est tampis pour nous !!!

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