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Crise alimentaire : "Si on n’avait pas tué l’OFNACER..."

Publié le mardi 23 août 2005 à 08h02min

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Aboubakary Sidiki Cissé, citoyen de son état, réagit par rapport à certaines "incohérences" du ministre chargé de l’Agriculture, Salif Diallo, lors du point de presse du gouvernement, tenu le 30 juin dernier et diffusé sur la Télévision nationale du Burkina (TNB) le 4 juillet. Mon silence, dit-il, signifierait "liquider l’Office national des céréales (OFNACER) une deuxième fois". En voici les raisons.

"Je me dois de réagir par rapport à la question posée sur la SONAGESS à l’adresse du ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, M. Salif Diallo, car mon silence signifierait "liquider l’OFNACER une deuxième fois."

En effet, dans sa réponse, le ministre a fait cas de l’OFNACER et du motif de sa liquidation liée au fait que l’Office national des céréales (OFNACER) "spéculait au même titre que les commerçants..."

Aussi, je relève qu’il y a une certaine méconnaissance de cet office de la part de M. Diallo pour qui j’ai beaucoup d’admiration pour son courage olympien.
C’est suite à la sécheresse des années 70, sécheresse qui s’est abattue impunément sur les pays sahéliens et particulièrement sur notre pays, que l’OFNACER a vu le jour en 1971 ; je ne me hasarderais pas sur les péripéties et les difficultés que cet office a rencontrées lors de sa création et de son parcours jusqu’à la liquidation en septembre 1994.

La mission assignée à cet organisme étatique était axée sur 3 volets principaux :
- la stabilisation des prix céréaliers ;
- la sécurité alimentaire ;
- la réception et la gestion de l’aide alimentaire.

1. La stabilisation des prix céréaliers ou régulation du marché céréalier dans notre pays

L’OFNACER était chargé d’appliquer sur l’ensemble du territoire national les prix officiels des céréales (mil, sorgho, maïs, riz...), prix qui étaient étudiés et arrêtés par l’Etat. Il s’agissait des prix d’achat aux producteurs et des prix de vente aux consommateurs.
Pour jouer son rôle de stabilisateur, l’OFNACER disposait de magasins et de silos de stockage de grande capacité sur l’ensemble du territoire ; il organisait donc après les récoltes des campagnes de collecte de céréales locales.

Ainsi :
a) Pendant les campagnes d’achat ou collecte de céréales, l’OFNACER parcourait et achetait les produits céréaliers dans les zones excédentaires (zones de production) en offrant aux paysans des prix rémunérateurs (prix d’achat officiels), les incitant à produire davantage les saisons prochaines et par voie de conséquence les motivant à ne pas brader leurs récoltes sur pied aux commerçants.
b) Les produits (céréaliers) ainsi collectés, sont acheminés dans les entrepôts (stocks de stabilisation et stocks de sécurité).

c) En temps normal et pendant la soudure, les produits sont déstockés pour être vendus aux consommateurs aux prix abordables (prix de vente officiels) ; ces prix étant les mêmes sur l’ensemble du territoire.
La stabilisation des prix céréaliers a un aspect purement social ; comme annoncé ci-haut, les céréales sont revendues dans les quatre coins du pays aux mêmes prix (prix officiels).
Par exemple, si le sac de maïs de 100 kg se vendait à 5000 F CFA à Ouagadougou ou à Dédougou, il se vendait au même prix (5 000 F CFA) à Dori ou à Gorom-Gorom.

Quelle que soit la nature du stock à vendre (stabilisation, sécurité alimentaire-aide alimentaire...), cette opération de vente engendrait un manque à gagner, c’est-à-dire une perte ; car le différentiel de transport et autres charges (manutention...) n’étaient pas pris en compte, donc ce rôle social de l’Office était un sacrifice, et pourtant, ce manque à gagner devrait être régularisé par quelqu’un qui n’est autre que l’Etat qui, à ce niveau, a fui ses responsabilités pour "manque de ressources... "

2- La sécurité alimentaire

L’un des rôles de l’OFNACER et non le moindre était la sécurité alimentaire. L’Office était appelé à constituer des stocks de sécurité devant lui permettre d’intervenir pendant les périodes de soudure et de famine. Ainsi, pendant les campagnes de collecte de céréales, l’OFNACER entreposait des stocks dans ses magasins et silos (de sécurité alimentaire). Ces entrepôts de sécurité alimentaire étaient distincts de ceux de la stabilisation ; ils étaient implantés dans les zones excédentaires et dans certains centres de grande consommation (Bobo, Ouagadougou...).

La particularité de ces stocks de sécurité, c’est que, les produits une fois entreposés, sont entretenus, traités et tenus intangibles en attendant les dures périodes de soudures et les calamités où ils étaient déstockés et évacués vers les zones démunies ou régions déficitaires. Là, ils sont soit distribués gratuitement, soit vendus aux prix officiels ou prix étudiés.

La République Fédérale d’Allemagne (RFA) est à saluer, car elle est à la base de la création et de la promotion du stock de sécurité alimentaire dans notre pays et ce par le biais de l’un de ses organes : la GTZ. (La SONAGESS est l’un de ses fruits suite à la liquidation de l’OFNACER) et cela a motivé l’intervention d’autres pays et institutions dans la constitution de ce stock (de sécurité).

3 - La réception et la gestion de l’aide alimentaire

L’OFNACER avait aussi pour mandat de réceptionner et de . gérer l’aide alimentaire. Aussi faut-il faire la distinction entre :

a) - L’aide alimentaire destinée à la distribution gratuite :

Cette aide n’était pas à vendre, mais à distribuer gratuitement (suivant recommandations des autorités) aux populations affamées, démunies et sinistrées.

b) - L’aide alimentaire destinée à la vente aux prix officiels en vigueur

Cette aide est spécifique car son objectif était la constitution des Fonds de contrepartie (FDC). Le FDC est égal à la recette brute de l’aide vendue (RBAV) moins les charges d’exploitation de l’OFNACER (CEO)( y compris les salaires du personnel bien sûr ; rappellons que le personnel de l’OFNACER n’a jamais émargé sur le budget de l’Etat).

FDC = RBAV - CEO

La recette nette ainsi dégagée était transférée dans un compte spécial créé à cet effet et appelé Fonds de contrepartie ; fonds qui était à la disposition du donateur qui en était signataire, ainsi que l’Etat (bénéficiaire final : financements de certains de ses projets).

Les recettes brutes de l’aide ainsi que les autres recettes étaient au préalable déposées dans des comptes d’attente dont étaient seuls signataires le Directeur général et le Chef comptable (ou Directeur des Affaires administratives et financières). D’une manière générale, c’est ce Fonds de contrepartie qui est négocié et débloqué en sus de quelques aides en espèces pour financer les campagnes d’achat de céréales de l’OFNACER. Les céréales locales collectées et revendues doivent à leur tour produire des Fonds de contrepartie.

Des "droits de misère"

Au regard de ces missions assignées, l’OFNACER achetait, réceptionnait, stockait, traitait, distribuait gratuitement et / ou revendait ses produits céréaliers dans le cadre de la régulation du marché céréalier dans nos pays. Les interventions de l’OFNACER de (1971 à 1994) qui, pour juguler les spéculations des commerçants dans nos marchés et la famine dans nos régions déficitaires, ont été saluées à leur juste valeur par nos populations.
Son personnel a souffert bon an mal an sur les divers chantiers de constitution et de distribution des stocks de céréales.

Pourquoi l’OFNACER a-t-il été liquidé ? l’OFNACER a été liquidé parce
que :
- D’une part, l’Etat en son temps n’a pas joué sa partition ; il était convenu avec ses partenaires (les donateurs et bailleurs de fonds) intervenant auprès de l’OFNACER, que l’Etat régulariserait (par des subventions) les manques à gagner de l’OFNACER ; manques à gagner qui ont constitué les déficits structurels de cet Office depuis sa création en 1971.
Au lieu de lui (le personnel) jeter des fleurs, non ! Il était plutôt taxé de voleur et de détourneur par les pouvoirs et les profanes de l’époque qui, sans nul doute, ignoraient que la stabilisation des prix était un sacrifice (un manque à gagner).

Oui, ce personnel déflaté en septembre 1994 souffre et continue de souffrir, car son effectif ne cesse de réduire de façon démesurée au fil des jours et ce pour cause de mortalité liée à la pauvreté. Oui, ce personnel, à la liquidation de l’OFNACER, n’a perçu que des "droits de misère" et sa subsistance s’avère pénible.

- D’autre part, la mauvaise gestion des comptes d’attente par certains Directeurs généraux incompétents et leurs "patrons". Bref ! En réorientant les missions de la SONAGESS vers la régulation du marché céréalier dans notre pays, cela reviendra à "ressusciter l’OFNACER", à moins que cet OFNACER nouvelle formule fasse véritablement du commerce, réalise des bénéfices et évite par conséquent les manques à gagner...

Aboubakary Sidiki CISSE

Sidwaya

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