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Dossiers judiciaires : Pour une opération "mana - mana" à la Cour de cassation

Publié le mardi 8 novembre 2005 à 08h20min

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A travers cet écrit, Sina Ouattara, citoyen de Bobo Dioulasso, appelle les autorités judiciaires burkinabè à une meilleure implication dans le traitement des dossiers de justice. Car, certaines juridictions, notamment la Cour de cassation, ne donnent pas, selon lui, satisfaction aux justiciables.

Dans son édition N° 3491 du vendredi 28 au dimanche 30 octobre 2005, et sous la rubrique « Ombres et Lumières » de votre quotidien « Le Pays », j’ai lu un article sur la Cour de cassation, portant en titre « Deux Magistrats en renfort », qui suscite en moi un certain nombre de questionnements et d’inquiétudes.

En effet, permettez-moi de tirer d’abord avec véhémence, le chapeau au ministère de la Justice, pour les multiples et louables efforts qu’il déploie depuis un certain temps, au profit des justiciables (organisation de séminaires de formation de magistrats, implantation de nouvelles structures, rénovation des structures déjà existantes, etc.).

Naturellement, tout cela entre en droite ligne des objectifs que nos autorités se sont assignés, pour réformer la Justice de façon globale, et lui redonner une image acceptable par tous, son image d’antan.
Mais auprès de qui devrait-on chercher à réhabiliter cette justice et lui restituer ses lettres de noblesse, si ce n’est le citoyen « lambda », ou encore vous et moi qui avons des dossiers en cours de traitement dans les palais, ou qui sommes susceptibles d’en avoir à tout moment ?

Et comment peut-on apprécier l’impact de ces réformes, si malgré toutes ces actions opérées par le sommet, aucun changement positif dans le fonctionnement de ces Tribunaux et ces Cours ne paraît en conséquence visible sur le terrain pour le justiciable que nous sommes ?

Autrement dit, ne voit-on pas encore aujourd’hui, des juges au-dessus de tout soupçon, s’entêter à rendre délibérément et en toute impunité, des sentences inappropriées, au mépris du bon sens, des serments et des textes de loi ; et ceci, pour entrer obstinément dans les grâces des parties qu’ils cherchent à favoriser, en leur faisant gagner du temps, soumettant ainsi les victimes aux affres des longs délais de procédure (multiples reports de jugement pour des motifs anodins, vacances judiciaires, temps de transfert entre différentes juridictions, et surtout, temps d’hibernation interminable des dossiers à la Cour de cassation) ?

A la Cour de cassation

Ainsi, très facilement, un dossier social qui a mis trois mois pour passer devant le Tribunal de grande instance, mettra au minimum un an pour être tranché par la Cour d’appel, et deux, trois ou quatre ans et plus, en attente à la Cour de Cassation, sans être jamais jugé. Comme quoi, on expédie les dossiers à la Cour de cassation, comme pour clouer le bec à certaines parties en cause, qui malgré leur raison, dérangent.

Et à chaque fois que vous chercherez à comprendre, on se contentera de vous répondre que le dossier vient d’ y être reçu, sans tenir compte des périodes antérieures depuis le premier jugement.

Au fait, y a-t- il quelqu’un pour nous préciser, de combien de temps l’on a réellement besoin au niveau de cette Cour de cassation pour étudier les dossiers, avant d’accepter enfin de les livrer au jugement ?
S’ y soucie-t-on, ne serait-ce qu’un tout petit peu, du sort de toutes ces victimes qui souffrent au quotidien, et sur lesquelles les juges ont presque droit de vie ou de mort ? (...)

Dans ces conditions, comment voulez-vous que d’innombrables personnes, qui ont des dossiers pendants en Justice, et dont le dénouement rapide aurait pu être salvateur pour eux et leur famille, ne meurent pas prématurément de misère et d’affliction ?

Crocs-en-jambe entre juges

Comment voulez-vous, dis-je, qu’au détriment des voies judiciaires traditionnelles, certains ne finissent pas par porter leur dévolu sur les règlements de compte personnel, auxquels certains juges peuvent eux-mêmes ne pas échapper ?
Cette situation qui est à prendre au sérieux ne nous incite-t-elle pas à regretter les « T.P.R. » où tous les procès se menant « tambour battant », les justiciables y gagnaient chacun au moins pour son compte ?
Par ailleurs, que dire d’une Cour où les juges ont la faculté de se faire des crocs-en-jambe, en déprogrammant pour un oui ou un non, les dossiers déjà programmés par leurs prédécesseurs, au lieu d’assurer tout simplement la continuité ?

Que peut-on conclure, lorsque la programmation d’un dossier est liée à une production de pièces, ces pièces qui ne viendront jamais, car tout simplement attendues de ceux-là même qui, se sentant coupables, n’ont pas d’intérêt au procès ? N’est-ce pas là du dilatoire, ou une complicité peut-être du juge lui-même ?
De surcroît, quel sort réserve-t-on à ces dossiers détenus par la Cour de cassation, depuis trois ou quatre ans et plus, et menacés de forclusion, parce que liés à des procédures de liquidation, dont les délais de clôture ne semblent plus loin ?

Ces mêmes dossiers pour lesquels les avocats, de guerre lasse, ont "perdu leur latin" ? Ces dossiers qui ne font l’objet d’aucune diligence méritée, et dont les pauvres victimes n’ont plus d’espoir que le bon Dieu ? Va-t-on finir par les enterrer, ou tout simplement les classer « sans objet » ? Ce serait en tout cas une inimaginable injustice.

N’a-t-on pas des raisons de croire que ce sont des silhouettes politiques qui s’acharnent à s’appesantir sur certains de ces dossiers pour les étouffer ?
Et du reste, lorsque les statisticiens de la Cour de cassation affirment avoir reçu « 116 » pourvois entre octobre 2004 et octobre 2005, et rendu « 113 » arrêts, n’est-ce pas de la démagogie ? Qui du ministre ou des justiciables veut-on appâter ?

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point », nous dit l’adage.
Et qu’a-t-on fait des quantités de dossiers d’avant octobre 2004, qui continuent à dormir dans les tiroirs de la Cour. Qui s’en occupera ?

Appréciations et inquiétudes

Pour ma part, j’apprécie positivement la nomination à la Cour de cassation, de ces deux nouveaux magistrats expérimentés que sont messieurs Jean-Baptiste G. Ouédraogo et Jean M. Condé comme conseillers, si c’est pour établir des rapports et préparer des projets d’arrêts ;
mais si c’est pour délibérer ou émettre des jugements sur des dossiers, cette autre préoccupation, et qu’il faut prendre en considération m’inquiète.
Exemple : Un dossier opposant A et B a déjà été traité et jugé par M. Condé à la Cour d’appel quand il y était, où il a tranché en faveur de A ;

B non content, a fait un pourvoi en cassation, espérant compter sur des avis plus éclairés pour lui donner raison ;
Mais voilà que ce même dossier doit encore dépendre à la Cour de cassation, de l’avis influent de M. Condé qui s’y retrouve par le jeu des nominations.
Quel avis pensez-vous que M. Condé va, cette fois-ci, émettre, et quelle justice aura-t-on rendue à B ?
Enfin, je ne perds aucunement de vue, le travail titanesque abattu de bonne foi par notre ministre de la Justice et son équipe, tant au niveau des tribunaux que des cours.

Mais, pour que cela ne fasse pas oeuvre de « coquille vide », je leur demande humblement de s’investir un peu plus, dans les dossiers en instance à la Cour de cassation.
Je demande à nos autorités judiciaires d’effectuer une descente expresse dans les archives de cette Cour, et d’y déclencher une opération « mana mana ».

Elles devront y répertorier sans aucune distinction l’ensemble des dossiers, « fouiller et bêcher » à la manière du laboureur de la fable, « sans laisser nulle place ou la main ne passe et repasse » et les vider instamment comme il se doit, pour permettre au personnel de recommencer à zéro.

C’est à ce prix-là que nos autorités pourront situer et soulager ces milliers de justiciables qui attendent depuis des années, sans nouvelle et sans écho ; c’est à ce prix-là également, qu’elles pourront elles-mêmes ressentir sans aucun doute, le contrecoup immédiat des actions positives qu’elles ont eu le courage d’engager. Qui plus est, le commun des Burkinabè pourra alors affirmer sans se tromper, qu’il y a une véritable réforme de la Justice au Burkina, engagée démocratiquement, et empreinte de bonne gouvernance.

Sina OUATTARA Bobo Dioulasso

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 8 novembre 2005 à 20:28, par Malo Tibité En réponse à : > Dossiers judiciaires : Pour une opération "mana - mana" à la Cour de cassation

    pour votre information et celle des lecteurs , sachez que toute décision de justice porte toujours en en-tete les noms de tous les juges qui l’ont rendue de sorte que aucun de ces juges ne puisse connaitre ce dossier en appel ou en cassation.c’ est une simple question de bon sens et l’on n ’a pas besoin d’etre un specialiste de droit pour comprendre cela. En outre la loi donne la possibilité à toute personne au procès de récuser un juge .

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